Par une requête enregistrée le 21 mai 2021, M. B..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de E... du 5 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Vienne du 17 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour d'un an dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente faute de publication régulière de la délégation de signature de M. D... au recueil des actes administratifs ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ; la préfète n'a nullement mentionné les motifs pour lesquels elle refusait de faire usage de son pouvoir de régularisation alors qu'elle était spécifiquement saisie d'une demande en ce sens et elle s'est considérée à tort en situation de compétence liée du fait de l'absence de visa long séjour, méconnaissant ainsi son pouvoir général de régularisation ;
- la préfète était tenue d'examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers quand bien même il ne s'est prévalu d'aucune disposition de ce code à l'appui de sa demande ;
- la décision méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la préfète ne pouvait retenir qu'il n'avait pas été reconnu mineur alors qu'elle ne conteste pas son état civil ;
- la préfète ne pouvait refuser de régulariser sa situation au motif qu'il était entré sur le territoire français sans visa long séjour ;
- il justifie de circonstances particulières lui permettant d'obtenir la régularisation de sa situation tenant à son arrivée en France alors qu'il était mineur, aux liens forts créés avec sa famille d'accueil, à son implication dans la vie associative et locale et à son intégration scolaire et professionnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale car fondée sur une décision de refus de séjour entachée d'illégalité ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale dans la mesure où elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français entachée d'illégalité ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors qu'elle se borne à viser l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il sera manifestement isolé en cas de retour dans son pays d'origine.
Un mémoire en défense présenté par la préfète de la Vienne a été enregistré le 21 février 2022, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/007405 du 15 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen entré en France en décembre 2016, s'est déclaré mineur et a été provisoirement placé à ce titre auprès de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par une ordonnance du juge des enfants F... E... du 17 janvier 2017 mais le juge a mis fin à sa prise en charge par l'ASE par un jugement du 7 août 2017 au motif notamment que les actes d'état civil en sa possession n'étaient pas légalisés et présentaient des incohérences. Le 8 octobre 2019, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en qualité de " travailleur temporaire pour faire un contrat d'apprentissage ". Par un arrêté du 17 juillet 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 5 février 2021 par lequel le tribunal administratif de E... a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté de délégation de signature du 3 février 2020 autorisant M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à signer l'arrêté en litige a été publié au recueil des actes administratifs spécial n° 86-2020-012 de la préfecture de la Vienne du même jour, librement accessible au public. Par suite, le moyen tiré de ce que la délégation de signature de M. D... n'aurait pas été régulièrement publiée au recueil des actes administratifs doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté une demande de titre de séjour en qualité de " travailleur temporaire pour faire un contrat d'apprentissage " sans préciser le fondement juridique de sa demande. Cependant, eu égard à son contenu, notamment les documents d'état civil, la promesse d'embauche, la demande d'autorisation de travail de son employeur, la préinscription à une formation en peinture et la copie de l'ordonnance de placement à l'ASE qui y étaient joints, la préfète de la Vienne n'a pas dénaturé la demande présentée en s'estimant saisie sur le fondement des articles L. 313-15 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquels elle s'est prononcée. Contrairement à ce qui est soutenu, la préfète n'avait pas été saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, s'il est toujours possible au préfet de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour admettre au séjour un étranger, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'oblige à préciser les motifs pour lesquels il ne fait pas usage de cette possibilité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète n'aurait pas motivé son refus de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté. En outre, il ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté que la préfète se serait cru tenue de rejeter la demande de titre de séjour de M. B... au seul motif que ce dernier était dépourvu d'un visa de long séjour. La préfète n'a donc pas méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation. Par suite, la préfète de la Vienne a suffisamment motivé sa décision et a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'intéressé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir été placé provisoirement à l'ASE pour une durée de trois mois dans l'attente de la détermination de son âge réel par un jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants F... E... du 17 janvier 2017, il a été mis fin à cette prise en charge de M. B..., par un jugement du 7 août 2017 rectifié par une ordonnance du 6 novembre 2017 et confirmé par un arrêt de la cour d'appel de E... du 14 août 2018, au motif que les documents d'état civil fournis comportaient des anomalies et que la minorité de l'intéressé n'était pas établie. Dans ces conditions, quand bien même le requérant a été admis temporairement dans les services de l'ASE entre le 17 janvier et le 7 août 2017, il résulte de tout ce qui vient d'être dit que ce placement n'a été que provisoire et a fait l'objet d'une mainlevée par un jugement du 7 août 2017, confirmé par un arrêt de la cour d'appel du 14 août 2018. Ainsi, et sans qu'ait d'incidence l'avis favorable de la brigade des fraudes du 4 décembre 2019 sur ses documents d'état civil, en l'absence de tout élément permettant d'infirmer ceux retenus par la cour d'appel de E..., M. B... ne peut être regardé comme ayant été confié à l'ASE entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Vienne aurait commis une erreur de droit en considérant qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En quatrième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète a rejeté la demande de M. B... présentée sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux motifs, d'une part, que la demande d'autorisation de travail n'a pas pu être instruite faute pour l'employeur de produire les éléments complémentaires sollicités et, d'autre part, que l'intéressé ne peut justifier d'une entrée régulière en France sous couvert d'un visa long séjour. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète s'est fondée sur l'absence de visa long séjour uniquement pour rejeter la demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-10 et non pour refuser de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Par suite, il ne peut utilement soutenir que la préfète ne pouvait légalement refuser de régulariser sa situation au seul motif qu'il était entré sur le territoire français sans visa long séjour.
7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français en décembre 2016, soit à une date relativement récente à la date de la décision contestée, et s'y est maintenu en dépit de la mainlevée de son placement provisoire à l'ASE par jugement du 7 août 2017 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de E... du 14 août 2018 au motif qu'il n'établissait pas sa minorité. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée l'intéressé était majeur, célibataire et sans charge de famille. S'il produit des attestations de la personne qui l'héberge depuis décembre 2018, de ses coéquipiers du club de football dont il est licencié depuis 2018 et de plusieurs associations dont il est bénévole, il ne démontre pas avoir noué des liens personnels particulièrement intenses et stables en France. Par ailleurs, s'il se prévaut d'une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat d'apprentissage pour une formation en CAP peinture et d'une inscription au centre de formation d'apprentis du bâtiment de la Vienne pour l'année 2019-2020, ces éléments ne suffisent pas à caractériser une insertion professionnelle particulière et ancienne en France. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est pas même allégué, qu'il n'aurait plus d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où vivent, selon ses déclarations, sa mère, ses frères et ses sœurs. Dans ces conditions, en dépit des efforts d'insertion dont M. B... se prévaut, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
9. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 7.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. En deuxième lieu, la décision litigieuse vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 3, et indique que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.
12. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". En se bornant à soutenir qu'il serait manifestement isolé en cas de retour dans son pays d'origine, M. B... n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit, dès lors, être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de E... a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
La rapporteure,
Laury C...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02234