Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2021 sous le n° 21BX01903, Mme E..., représentée par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- la préfète, en se bornant à reproduire l'avis du collège des médecins de l'OFII, n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'elle s'en remet à son mémoire de première instance.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2020.
II. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2021 sous le n° 21BX01904, M. D..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2020 de la préfète de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII ;
- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- la préfète en se bornant à reproduire l'avis du collège des médecins de l'OFII n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'elle s'en remet à son mémoire de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de B... missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme E..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1975 et 1973, déclarent être entrés en France le 9 décembre 2017, accompagnés de B... enfants. B... demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2018, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 4 novembre 2019. Ils ont tous les deux sollicité le 7 mars 2019 un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 15 juillet 2020, la préfète de la Gironde a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... et Mme E... relèvent appel du jugement n° 2001287, 2001293 du 15 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté B... demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Les requêtes de M. D... et Mme E..., enregistrés sous les numéros 21BX01903 et 21BX01904, sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les décisions portant refus de séjour :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour opposé à Mme E... :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors applicable : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du bordereau de transmission rédigé par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que le rapport médical établi le 9 octobre 2019 par un médecin du service médical de la direction territoriale de l'OFII de Bordeaux a été transmis au collège de médecins de l'OFII le même jour. Il ressort des mentions de l'avis rendu par le collège que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant examiné le dossier de Mme E..., conformément aux dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'une hépatite virale B co-infectée avec le virus de l'hépatite Delta, accompagnée d'une fibrose avancée ainsi que d'un état dépressif majeur. La préfète qui s'est approprié le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 21 octobre 2019, a considéré que si l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si l'intéressée fait valoir, sur la base d'une attestation du 25 septembre 2020 du ministère des déplacés internes des territoires occupés de Géorgie, l'indisponibilité dans son pays d'origine du traitement à base de la molécule de bulevirtide, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort ni du compte-rendu médical du 7 août 2020 ni d'aucun autre document qu'elle suivrait effectivement un tel traitement en France, ledit compte-rendu ne faisant état que d'une demande d'autorisation d'accès précoce pour ce médicament non encore mis sur le marché. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle bénéficierait en France d'un traitement à base d'interféron non disponible dans son pays d'origine. Il ressort du compte-rendu de consultation du 7 août 2020 que le traitement habituel prescrit est le Levothyrox et l'Azithromycine, tandis que le certificat médical du 14 août 2020 mentionne la nécessité d'un traitement par Entecavir. Mme E... ne soutient ni même allègue que ces derniers traitements ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. La circonstance que les autorités géorgiennes aient refusé par courrier du 1er décembre 2017 de prendre en charge ses frais médicaux relatifs à l'année 2014, ne saurait suffire pour permettre d'estimer qu'elle ne pourrait bénéficier de revenus suffisants ni d'aucune couverture sociale en Géorgie lui permettant d'accéder effectivement aux traitements prescrits en dernier lieu en France alors qu'il résulte de ce même document qu'elle a bénéficié depuis 2011 d'un suivi régulier pour sa pathologie dans ce pays et qu'elle y a reçu du Levothyrox. Par ailleurs, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations permettant d'estimer qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine des médicaments et du suivi nécessaire au traitement de son affection psychologique. Dès lors, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité, la préfète de la Gironde, qui ne s'est pas estimé liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII et a procédé un examen approfondi de la situation de Mme E..., n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le refus le titre de séjour opposé à M. D... :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du bordereau de transmission rédigé par le directeur général de l'OFII, que le rapport médical établi le 9 octobre 2019 par un médecin du service médical de la direction territoriale de l'OFII de Bordeaux a été transmis au collège de médecins de l'OFII le même jour. Il ressort des mentions de l'avis rendu par le collège que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant examiné le dossier de M. D... conformément aux dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
8. En deuxième lieu, la décision de refus de séjour est notamment fondée sur l'avis rendu le 18 octobre 2019 par le collège de médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le requérant peut y bénéficier d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant d'ailleurs de voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de troubles psychologiques avec comportement suicidaire pour lesquels il est prescrit un traitement par antidépresseurs et antipsychotiques ainsi qu'un suivi psychothérapique. Cependant, le certificat médical du 13 août 2020 produit par le requérant, au demeurant postérieur à la décision attaquée, ne permet pas eu égard aux termes peu circonstanciés dans lesquels il est rédigé, de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII en ce qui concerne la disponibilité d'un traitement adapté en Géorgie. Dès lors, en refusant de délivrer un titre de séjour sollicité, la préfète de la Gironde, qui ne s'est pas estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII et a procédé un examen approfondi de la situation de M. D..., n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire national :
9. Aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que l'état de santé des requérants ne constitue pas un obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire national. Par suite, les décisions attaquées n'ont pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté B... demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 février 2020 de la préfète de la Gironde. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter B... conclusions aux fins d'injonctions, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 21BX01903 de Mme E... et n° 21BX01904 de M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
La rapporteure,
Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01903, 21BX01904