Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 janvier 2018 et le 19 avril 2019, M. F... E..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 20 novembre 2017 ;
2°) de condamner solidairement le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et l'Etat à lui verser une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
3°) de mettre à la charge solidaire du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R.741-7 du code de justice administrative la minute de la décision n'a pas été signée ;
- ledit jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et que le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision contestée était empreinte de discrimination syndicale ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa mutation avait été prononcée dans l'intérêt du service et n'avait pas de caractère disciplinaire ;
- la mutation dont il a fait l'objet présente le caractère d'une sanction déguisée ;
- la décision de mutation illégale prise à son encontre est à l'origine de préjudices qui en résultent directement et certainement, et pour lesquels il est fondé à solliciter une indemnité d'au moins 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018, le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019 à 12 h 00.
Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 22 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... B... ;
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., représentant le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 juillet 2016, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et le préfet des Pyrénées-Atlantiques ont décidé qu'à compter du 1er août 2016, M. E..., lieutenant de première classe de sapeurs-pompiers professionnels, cesserait d'exercer ses fonctions de chef du centre d'incendie et de secours de Cambo-les-Bains et serait nommé aux fonctions de chargé de mission au sein du groupement des emplois et des compétences dans le service de la formation et du sport et affecté au centre d'incendie et de secours de Saint-Jean-de-Luz. M. E... relève appel du jugement du 20 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'indemnisation, par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et l'Etat, des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de la décision du 29 juillet 2016 et des agissements constitutifs de harcèlement moral dont il a, selon lui, été victime.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que ce dernier a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
4. En second lieu, aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
5. M. E... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à indiquer que la décision du 29 juillet 2016 a été prise dans l'intérêt du service sans répondre au moyen tiré de ce qu'elle constituait une discrimination syndicale. Il résulte toutefois des motifs du jugement que les premiers juges ont énoncé, avant d'écarter le moyen, que la mesure de déplacement d'office motivée par l'intérêt du service ne résultait pas d'une volonté des supérieurs de M. E... de le sanctionner en raison de son appartenance syndicale. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'une insuffisance de motivation doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Pour solliciter la condamnation du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et de l'Etat, M. E... se prévaut, d'une part, de l'illégalité fautive de la décision du 29 juillet 2016 portant changement d'affectation et, d'autre part, de ce qu'il a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 29 juillet 2016 :
7. Premièrement, il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont décidé les premiers juges les illégalités fautives entachant la décision du 29 juillet 2016 intervenue alors que l'organe délibérant de l'établissement n'avait pas créé l'emploi d'affectation, que la commission administrative paritaire du ministère de l'intérieur n'avait pas été saisie et que M. E... n'avait pas consulté son dossier, étaient insusceptibles, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre ces illégalités et les préjudices invoqués, d'ouvrir droit à réparation.
8. Deuxièmement, il est soutenu en appel par M. E... que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision du 29 juillet 2016 constitue une sanction déguisée et est entachée d'un détournement de pouvoir.
9. Il résulte de l'instruction que la décision de changement d'affectation de M. E... a été prise à la suite de vives tensions, de nature à nuire au bon fonctionnement du service, entre l'intéressé et plusieurs autres sapeurs-pompiers volontaires dont certains, placés sous sa responsabilité, refusaient même d'assurer les astreintes opérationnelles. Plusieurs pétitions signées par ces sapeurs-pompiers dont l'une du 4 février 2016 dénonçant le comportement de M. E... à leur égard et des manifestations organisées sur la voie publique au cours de l'été 2016 pour réclamer le départ du chef de centre révèlent l'existence d'une situation conflictuelle à laquelle il était nécessaire de mettre fin. Si M. E... soutient que la mesure prise à son encontre résulte d'une volonté de ses supérieurs hiérarchiques de le sanctionner en raison de son appartenance syndicale, il ne résulte pas de l'instruction que le changement d'affectation dont il a fait l'objet, pris dans l'intérêt du service, ait revêtu le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou aurait été décidé à raison de ses activités syndicales. L'existence d'un détournement de pouvoir par ailleurs alléguée par M. E... n'est pas établie.
10. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son changement d'affectation, qui a été décidé dans l'intérêt du service, ne présente aucune illégalité fautive de fond.
En ce qui concerne le harcèlement moral :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ".
12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
13. Au titre des éléments de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, M. E... soutient, en premier lieu, que ses attributions ont été réduites dès lors qu'il est privé de commandement depuis qu'il est affecté au centre de secours de Saint-Jean-de-Luz. Il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressé a accepté son nouveau poste tout en conservant dans son nouvel emploi son régime indemnitaire, l'affectation d'un véhicule de service, l'inscription de son nom au tableau d'avancement hors classe au titre de l'année 2018 ainsi que son engagement de sapeur-pompier volontaire au niveau du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques.
14. En second lieu, ni la circonstance que M. E... n'a été évalué que le 22 mai 2018 au titre de l'année 2017 ni le fait qu'un refus de protection fonctionnelle lui a été opposé ne sont suffisants, à eux-seuls, à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
15. Il suit de là que M. E..., ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, ne peut être regardé comme ayant été victime d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions tendant à 1'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par M. E..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera au service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., au service départemental d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... B..., présidente-assesseure,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
Le rapporteur,
Karine B...Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX00215 2