- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été pris en vue de permettre le placement en rétention administrative de M. B... dans l'attente des résultats de la base de données Eurodac nécessaires à la saisine de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, M. F... B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- le préfet des Pyrénées-Atlantiques a commis un détournement de pouvoir en ce qu'il a pris l'arrêté litigieux non pas pour l'éloigner à destination de son pays d'origine mais dans le seul but de le placer en rétention administrative.
En ce qui concerne spécifiquement l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne vise pas la convention de Genève relative au statut des réfugiés, ne vise pas le règlement (UE) n° 604/2013 et ne fait pas mention du document allemand permettant de justifier de sa qualité de demandeur d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'asile ;
- le préfet ne pouvait considérer qu'il est entré irrégulièrement en France, son arrivée dans ce pays étant la conséquence d'une réadmission.
En ce qui concerne spécifiquement le refus de délai de départ volontaire :
- il est fondé sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
- il est entaché d'un défaut de motivation ;
- il n'a pas été pris à la suite d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- il ne saurait lui être opposé l'absence de document d'identité dès lors qu'il a fui les persécutions dont il était victime dans son pays d'origine pour demander l'asile.
En ce qui concerne spécifiquement la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne spécifiquement la décision d'interdiction de retour en France durant un an :
- elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été prise à la suite d'un examen réel et sérieux de sa situation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... se disant F... B..., ressortissant albanais, né le 12 octobre 1996, a été interpellé par la police de l'air et des frontières des Pyrénées-Atlantiques le 2 décembre 2018. Le même jour, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris à l'encontre de l'intéressé un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 décembre 2018.
2. Il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.
3. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises, mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3. En revanche, en application des dispositions précitées de l'article 24 du règlement (UE) n° 604/2013, lorsqu'il a été définitivement statué sur sa demande, l'étranger peut faire l'objet soit d'une procédure de réadmission vers l'Etat qui a statué sur sa demande, soit d'une obligation de quitter le territoire français.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant albanais, interpellé le 2 décembre 2018 en situation irrégulière par la police de l'air et des frontières des Pyrénées-Atlantiques, a indiqué lors de son audition avoir sollicité l'asile en Allemagne et a présenté un document expiré depuis le 4 septembre 2018 en attestant. Dans ces conditions, alors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'il ait été définitivement statué sur la demande d'asile de M. B..., la situation de ce dernier n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet a commis une erreur de droit en prenant à l'encontre de M. B... une décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions d'absence de fixation d'un délai de départ volontaire, de désignation du pays de destination de la mesure d'éloignement et d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 2 décembre 2018.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... C..., présidente assesseure,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 octobre 2019.
La présidente assesseure,
Karine C...Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX04514 2