Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. C... G..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 6 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un récépissé de demande de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 5114-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations et de l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 19991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... G..., ressortissant albanais né le 5 août 1987 à Gjirokaster en Albanie, est entré en France le 21 juillet 2016, accompagné de son épouse et de l'enfant de celle-ci alors âgé de dix ans. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile par une demande déposée le 2 septembre 2016, laquelle, examinée dans le cadre de la procédure accélérée, a été rejetée par l'Office français des réfugiés et apatrides le 31 mars 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 24 octobre 2017. A la suite de ce rejet, le préfet de la Dordogne a pris à l'encontre de l'intéressé, le 14 décembre 2017, une obligation de quitter le territoire français. Le 8 janvier 2018, M. G... a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet de la Dordogne en date du 22 mai 2018, annulé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 octobre 2018, lequel a également enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. G.... Par un nouvel arrêté du 6 février 2019, le préfet de la Dordogne a rejeté la demande de titre de séjour de celui-ci, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. G... relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 février 2019 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...)".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
5. M. G... fait valoir qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique, dont le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour lequel il ne pourrait bénéficier effectivement du traitement approprié en Albanie, son pays d'origine. Toutefois, les deux certificats médicaux antérieurs à la décision attaquée dont il se prévaut, établis par le Dr Remark, médecin psychiatre à Périgueux, ne permettent pas de remettre en cause l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 29 janvier 2019, selon lequel l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si M. G... fait également valoir que le traitement dont il a besoin n'est pas disponible en Albanie, cette circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que, comme il vient d'être dit, un défaut de prise en charge de la pathologie dont il souffre ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. G... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait lesdites dispositions. Pour les mêmes motifs, ladite décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de l'intéressé.
6. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. M. G... soutient qu'il réside en France depuis trois ans, qu'il est parfaitement intégré, qu'il suit des cours de français, ainsi que son épouse, qu'il s'investit bénévolement pour des actions de solidarité au sein de l'association La Clé Vergt, qu'il est soutenu par le maire de sa commune, que, menuisier de formation, il bénéficie d'une promesse d'embauche par une entreprise de menuiserie implantée à Salon de Vergt et que son épouse, qui bénéficie d'un suivi psychiatrique pour un état de stress post-traumatique, a par ailleurs subi deux interventions chirurgicales. Toutefois, le requérant, qui vivait en France depuis deux ans et demi à la date de la décision en litige, ne dispose ni d'un emploi ni d'un logement, et ne justifie d'aucune ressource pour vivre avec sa famille de façon autonome. Il n'est par ailleurs pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, son épouse, de même nationalité que lui, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé justifierait qu'elle demeure en France à la date de la décision attaquée, y séjournant également en situation irrégulière. Dans ces conditions, et alors que rien en s'oppose à ce que son épouse, le fils de celle-ci et l'enfant né le 2 décembre 2016 retournent avec lui en Albanie, où il n'est pas établi ni même allégué que ces derniers ne pourraient y poursuivre leur scolarité, le refus de séjour n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. G... une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. La scolarisation en classe de 5ème et la parfaite intégration de l'enfant de l'épouse de M. G..., laquelle fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ne s'opposent pas à ce que l'ensemble de la famille, y compris l'enfant du couple né en France le 22 décembre 2016, retourne vivre en Albanie, leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que l'intérêt supérieur de ces enfants aurait été méconnu doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
11. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile et des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écarts pour les motifs exposés respectivement aux points et 4 et 8 ci-dessus.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne du 6 février 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... B..., présidente-assesseure,
Mme E... F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie F...
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
No 19BX04391