Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 28 avril 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2016 et de rejeter les conclusions des demandeurs.
Elle soutient que :
- en annulant l'arrêté du 5 juillet 2013 au motif qu'il a été délivré sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France en application des articles L. 621-30, L. 621-31-I et L. 621-32 du code du patrimoine, le tribunal administratif a commis une double erreur de droit ;
- l'aménagement du projet ne nécessite ni un permis de construire ou de démolir, ni un permis d'aménager ni une déclaration préalable en application du I de l'article L. 621-32 du code du patrimoine ;
- à supposer que les premiers juges aient entendu se fonder sur le II de l'article L. 621-32 du code du patrimoine, l'accord de l'architecte des bâtiments de France n'était nullement obligatoire dès lors que les décisions de non-opposition à déclaration délivrées en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et l'autorisation édictée au titre des monuments historiques reposent sur des législations distinctes, suivant des procédures indépendantes ; il appartenait en conséquence au tribunal d'écarter comme inopérant le moyen soulevé au lieu de l'accueillir ;
- il appartiendra à la cour d'écarter les autres moyens soulevés par les requérants en première instance au regard des observations en défense produites par le préfet devant le tribunal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2016, M. et Mme A...B..., représentés par la SCP Pielberg-Kolenc, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en application des articles L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine alors en vigueur, tous les travaux réalisés sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un monument historique ou inscrit doivent faire l'objet d'une autorisation préalable avec consultation de l'architecte des bâtiments de France ; il importe peu dans ces conditions que le projet d'aménagement d'un passage empierré sur le lit de la rivière ne nécessite pas une autorisation d'urbanisme ; c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 5 juillet 2013 au motif qu'il n'a pas été précédé de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ;
- si la cour ne confirmait pas ce motif d'annulation, il lui appartiendra d'examiner les autres moyens soulevés en première instance à l'encontre de l'arrêté du 5 juillet 2013 ;
- la commune de Jazeneuil n'est pas compétente pour mener à bien le projet litigieux dès lors que l'aménagement et l'entretien de la rivière la Vonne relève de la communauté de communes du Pays Mélusin en vertu de ses statuts issus de la modification du 15 mars 2011 ; pour ce motif également, la circonstance que la commune ait conservé la compétence " tourisme " ne l'autorisait pas à réaliser un aménagement sur la rivière la Vonne ;
- le dossier de déclaration déposé par la commune était incomplet au regard des exigences de l'article R. 214-32 du code de l'environnement ; il était composé d'une simple notice technique qui ne comportait aucun renseignement sur la méthode de mise en place des blocs, sur leur tenue et leur résistance au déversement, sur la possibilité d'écoulement des eaux et le passage des canoës, sur les mesures de sécurité envisagées concernant l'utilisation du gué ;
- la déclaration délivrée par le préfet méconnait les articles L. 211-1 et L. 214-12 du code de l'environnement dès lors que les rochers devant être implantés sur la rivière ne présentent pas un espacement suffisant pour assurer le libre passage des canoës ; ainsi, le principe de libre usage de l'eau consacré par la loi est méconnu.
Par ordonnance du 11 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Jazeneuil a déposé en préfecture de la Vienne un dossier de déclaration au titre de la législation sur l'eau pour la réalisation d'un passage à gué empierré dans le lit mineur de la Vonne. Par un arrêté du 5 juillet 2013, le préfet a donné acte à la commune de sa déclaration. M. et Mme A...B..., propriétaires de parcelles situées à proximité de ce projet, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2013. Le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer relève appel du jugement rendu le 3 mars 2016 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande en annulant l'arrêté du 5 juillet 2013.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2013 :
2. Par un arrêté du 15 mars 2011, pris en application des articles L. 5211-17 et L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, le préfet de la Vienne a modifié le II de l'article 2 des statuts de la communauté de communes du Pays Mélusin, dont la commune de Jazeneuil est membre, en vue de confier à cet établissement public de coopération intercommunale la compétence suivante : " Protection et mise en valeur de l'environnement : est considéré d'intérêt communautaire l'aménagement et l'entretien de la rivière " la Vonne " et de ses affluents ; dans le cadre de cette compétence, la communauté de communes (...) peut réaliser des prestations de services pour le compte des communes (...) ".
3. Le projet de réalisation d'un gué empierré relève de la rubrique 3.1.2.0 annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, laquelle soumet à déclaration les " Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau (...) 2° Sur une longueur de cours d'eau inférieure à 100 mètres ". Ainsi, alors même que la commune de Jazeneuil disposerait de la compétence générale " tourisme " sur son territoire, un tel projet constitue, de par sa nature même, un aménagement de la rivière la Vonne. En application des statuts de la communauté de communes du Pays Mélusin, tels que modifiés par l'arrêté du 15 mars 2011, ce projet relevait de la compétence de l'établissement public de coopération intercommunale. Par suite, en donnant acte à la commune de Jazeneuil de sa déclaration pour la réalisation du projet litigieux, le préfet de la Vienne a méconnu les compétences statutaires de la communauté de communes du Pays Mélusin. Dès lors, l'arrêté du 5 juillet 2013 est entaché d'illégalité et doit être annulé.
4. Il résulte de tout ce qui précède le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 5 juillet 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance d'appel, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...B...et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le recours du ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A...B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...B..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la commune de Jazeneuil.
Copie en sera transmise au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric Faïck
Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01433