Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2019, M. F... A..., représenté par Me E..., demande à la cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 27 décembre 2018;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 du préfet de la Haute-Vienne;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau dans le délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;
- elle porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est entré sur le territoire métropolitain en 2014 pour y rejoindre sa fille Allaouia de nationalité française, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de celle-ci à la hauteur de ses ressources, qu'il lui rend régulièrement visite et suit sa scolarité, qu'il est bien intégré en France où il réside avec sa femme et ses deux enfants et qu'il n'a plus d'attaches aux Comores ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er octobre 2019 à midi.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée à New York le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 31 décembre 1975, est entré sur le territoire métropolitain le 11 septembre 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité le 17 décembre 2014 la délivrance d'un titre de séjour en raison de ses liens privés et familiaux sur le territoire français. Par un arrêté en date du 15 avril 2016, confirmé par deux jugements du tribunal administratif de Limoges en date des 16 août 2016 et 13 octobre 2016, puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de céans en date du 21 février 2017, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A..., qui n'a pas exécuté cette décision, a déposé le 17 octobre 2017 une nouvelle demande de titre de séjour en France au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 23 août 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 août 2018 :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, à supposer que M. A... ait entendu invoquer le moyen tiré du défaut de motivation, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En outre, il ressort de l'arrêté litigieux qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garantie par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
4. M. A... soutient être entré sur le territoire métropolitain en 2014 pour y rejoindre sa fille Allaouia de nationalité française qui réside chez sa mère au Havre. Il fait valoir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de celle-ci à la hauteur de ses ressources, qu'il lui rend régulièrement visite et qu'il suit sa scolarité. Toutefois, s'il justifie s'être installé à Limoges en raison des attaches qu'y a sa compagne, il ne démontre pas par la production d'un courrier du collège d'Allaouia, de ses bulletins scolaires pour les années scolaires 2016/2017 et 2017/2018, d'une attestation peu circonstanciée de sa mère et de six justificatifs d'aller-retour en bus Limoges-Le Havre, dont deux seulement sont antérieurs à 2018, les deux nouveaux justificatifs de transport produits en appel étant postérieurs à l'arrêté litigieux, participer effectivement et de manière substantielle à l'éducation de sa fille, qui vit avec sa mère sur le territoire métropolitain depuis 2010. Il n'est d'ailleurs pas fait mention de liens avec sa fille entre 2010, date de l'installation de cette dernière au Havre, et 2014, date de l'arrivée en France métropolitaine du requérant. En outre, si M. A..., bien qu'ayant été déchargé de l'obligation de contribuer aux frais d'entretien de sa fille compte tenu de ses faibles ressources aux termes d'un jugement du tribunal de grande instance du Havre du 1er avril 2011, atteste avoir régulièrement émis des mandats cash au profit de la mère de son enfant au cours de la période de décembre 2015 à novembre 2017, il ne justifie pas avoir poursuivi ces versements réguliers en ne produisant qu'un mandat cash émis depuis cette date alors qu'il ne fait pas état d'une dégradation de sa situation financière. Dès lors, M. A... ne peut être regardé comme établissant entretenir des relations avec sa fille Allaouia d'une intensité telle que son départ de la France porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, M. A... n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale aux Comores avec son épouse, qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, et leurs deux enfants de deux et trois ans. Il ne démontre pas davantage qu'il n'aurait plus d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Enfin s'il se prévaut de son insertion dans la société française, les documents qu'il produit au soutien de ses allégations, à savoir des bulletins de salaires attestant qu'il a travaillé pour la société Elior cinq mois au cours de l'année 2015 et quatre mois au cours de l'année 2016 et une attestation de l'association des Grands comoriens du Limousin se bornant à indiquer que M. A... est un membre actif de l'association, ne suffisent pas à l'établir. Dans ces circonstances, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé, ce dernier ayant déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 15 avril 2016 par le préfet de la Haute-Vienne, le refus de titre de séjour litigieux n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le préfet de la Haute-Vienne n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Selon l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". En vertu de l'article R. 312-2 du code précité : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ".
6. Le préfet n'est tenu, en application de ces dispositions, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas être en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
8. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit M. A... au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté pour les motifs énoncés au point 4.
9. En troisième et dernier lieu, M. A... reprend, dans des termes similaires et sans critiques utiles du jugement, le moyen invoqué en première instance tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que cette décision priverait sa fille de sa présence alors qu'il justifie de sa participation à son entretien et son éducation. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 23 août 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente assesseure,
M. G... B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André B...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX01988 2