Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2019, M. B... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 12 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et avec la même astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le signataire de l'arrêté n'a pas été régulièrement habilité, la délégation de signature étant large et imprécise ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en faisant uniquement référence à l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins ;
- en se bornant à se fonder sur l'avis du collège de médecins et en ne faisant pas usage de son pouvoir d'appréciation, le préfet n'a pas examiné sa situation et a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il souffre d'une cardiopathie ischémique chronique, d'une hypertension artérielle et de diabète. Ces pathologies nécessitent un suivi médical ainsi qu'un traitement médicamenteux qui n'est pas intégralement disponible en Arménie. Or l'absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. A supposer qu'un traitement équivalent soit disponible en Arménie, il n'est pas établi qu'il pourra effectivement accéder à ce traitement eu égard à son coût ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine alors qu'il vit en France avec son épouse, son fils, sa belle-fille et son petit-fils. Il n'a plus de contacts avec sa fille en Russie ;
- eu égard à son état de santé, l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée en l'absence de motivation factuelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des menaces dont lui et son fils ont été victimes et de son isolement en Arménie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2019 à midi.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-741 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. G... A... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien né le 11 octobre 1939, est entré en France le 15 avril 2016. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 avril 2017, le préfet de la Vienne a, par un arrêté du 31 mai 2017 dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour de céans du 21 décembre 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté n'ayant pas été exécuté, M. C... a sollicité le 22 mars 2018 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 12 février 2019, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 février 2019 dans son ensemble :
2. M. C... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer sérieusement la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et notamment les articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique, après avoir rappelé l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er août 2018, que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, et il n'existe aucune contre-indication au voyage. L'arrêté précise également, qu'il est entré récemment en France, que sa femme et son fils sont en situation irrégulière sur le territoire français et que son autre fils réside en Russie de sorte que rien ne s'oppose à ce qu'il reconstitue une vie familiale normale dans son pays d'origine où il a vécu presque 77 ans. L'arrêté litigieux énonce ainsi les circonstances de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, la circonstance que l'arrêté litigieux se réfère, pour apprécier l'état de santé de M. C..., à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont il reproduit les termes, ne signifie pas par elle-même que le préfet de la Vienne s'est cru lié par cet avis. M. C... n'établit d'ailleurs ni même n'allègue avoir communiqué au préfet des éléments sur son état de santé. Dans ces conditions, ce dernier ne pouvait que se fonder que sur le seul élément dont il disposait sur ce point, à savoir l'avis de ce collège de médecins. Enfin, il ressort des termes même de la décision contestée que le préfet de la Vienne ne s'est pas cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration puisqu'il se réfère également aux éléments du dossier et examine par ailleurs la situation de M. C..., notamment son droit au respect de sa vie privée et familiale. L'erreur de droit alléguée manque donc en fait.
5. En troisième lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté litigieux que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Vienne a procédé à un examen de sa situation personnelle. L'erreur, pour regrettable qu'elle soit, sur le sexe de l'enfant résidant en Russie, ne révèle pas à elle seule un défaut d'examen de la situation de M. C.... Ce moyen doit donc être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
7. M. C... soutient que le traitement requis par son état de santé, notamment certains médicaments, n'est pas disponible en Arménie et qu'en tout état de cause il ne pourrait accéder au traitement en raison de son coût. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une cardiopathie ischémique chronique, d'une hypertension artérielle et de diabète. Si le requérant soutient que le bisoprolol, le kardegic, l'atarax, l'atorvastatine, le brilique et le janumet ne sont pas disponibles en Arménie, il ressort des fiches extraites de la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information) produites par le préfet que des médicaments ayant des principes actifs similaires sont disponibles en Arménie. En outre, M. C..., qui a vécu jusqu'à l'âge de 77 ans en Arménie, n'établit pas être dans l'impossibilité d'accéder effectivement aux soins requis par son état de santé en Arménie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les motifs énoncés au point 7.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
11. Si M. C... se prévaut de la présence en France de son épouse, de son fils et de la famille de ce dernier, il n'est pas contesté qu'ils résident irrégulièrement en France. En l'absence d'attaches familiales résidant régulièrement en France, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C... qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qui a vécu la majeure partie de sa vie en Arménie, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En deuxième lieu, si M. C... soutient que cette décision est dépourvue de toute motivation factuelle, l'arrêté litigieux précise que la demande d'asile de M. C... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et que M. C... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Le défaut de motivation factuelle allégué manque donc en fait.
14. En troisième lieu, si M. C... soutient que lui et son fils ont été victimes de menaces en Arménie, il ne produit aucune pièce au soutien de cette allégation alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. En outre, la circonstance, au demeurant non établie, qu'il se retrouve isolé en Arménie ne constitue pas en elle-même un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de la Vienne. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme E... D..., présidente-assesseure,
M. G... A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02897