Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2019, M. A... F..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé la demande d'autorisation de travail présentée par la société Vitipro ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en substituant les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, au regard desquelles la demande d'autorisation de travail devait être examinée, aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ladite substitution de base légale ayant eu pour effet de le priver d'une garantie ;
- le préfet a commis une erreur de droit en appréciant la demande d'autorisation de travail au regard des dispositions de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables aux demandes de titre de séjour mention " travailleur saisonnier " alors qu'il avait présenté une demande de titre de séjour mention " travailleur temporaire " ;
- le préfet a commis une erreur de droit en appréciant la demande d'autorisation de travail au regard de la situation de l'emploi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'en l'absence de tout nouvel élément, il confirme les termes du mémoire transmis en première instance.
Par une ordonnance du 19 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord signé le 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, en matière de séjour et de travail ;
- la directive n° 2008/115 du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,
- et les observations de Me E..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant tunisien né le 26 mai 1972, est entré régulièrement en France le 14 décembre 2014 et a bénéficié, sur le fondement du 4° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu l'article L.313-23, d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 14 décembre 2014 au 13 décembre 2017. Le 20 octobre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant d'un contrat de travail à durée déterminée conclu avec la société Vitipro pour occuper un emploi d'ouvrier viticole. Après avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), le préfet de la Gironde, par arrêté du 18 juin 2018, a refusé la demande d'autorisation de travail présentée par la société Vitipro. Par arrêté du 31 octobre 2018, la même autorité a refusé de délivrer à M. F... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. M. F... relève appel du jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. A l'appui du moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 18 juin 2018 portant refus d'autorisation de travail, M. F... reproche, en premier lieu, aux premiers juges de l'avoir privé d'une garantie en substituant les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, au regard desquelles la demande d'autorisation de travail présentée par la société Vitipro devait selon lui être examinée, aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort toutefois du jugement attaqué que les premiers juges n'ont procédé à une substitution de base légale des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien aux dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que pour considérer que l'autorité administrative pouvait refuser le titre de séjour sollicité par M. F.... Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales ". L'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations pris en application de l'accord-cadre entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis, le 28 avril 2008 et publié par décret du 24 juillet 2009 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention "salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...) 3° Le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale (...) ".
4. Il est constant que M. F... a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 14 décembre 2014 au 13 décembre 2017. Le 20 octobre 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a produit, à l'appui de cette demande, un contrat de travail à durée déterminée conclu avec la société Vitipro en qualité d'ouvrier viticole. Cette demande tendait ainsi à obtenir un changement de statut en vue de se voir délivrer une carte de séjour mention " travailleur temporaire ". Par une décision du 18 juin 2018, la demande d'autorisation de travail sollicitée par l'employeur au bénéfice de M. F... lui a été refusée par le préfet de la Gironde aux motifs, d'une part, du non-respect de la législation relative au travail et à la protection sociale et, d'autre part, de la situation de l'emploi dans la profession. Cette motivation de la décision critiquée rendue notamment au visa des articles R. 5221-11 à R. 5221-16 et des articles R. 5221-17 à R. 5221-22 du code du travail, relatifs aux autorisations de travail, révèle que, même s'il a également visé l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est prononcé au regard d'une demande de changement de statut de " travailleur saisonnier " à " travailleur temporaire ". Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit dont l'arrêté du 18 juin 2018 portant refus d'autorisation de travail serait entaché doit être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er: La requête présentée par M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme C... B..., présidente assesseure
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01691 5