Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2019 et le 28 mars 2019, la société Ferme éolienne des Grands Clos, société en nom collectif représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de l'Association de défense du Val de Dronne et de la Double ;
3°) subsidiairement, de sursoir à statuer dans l'attente d'une régularisation ou à défaut de prononcer une annulation partielle de l'arrêté ;
4°) de mettre à la charge de l'association de défense du Val de Dronne et de la Double la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le motif d'annulation retenu par le tribunal tiré de ce que la société n'est pas propriétaire des parcelles à défricher et qu'ainsi les dispositions des articles R. 341-1 et R. 341-5 du code forestier ont été méconnues, est infondé ; le vice n'est ici pas substantiel, le contrôle exercé par le préfet puis par le juge est limité ; le formulaire Cerfa indiquant " demandeur mandaté par le propriétaire du terrain " suffit à justifier la demande de défrichement de la société ; la circonstance que les mandats soient au nom de la société Abo Wind, sa société mère, est ici sans incidence ;
- le second motif d'annulation tiré de ce que le préfet de la Dordogne était tenu d'avertir les propriétaires des parcelles concernées est également infondé en l'absence de toute observation des propriétaires faite même après la réalisation du défrichement alors que la société disposait d'un mandat de représentation en tant que filiale d'Abo Wind ;
- à titre subsidiaire, les propriétaires n'ont été privés d'aucune garantie au sens de la jurisprudence Danthony ;
- en tout état de cause ces vices sont régularisables en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement ; elle a en effet obtenu les mandats signés par les propriétaires des parcelles concernées ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par l'association en première instance, elle renvoie à ses écritures devant le tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation indique qu'il s'en remet à la sagesse de la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
- le code forestier ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... G...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant l'Association de défense du Val de Dronne et de la Double et Me D... représentant la société Ferme éolienne des Grands Clos.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ferme éolienne des Grands Clos, société en nom collectif (SNC) a sollicité le 7 mars 2017 une autorisation pour le défrichement de 0,2377 hectare de parcelles de bois situées à Saint-Aulaye-Puymangou, pour la réalisation d'un chemin d'accès dans le cadre d'un projet de construction et d'exploitation d'un parc de cinq éoliennes et un poste de libraison. Par décision du 21 avril 2017, le préfet de la Dordogne a accordé l'autorisation sollicitée. L'association de défense du Val de Dronne et de la Double a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision du 21 avril 2017. Par un jugement du 18 décembre 2018 le tribunal a fait droit à sa demande. La société Ferme éolienne des Grands Clos relève appel de ce jugement.
Sur le cadre juridique :
2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance susvisée du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, dans sa rédaction issue de l'article 60 de la loi du 10 août 2018 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ;
2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; (...) ". Le chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement prévoit, notamment, en son article L. 181-17 que : " Les décisions (...) mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ". Enfin, parmi les actes énumérés par le I de l'article L. 181-2 du code de l'environnement figure l'" autorisation de défrichement en application des articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ".
3. Il résulte de ces dispositions que les autorisations de défrichement délivrées comme en l'espèce après le 1er mars 2017 et instruites avant cette date et portant sur des projets d'installation d'éoliennes terrestres doivent être regardées comme des autorisations environnementales au sens des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement. Conformément aux dispositions de l'article L. 181-17 du même code, il revient dès lors au juge de statuer dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction et d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécient au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Le juge peut par ailleurs, le cas échéant, mettre en oeuvre les procédures de régularisation prévues par l'article L. 181-18 du même code.
Sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par le tribunal :
4. Pour annuler la décision d'autorisation de défrichement, le tribunal a estimé que la société Ferme éolienne des Grands Clos, pétitionnaire, n'est pas propriétaire des parcelles à défricher et qu'elle ne justifie pas d'un mandat des propriétaires en méconnaissance de l'article R. 341-1 du code forestier.
5. Aux termes de l'article R. 341-1 du code forestier : " La demande est présentée soit par le propriétaire des terrains ou son mandataire (...) / La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les informations et documents suivants : / 1° Les pièces justifiant que le demandeur a qualité pour présenter la demande et, hors le cas d'expropriation, l'accord exprès du propriétaire si ce dernier n'est pas le demandeur (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que les propriétaires des parcelles concernées par le projet de défrichement ont donné leur accord à ce projet et ont autorisé la société Abo Wind à déposer la demande de défrichement. L'association ne conteste pas que la société Ferme éolienne des Grands Clos, filiale à 100 % de la société Abo Wind et qui a le même gérant que celle-ci, s'est substituée à cette dernière pour mener ce projet. Le dossier de demande présentait le maître d'ouvrage comme étant une société de projet et les promesses de bail jointes au dossier de demande comportaient en leur article 14 une clause de substitution permettant au preneur, la société Abo Wind, de se substituer toute personne, sous réserve d'en informer le propriétaire, ce qui a d'ailleurs été fait le 19 juin 2017. Il résulte également des termes des mandats donnés par les propriétaires qu'ils sont valables pour une durée identique à la promesse de bail à laquelle ils sont annexés, soit pour une durée de six ans, et qu'ils étaient en cours de validité à la date d'obtention de l'autorisation contestée.
7. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de qualité de la société Ferme éolienne des Grands Clos pour déposer la demande d'autorisation de défrichement ne pouvait être retenu alors en outre que la société Ferme éolienne des Grands Clos produit au soutien de la requête d'appel un nouveau mandat des propriétaires établi à son profit. Par suite, la société ferme éolienne des Grands Clos est fondée à soutenir que ce premier moyen d'annulation ne pouvait être retenu.
8. Pour annuler la décision d'autorisation de défrichement en litige, le tribunal a également estimé que les propriétaires des parcelles concernées ont été privés de la garantie prévue par l'article R. 341-5 du code forestier dès lors qu'ils n'ont pas été avertis de l'opération de reconnaissance de leurs parcelles.
9. Aux termes de l'article R. 341-5 du code forestier : " Huit jours au moins avant la date fixée pour l'opération de reconnaissance, le préfet en informe le demandeur par tout moyen permettant d'établir date certaine, en l'invitant à y assister ou à s'y faire représenter. Au cas où la demande d'autorisation n'est pas présentée par le propriétaire, le préfet adresse à ce dernier le même avertissement. / (...) ".
10. Il résulte de l'instruction qu'outre les mandats consentis à la société Abo Wind, puis à sa filiale, pour mener à bien ce projet, les propriétaires ont également autorisé, de façon expresse et irrévocable, le preneur ou toute personne qui s'y serait substituée, par promesses de bail auxquelles ont été annexés les mandats mentionnés ci-dessus, à entreprendre toutes les démarches nécessaires aux fins de l'obtention des autorisations. Dans ces conditions, s'il n'est pas sérieusement contesté que les propriétaires n'ont pas été avertis de l'opération de reconnaissance menée sur leurs terrains, en méconnaissance des dispositions précités, cette absence d'avertissement, compte tenu des circonstances rappelées supra, n'est pas de nature à avoir privé les propriétaires d'une garantie. Ils n'ont d'ailleurs émis aucune observation sur ces opérations une fois réalisées et ont confirmé le mandat consenti à la société Ferme éolienne des Grands Clos.
11. Par ailleurs, l'association soutient que la société Ferme éolienne des Grands Clos n'a pas été davantage avertie de cette reconnaissance en méconnaissance des dispositions précitées. A cet égard, il résulte de l'instruction que, préalablement à cette reconnaissance sur les lieux, réalisée le 31 août 2016, la société a déposé un dossier auprès du service compétent de la direction départementale des territoires qui a estimé, au vu de ce dossier et en accord avec la société, qu'il n'était pas utile d'organiser cette reconnaissance en sa présence. Ainsi, la société n'a été privée d'aucune garantie.
12. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un procès-verbal a été établi à l'issue de cette reconnaissance sur les lieux par le technicien forestier. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette omission aurait, en l'absence de tout élément en ce sens, préjudicié en l'espèce à l'information des tiers ou aurait eu pour effet de nuire à l'information de l'auteur de la décision contestée.
13. Par suite la société Ferme éolienne des Grands Clos est fondée à soutenir que ce second moyen d'annulation tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne pouvait davantage être retenu.
14. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner tous les autres moyens présentés en première instance par l'association, à l'encontre de la décision d'autorisation de défrichement contestée.
Sur les autres moyens :
15. Contrairement à ce que soutient l'association, par un arrêté du 6 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet a donné délégation de signature à M. B... E..., directeur départemental des territoires, pour signer notamment les autorisations de défrichement en application du code forestier.
16. Aux termes de l'article L. 341-3 du code forestier : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation (...) ". L'article R. 341-1 du même code prévoit que : " La demande d'autorisation de défrichement est adressée par tout moyen permettant d'établir date certaine au préfet du département où sont situés les terrains à défricher. (...) La demande est accompagnée d'un dossier comprenant les informations et documents suivants : (...) 8° S'il y a lieu, l'étude d'impact définie à l'article R. 122-5 du code de l'environnement lorsqu'elle est requise en application des articles R. 122-2 et R. 122-3 du même code (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable en 2016 : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants, (...) 2° Une description du projet, y compris en particulier : (...) 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : (...) la biodiversité, les terres (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; (...) c) (...) de la création de nuisances (...) d) Des risques (...) pour l'environnement (...) ".
17. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
18. Par arrêté du 12 février 2014, le préfet de Dordogne a soumis à étude d'impact globale le projet de la société Ferme éolienne des Grands Clos d'implanter un parc de cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Parcoul-Chenaud et de Saint-Aulaye-Puymangou, après défrichement de 4 hectares, 59 ares et 24 centiares de bois. Cette étude, établie en décembre 2015, comportait notamment un volet d'étude sur la faune et la flore et un volet sur les chiroptères, substantiels, réalisés au terme d'études bibliographiques et de plusieurs visites de terrain, ainsi qu'un volet " défrichement ". Si l'association conteste la méthode retenue pour procéder à l'état initial au motif de l'absence de prise en compte d'études d'associations naturalistes, les pièces qu'elle produit et notamment les extraits d'études de ces associations, ne permettent pas d'estimer que l'expérience de ces organismes aurait permis d'identifier des espèces animales ou végétales présentes sur le site et non répertoriées par l'étude d'impact. De même si elle produit une étude réalisée par la société Aliséa, bureau d'études, estimant que sur la base de la méthode utilisée par l'étude d'impact concernant les chiroptères, " les enjeux mis en évidence peuvent être sous-estimés et ou mal localisés ", cette étude, ne permet pas à elle seule, en l'absence de données plus précises, de contredire la méthodologie suivie par les auteurs de l'étude d'impact. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que cette étude d'impact aurait été insuffisante au seul motif que d'autres études ne suivraient pas la même méthodologie ou critiquent, de façon générale, la méthodologie suivie.
19. Si par ailleurs le diagnostic sur l'état initial des chiroptères ne respecte pas le protocole d'observation recommandé par la société française pour l'étude de la protection des mammifères en la matière, lequel est dépourvu de toute portée normative, cette circonstance ne saurait caractériser une insuffisance de l'étude d'impact alors que les auteurs de cette étude ont réalisé des écoutes sur 11 points d'écoute situés en hauteur et en continu ainsi que sur 47 points d'écoute sur une période de 10 minutes sur l'ensemble du cycle biologique des chiroptères à savoir de juin à octobre 2015, complétant une première phase d'écoute réalisée de septembre 2013 à août 2014 correspondant à 126,5 heures d'écoute auxquels s'ajoutent 94 nuits en altitude. Cette étude, qui a suivi le protocole susmentionné s'agissant de la division de l'étude en trois aires, l'aire rapprochée, l'aire locale et l'aire régionale, et qui a permis de repérer 21 espèces de chauves-souris fréquentant le site, doit être considérée comme suffisante s'agissant du volet chiroptérologique.
20. L'association soutient également, reprenant à son compte l'avis de l'autorité environnementale, que le pétitionnaire n'a pas examiné dans l'étude d'impact, les impacts environnementaux des différents tracés envisagés pour le raccordement du parc éolien à un poste source ainsi que les éventuelles mesures réductrices ou compensatoires envisagées. A cet égard, l'étude précise que ce raccordement est réalisé sous maitrise d'ouvrage d'ERDF en application de la loi du 12 juillet 1985 dite " MOP ", qu'il relève d'une procédure postérieure distincte de la délivrance de l'autorisation et qu'il n'a pas encore été déterminé, mais qu'à titre informatif, le poste source devrait être " La Courtillère, localisé à 8,2 km au nord du parc éolien des Grands Clos " et qu'il sera réalisé en souterrain et les tracés potentiels des câbles sont précisés. A supposer même que l'étude de l'impact du défrichement aurait appelé une analyse plus précise du tracé du raccordement, dès lors que la question des effets de ce raccordement au poste source sur l'environnement a été relevé par l'autorité environnementale dans son avis du 24 avril 2016, il ne résulte pas de l'instruction que cette insuffisance alléguée de l'étude d'impact aurait pu avoir une incidence sur l'information du public et sur le sens de la décision de l'autorité compétente.
21. En outre, il ressort de l'étude d'impact qu'elle expose, contrairement à ce que soutient l'association, en page 28 à 32, de manière précise et circonstanciée, les raisons du choix des aires d'étude retenues. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce choix serait erroné ou insuffisant au seul motif que l'autorité environnementale a émis une observation sur ce point. Par ailleurs, l'incidence du coût du bridage des éoliennes pour protéger les chiroptères sur la production d'électricité a bien été pris en compte par la société Ferme éolienne des Grands Clos, dans le tableau synoptique des impacts et mesures figurant en page 273 de l'étude d'impact, ce coût étant mentionné comme nul. Au surplus, l'étude d'impact précise dans l'étude des chiroptères, pages 53 et 55, les modalités horaires de mise en arrêt et en drapeau des aérogénérateurs. De même, l'étude de la flore et la faune, qui liste les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique du secteur, qui consacre une partie VIII.3 aux zones humides recensées dans ce secteur, qui comporte une carte des enjeux liés aux zones humides, qui traite de la présence des espèces animales et végétales propres à ces milieux, qui dans sa synthèse indique que " pour la flore et la faune terrestre, les enjeux se concentrent principalement sur les zones humides ", qui envisage les scenarii d'implantation en fonction de leur impact sur ces zones, qui traite des impacts tant permanents que temporaires sur lesdites zones, qui quantifie les surfaces de zones humides impactées et qui précise que la dégradation de milieux par l'emprise du chantier nécessaire aux travaux ne sera que temporaire et qu'après travaux, ces zones vont se cicatriser et offrir à nouveau des milieux d'accueil pour la faune et la flore, a pris en compte, contrairement à ce qui est soutenu, les habitats des zones humides.
22. Enfin, il résulte de l'étude d'impact qu'elle détaille de manière complète et approfondie la nature et les moyens dédiés à la lutte contre l'incendie et comporte une cartographie présentant les pistes permettant aux moyens terrestres d'intervenir sur la zone concernée.
23. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré des insuffisances de l'étude d'impact doit être écarté.
24. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : (...) 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population /9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. "
25. Il résulte de l'instruction que le défrichement autorisé porte sur 0,2377 hectare, surface représentant une très faible surface de la zone boisée considérée, essentiellement composée de pins maritimes.
26. Toutefois, l'emplacement de l'éolienne E1 a été modifié pour tenir compte des gites potentiels des chiroptères et les travaux de défrichement sont prévus en dehors des périodes de reproduction et d'hibernation des chiroptères. L'article 5 de l'autorisation de défrichement en litige prévoit la réalisation, dans un délai d'un an à compter de la fin du défrichement, d'une mesure compensatoire consistant dans la réalisation de travaux de reboisement sur une surface de 17,7772 hectares, trois fois supérieure à celle devant être défrichée. Il ne résulte pas de l'instruction que le reboisement prévu à titre de mesure compensatoire serait inefficace pour empêcher l'atteinte à l'intégrité du massif forestier résultant du défrichement autorisé ni que celui-ci serait de nature à nuire aux intérêts protégés par l'article L. 341-5 précité du code forestier. Si l'article 5 de l'autorisation permet au pétitionnaire de ne pas s'acquitter de l'obligation de reboisement, c'est à la condition qu'il verse une somme de 50 975,64 euros au fonds stratégique de la forêt et du boisement ou qu'il s'acquitte de la même somme pour des travaux d'amélioration sylvicoles.
27. Il résulte par ailleurs de l'instruction que des mesures de bridage pendant la période migratoire ainsi que d'éloignement des éoliennes E3 et E4 sont prévues en vue de réduire les risques de collision des oiseaux et mammifères volants. Le pétitionnaire a également prévu, dans son projet, de consacrer 4,6 hectares, sur la surface totale de 17,7772 hectares replantée, à la gestion et la préservation du Fadet des Laîches, recensé en nombre important, alors que les cartographies de l'étude d'impact précisent que le projet contournera les zones identifiées comme pouvant constituer un habitat pour cette espèce. Ces obligations sont présentées comme subordonnées à des objectifs de résultat sur 30 ans, contractualisés devant notaire.
28. Si l'association soutient que l'autorisation de défrichement porte atteinte à l'équilibre biologique de la zone et induira la suppression de boisements reconnus comme gites potentiels des chiroptères, il ressort de l'étude d'impact, dont l'insuffisance ainsi qu'il a été dit ne résulte pas de l'instruction, que l'aire du site éolien est globalement peu favorable au gite des chiroptères arboricoles du fait de la prééminence de boisements de résineux peu matures. L'association soutient que le parc éolien porte atteinte plus précisément à quatre espèces de chiroptère la Pipistrelle de Nathusius, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune et la Noctule commune. A cet égard, les éoliennes seront éloignées d'une distance de 50 mètres des lisières afin de limiter le risque de collision avec les chiroptères. En outre, les zones lumineuses à déclenchement automatique seront également limitées ou éliminées afin de ne pas constituer une zone d'attractivité pour les différentes espèces de chiroptères. Si l'association allègue que le Minioptère de Schreiber n'a pas été étudié sur une aire de 30 kilomètres conformément aux recommandations d'Eurobats, lesquelles n'ont au demeurant pas d'effet contraignant, l'étude d'impact relève toutefois sans contestation sérieuse que plusieurs organismes ont été sollicités afin de récupérer des données de leurs prospections sur une aire d'étude couvrant une trentaine de kilomètres et indiquant que le risque de collision est faible pour cette espèce.
29. Par ailleurs, il résulte des éléments non sérieusement contestés de l'étude d'impact que la Cistude d'Europe n'est pas impactée par le périmètre de défrichement et que les travaux auront lieu en dehors de la période de ponte de l'espèce, entre mai et octobre. Toutefois, pour tenir compte d'un éventuel impact des travaux sur la ponte, le pétitionnaire a prévu qu'un écologue serait présent pendant la période de travaux et sera en charge de la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures de protection des différentes espèces et qu'un suivi sera réalisé après la mise en service du parc afin de vérifier les effets sur les différentes espèces présentes et de prendre les mesures de bridage ou d'arrêt des machines qui s'imposeraient. Contrairement à ce que soutient l'association, ces mesures qui sont reprises dans le tableau synoptique des impacts et mesures figurant à l'étude d'impact, engagent la société pétitionnaire dès lors que l'autorisation, délivrée au vu du dossier de demande comportant l'étude d'impact, doit être considérée comme subordonnée au respect des mesures qui y sont présentées.
30. S'agissant de l'avifaune, si de nombreuses espèces ont été recensées sur le site, compte tenu des mesures prévues par le pétitionnaire, consistant notamment dans l'évitement des couloirs de migration et des sites de nidification et de stationnement, dans les distances avec les lignes électriques, dans un balisage, dans une implantation parallèle aux axes de migration, dans les distances entre éoliennes, dans le choix des périodes de chantier et dans le choix des végétaux aux abords des éoliennes, l'impact résiduel sur l'avifaune a été évalué par l'étude d'impact comme négligeable à faible pour les oiseaux volant au-dessous de 50 mètres tels que les Busards, et faible à moyen pour les rapaces nicheurs et les oiseaux migrateurs. S'agissant du Circaète Jean le Blanc, sa nidification sur le site du parc éolien n'est pas connue et n'a pas été identifiée et des retours d'expérience d'autres parcs en fonctionnement indiquent qu'un parc éolien n'est pas de nature à influer sur son domaine vital et ne remet pas en cause les populations locales. Aucun élément de l'instruction ne permet de contredire ces éléments.
31. En outre, des mesures de contrôle des effets induits par les éoliennes ont été prévues au titre des cinq premières années. Au demeurant, la demande de destruction d'espèces protégées qui a reçu un avis favorable du Conseil national de la protection de la nature le 25 juillet 2018, est conditionnée, selon cette autorité, par le strict respect de ces mesures protectrices. Enfin, si l'ensemble des mesures préconisées dans l'étude d'impact ne sont pas rappelées dans l'arrêté, ainsi qu'il a été dit précédemment, ces mesures sont reprises dans le tableau synoptique des impacts et mesures figurant à l'étude d'impact et doivent être regardées comme engageant la société pétitionnaire dès lors que l'autorisation, délivrée au vu du dossier de demande comportant l'étude d'impact, doit être considérée comme subordonnée au respect des mesures qui y sont présentées.
32. Par ailleurs, les recommandations du service départemental d'incendie et de secours établies dans un avis du 22 décembre 2016 annexées au permis de construire n'excluent pas toute possibilité d'intervention aérienne par avion bombardier mais indiquent seulement que cette intervention serait irréalisable " à certains endroits ". Ces recommandations prévoient notamment, outre le débroussaillage d'une bande de 50 mètres autour des machines, le renforcement des axes existants, la création de quatre pistes dont trois pour accéder aux éoliennes, la mise en place d'une citerne souple ainsi que de quatre citernes supplémentaires à moins de 400 mètres du projet. Quand bien même des incendies ont été recensés dans cette zone ces dernières années, il ne résulte pas de l'instruction que ces recommandations seraient insuffisantes pour prévenir et limiter le risque d'incendie sur le site et protéger les habitations les plus proches.
33. Dans ces conditions, l'association n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation en litige a été délivrée en violation des intérêts protégés aux points 8° et 9° l'article L. 341-5 du code forestier.
34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en première instance, que la société Ferme éolienne des Grands Clos est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'autorisation litigieuse.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Association de défense du Val de Dronne et de la Double, la somme de 1500 euros à verser à la société Ferme éolienne des Grands Clos au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'Association de défense du Val de Dronne et de la Double devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : L'Association de défense du Val de Dronne et de la Double versera une somme de 1 500 euros à la société Ferme éolienne des Grands Clos en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Ferme éolienne des Grands Clos, à l'Association de défense du Val de Dronne et de la Double, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme F... G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00633