Par une requête enregistrée le 25 juin 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 17 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son état de santé et des risques encourus en cas de retour au Sahara occidental ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que le préfet n'a pas fait mention de sa demande de statut d'apatride en cours ;
- il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement alors qu'il remplit les conditions pour se voir attribuer un titre de séjour de plein droit sur le fondement de L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire national méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et de sa situation d'apatridie ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision qui mentionne qu'il devra rejoindre le pays dont il a la nationalité est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'a pas de nationalité ;
- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10 ° et de l'article L. 521-3 du code de l'entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet au mémoire déposé en première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 5 mars 1963 à Aargub, d'origine Sahraouie, de nationalité indéterminée et revendiquant la qualité d'apatride, est entré en France le 27 mars 2018, selon ses déclarations. Le 26 avril 2019, il a sollicité de la préfète de la Gironde son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a toutefois été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 juillet 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 août 2019. Il a alors déposé une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride. Par un arrêté du 24 octobre 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 20 décembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté pour erreur de droit et a enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la situation de l'intéressé. Le 17 janvier 2020, la préfète de la Gironde a pris un nouvel arrêté par lequel elle a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 313-25 et de l'article L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. L'arrêté en litige vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, notamment le 6° du I, le II et le III de l'article L. 511-1 et les articles L. 313-25 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise également que M. A..., d'origine sahraouie né le 5 mars 1983 à Aargub, a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA le 26 juillet 2018, confirmée par la CNDA le 29 août 2019. L'arrêté contesté mentionne également que l'intéressé n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état des éléments se rapportant à sa vie privée et familiale. Il ajoute qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... dès lors que son entrée en France est récente, qu'il ne justifie pas de la présence de son épouse et de celle de ses enfants en France, ni de ce qu'il serait isolé dans son pays d'origine. Enfin, l'arrêté contesté mentionne que M. A... n'établit pas être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté en cause qui n'avait ni à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, ni à indiquer qu'une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride était en cours d'examen, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
Sur le refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
4. M. A... reprend en appel, à l'identique et sans critique utile du jugement, les moyens soulevés en première instance à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, tirés de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ces moyens auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Si M. A... soutient que l'examen en cours de sa demande d'apatridie par l'OFPRA fait obstacle à son éloignement du territoire national, toutefois, il ne produit aucun élément de nature à établir cette situation d'apatridie et n'a pas obtenu ce statut à la date de la décision contestée. Ainsi, la préfète de la Gironde a pu légalement décider de l'éloignement du requérant vers tout pays dans lequel il serait légalement admissible.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est arrivé en France qu'à l'âge de 55 ans et que sa femme et ses enfants résident hors de France. S'il est constant que M. A... a été hospitalisé du 13 octobre 2019 au 5 novembre 2019 puis du 17 au 25 décembre 2019 et souffre de pathologies invalidantes tels que la rupture de la coiffe des rotateurs et des supra-épineux, une stéatose hépatique et a subi récemment une prostatectomie subtotale et présente également des adénopathies diffuses en attente de Pet-scan, toutefois, il ne ressort pas des pièces médicales versées au dossier qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressé ne serait pas en état de voyager, ni que son état de santé à la suite de cette intervention nécessiterait désormais une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le requérant n'apporte pas davantage, en se bornant à se prévaloir de sa situation d'apatridie, qui ne ressort pas des pièces du dossier, d'éléments permettant de considérer qu'il ne pourrait bénéficier dans le pays où il serait susceptible d'être accueilli de la surveillance médicale que requiert son état de santé y compris par Pet-scan. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaîtrait son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la gravité de la mesure sur sa situation personnelle doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale à raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En deuxième lieu, ainsi que l'a retenu le magistrat désigné, l'arrêté, qui mentionne que l'intéressé est d'origine Sahraouie, ne fait pas référence à une nationalité précise et ordonne la reconduite à destination dans tout pays dans lequel il est légalement admissible, n'est donc entaché d'aucune erreur de fait ou de droit.
10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. A... soutient qu'un retour au Sahara Occidental l'exposerait à un emprisonnement en raison d'actes de rébellion pour lesquels il a été condamné à un an d'emprisonnement par contumace. Toutefois, l'intéressé dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA, ne produit aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques allégués. En outre, l'intéressé n'établit pas non plus, ainsi qu'il a été dit au point 7, qu'il ne pourrait bénéficier dans le pays susceptible de l'accueillir de la surveillance médicale que requiert son état de santé. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions et stipulations précitées.
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde n'a pas examiné les éléments de fait caractérisant la situation personnelle de M. A....
13. Ainsi que l'a jugé le magistrat désigné, le moyen tiré de la violation de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique en cas d'expulsion prononcée en application des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, est inopérant à l'encontre de la décision attaquée.
14. Enfin, M. A... ne peut en tout état de cause utilement soulever le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui précise les conditions selon lesquelles un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, pour demander l'annulation de la décision du 17 janvier 2020 par laquelle la préfète de la Gironde a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
15. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Birsen D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
Le rapporteur,
Birsen D...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Virginie Marty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX01995