Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 novembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 août 2017 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce qu'il démontrait son intégration dans la société française ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ses parents et ses cinq frères résident sur le territoire français, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française et qu'il justifie de ses efforts d'intégration dans la société française ; les premiers juges qui ont relevé qu'il n'était pas isolé dans son pays d'origine où vivent ses autres frères et soeurs auraient dû en conclure que l'essentiel de sa famille vivait sur le territoire français ; en outre les premiers juges ont passé sous silence ses démarches d'intégration ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne présente pas une menace actuelle pour l'ordre public et qu'elle fait abstraction de ses liens familiaux en France;
- elle porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 16 février 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B..., ressortissant marocain né le 15 février 1994, est entré en France, selon ses déclarations, au mois d'août 2011. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 8 octobre 2012 après le rejet de sa demande d'admission au séjour présentée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux. Le 19 février 2013, il a de nouveau sollicité son admission au séjour sur ce même fondement, mais par une décision du 9 juillet 2014 le préfet de la Gironde a encore rejeté sa demande. M. B...a une nouvelle fois sollicité, le 9 mai 2016, un titre de séjour dans le cadre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par un arrêté du 28 août 2017, le préfet de la Gironde a pris à l'encontre de M. B...une décision portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B...relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au point 5 de sa décision, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen soulevé par M. B...tiré de la méconnaissance, par l'arrêté contesté, de son droit à mener en France une vie privée et familiale. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par M. B...à l'appui de son moyen, n'a pas entaché sa décision d'irrégularité.
Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. En application de ces stipulations et dispositions, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. M. B...fait valoir qu'il séjourne depuis 2011 en France où résident régulièrement ses cinq frères ainsi que ses parents. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, quatre de ses frères séjournent irrégulièrement sur le territoire français, une obligation de quitter le territoire français ayant même été édictée à l'encontre de deux d'entre eux. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B...entretiendrait des liens avec les autres membres de sa famille résidant régulièrement en France. Ainsi, M. B... n'établit pas la réalité de ses liens familiaux sur le territoire français alors que, comme l'a justement relevé le tribunal administratif, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses autres frères et soeurs.
6. A l'appui de son moyen, M. B...se prévaut également de sa relation de concubinage avec une ressortissante française. Il n'en établit cependant ni l'ancienneté ni la stabilité en se contentant de produire une attestation de cette personne rédigée postérieurement à la décision attaquée et en des termes très généraux dès lors que son auteur se contente d'y indiquer que M. B..." réside actuellement à (son) domicile et ce depuis un an ". De plus, M.B..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait, a constamment séjourné en situation irrégulière sur le territoire français.
7. Dans ces conditions, et malgré les efforts d'intégration que poursuit le requérant au sein d'une association qui le soutient dans ses démarches et dans ses difficultés d'ordre éducatif et social, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations et dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces mêmes circonstances, il n'a pas non plus commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
9. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
10. En premier lieu, M. B...s'est précédemment soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prise à son encontre et a constamment séjourné en situation irrégulière sur le territoire français. Et comme il a été dit précédemment, M. B...ne justifie pas avoir noué en France des liens privés et familiaux suffisants et ainsi susceptibles d'être compromis par l'interdiction de retour édictée à son encontre. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde, en interdisant à M. B...de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. En second lieu, il résulte de ce qui précède que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. B...n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Pierre Bentolila, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2018.
Le rapporteur,
Frédéric A...Le président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX04169