Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en date du 7 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler cet arrêté du 22 octobre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle réside sur le territoire français, où elle est entrée pour la première fois en 2012, avec ses quatre enfants nés les 29 avril 2011, 2 août 2012, 16 février 2016 et 21 mars 2017, dont deux sont scolarisés ; elle est née en Italie où elle a grandi et est dépourvue de liens familiaux en Serbie ; l'un de ses enfants souffre d'épilepsie partielle et suit un traitement médical ; pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que ses enfants, dont deux sont scolarisés en France, n'ont jamais vécu en Serbie, et parlent uniquement le romani et le français ; l'un de ses est suivi médicalement en France ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est privée de base légale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde est elle -même illégale ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où les membres de la communauté rom subissent des discriminations en Serbie ;
- le préfet s'est estimé lié par les décisions lui refusant le bénéfice de l'asile pour fixer la Serbie comme pays de renvoi ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de Mme E....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 11 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 août 2019 à midi.
Mme E... a produit un mémoire en pièces complémentaires le 20 août 2019 qui n'a pas été communiqué.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante serbe, née le 27 mai 1988 à Rome, entrée en France, selon ses déclarations, pour la dernière fois le 10 avril 2017, relève appel du jugement en date du 7 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 22 octobre 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision contestée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde, et notamment le 6° du I de l'article L. 511-1. Par ailleurs, cette décision mentionne les circonstances de fait propres à la situation de Mme E..., notamment qu'elle est née le 27 mai 1988 à Rome, et qu'elle est entrée en France pour la dernière fois le 10 avril 2017 où elle réside avec ses quatre enfants mineurs scolarisés. Elle relève par ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée par deux décision en date du 14 décembre 2012 et du 7 mai 2013 prises respectivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), et que sa demande de réexamen a été déclaré irrecevable par une décision de l'Office en date du 6 mars 2018. Enfin elle mentionne qu'elle n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine, où demeure notamment son concubin qui a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français après avoir notamment été incarcéré pour faits de vol, ni que ses enfants ne pourraient pas y poursuivre leur scolarité. Par suite, et alors même qu'elle ne mentionne pas que l'un des enfants de la requérante suit un traitement médical en France en raison d'une épilepsie partielle, cette décision doit être regardée comme suffisamment motivée en droit et en fait.
3. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de la requérante. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à un examen sérieux de la situation personnelle de Mme E....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Mme E... fait valoir qu'elle est entrée en France pour la première fois en 2012, où elle vit actuellement avec ses quatre enfants mineurs nés respectivement les 29 avril 2011, 2 août 2012, 16 février 2016 et 21 mars 2017, dont deux, Samanta et Saimon, sont scolarisés en école élémentaire, et que son fils Braian souffre d'épilepsie partielle nécessitant un traitement médical quotidien et un suivi régulier. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante est entrée, pour la dernière fois, en France récemment le 10 avril 2017 où elle a sollicité le réexamen de sa demande tendant au bénéfice de l'asile qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'OFPRA le 6 mars 2018, et où elle ne justifie d'aucun liens privés et familiaux. Par ailleurs Mme E..., n'établit pas, que ses enfants pourraient être empêchés de suivre une scolarité normale dans le pays dont ils ont la nationalité. Enfin, si Mme E... soutient que l'état de santé de son fils Braian, qui souffre d'une épilepsie partielle et de difficultés de développement, nécessite un traitement et un suivi médical en France, les documents médicaux et les rapports qu'elle produit ne permettent pas d'établir que son traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine ni que son suivi médical ne pourrait y être réalisé. Dès lors, Mme E..., n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaitrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
6. En premier lieu, le présent arrêt écartant les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme E..., le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision priverait de base légale celle de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
7. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination de Mme E... vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre elle relève que l'intéressée est une ressortissante de nationalité serbe dont la demande de réexamen de son admission au bénéfice de l'asile a été déclaré irrecevable sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne, s'il a notamment pris en compte les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, après s'être livré à un examen de la situation personnelle de la requérante, se soit estimé lié par ces décisions. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si Mme E..., dont la demande de réexamen de son admission au bénéfice de l'asile, préalablement rejetée par une décision du 14 décembre 2012 de l'OFPRA, confirmée par une décision du 7 mai 2013 de la CNDA, a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité de la part de l'Office le 6 mars 2018, soutient qu'elle et ses enfants seraient exposés à des persécutions et mauvais traitements en cas de retour en Serbie du fait de son appartenance à la minorité Rom , les pièces qu'elle produit au dossier ne suffisent pas à établir la réalité des persécutions et mauvais traitements qu'ils encourraient actuellement et personnellement en cas de retour en Serbie. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
10. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2018 du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre F..., président,
Mme C... B..., présidente assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
La présidente-assesseure,
Karine B...
Le président,
Pierre F...
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02078