Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées le 23 octobre 2020 et le 23 décembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 10 février 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de délivrance d'un visa de long séjour :
- elle méconnait l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie être entré régulièrement en France et partager la vie de son épouse depuis plus de six mois à la date de sa demande de visa ;
- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
- la préfète a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de six mois de vie commune avec son épouse de nationalité française et qu'il démontre être entré en France le 20 décembre 2013 muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités françaises ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait dès lors que contrairement à ce qu'indique la préfète, il justifie d'une inscription à Pôle emploi, du suivi d'une formation professionnelle, ainsi que d'un emploi en CDI depuis plus d'une année ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né le 12 octobre 1985, de nationalité marocaine, est entré en France le 20 décembre 2013 selon ses déclarations, muni d'un visa de court séjour. Le 28 juin 2017, il a sollicité auprès du préfet de l'Oise, puis le 15 février 2018 auprès de la préfète de la Gironde, un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 10 février 2020, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un visa long séjour, a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... qui déclare être entré en France en 2013, s'est marié le 15 avril 2017 avec une ressortissante française. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, M. A... justifiait de près de trois ans de vie commune avec son épouse de nationalité française. En outre, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le couple qu'il forme avec son épouse ne serait pas stable compte tenu notamment que le couple avait entamé une procédure de procréation médicalement assistée depuis plus d'un an à la date de l'arrêté en litige. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... travaille depuis février 2019 en tant que technicien réparateur informatique et qu'après avoir conclu un contrat à durée déterminée avec son employeur, ce dernier lui a proposé un contrat à durée indéterminée, ce qui permet d'attester de son intégration notamment professionnelle en France.
4. Dans ces conditions, le refus du préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il est intervenu et méconnait, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... est donc fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, à demander l'annulation de ce refus. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi doivent également être annulées.
5. Eu égard aux circonstances précédemment exposées, M. A... est fondé à soutenir que la décision portant refus de visa de long séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et à en demander l'annulation.
6. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté préfectoral en litige du 10 février 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu de prescrire au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée au présent arrêt implique également que soit délivrée à M. A..., dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002042 du tribunal administratif de Bordeaux du 23 septembre 2020 et l'arrêté préfectoral du 10 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03500