Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 février 2018 et 5 mars 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2018 ;
2°) d'annuler les décisions des 21 décembre 2016 et 2 janvier 2017 ainsi que les décisions orales de l'administration lui appliquant une majoration pour retard de paiement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 13 euros en remboursement des droits de plaidoirie.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du non-respect par l'administration de son engagement contractuel ;
- c'est à tort que les premiers juges ont dénié tout caractère décisoire aux courriels des 21 décembre 2016 et 2 janvier 2017 ; l'application d'une majoration de retard constitue une nouvelle décision lui faisant grief dès lors qu'elle diffère de la décision de la commission des recours qui n'a pas validé de majoration de retard ;
- en lui accordant des délais de paiement, l'administration a retiré sa décision initiale du 12 février 2015 ; le montant des sommes alors dues devait s'entendre comme excluant toute majoration de retard ; lorsque l'administration accorde un échéancier de paiement et que le contribuable, de bonne foi, respecte ces délais, les majorations de retard ne sont pas exigibles ;
- le recours gracieux exercé le 21 décembre 2016 à l'encontre de la décision du même jour, constitue une demande de remise gracieuse des pénalités de retard ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il ne contestait pas l'erreur manifeste qu'aurait commise l'administration en ne lui accordant pas cette remise gracieuse alors qu'il avait scrupuleusement respecté l'échéancier qui lui avait été fixé ; ils pouvaient, en tout état de cause, y faire droit eu égard à sa bonne foi ;
- l'administration a elle-même reconnu le 8 février 2018 qu'il s'était acquitté de sa dette ;
- l'administration n'établit pas qu'il aurait reçu la lettre de relance du 11 mai 2015, de sorte qu'elle ne peut lui reprocher de ne pas avoir contesté cette décision dans le délai de deux mois.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2018 et 22 mars 2019, le directeur départemental des finances publiques de la Manche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par un courrier le 9 octobre 2019, la ministre des armées indique que seule la direction départementale des finances publiques est susceptible de formuler des observations sur cette affaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 28 novembre 2013 du ministre de la défense, M. C... a été informé d'un trop-perçu de rémunération au titre de la période du 1er octobre 2011 au 20 novembre 2012 pour un montant de 15 826,28 euros. Par une seconde décision du 28 novembre 2014, le ministre de la défense lui a signifié un trop-perçu de solde et d'indemnités accessoires pour la période du 1er octobre 2011 au 31 août 2014 pour un montant de 12 385,51 euros. M. C..., qui a saisi la commission des recours des militaires le 7 janvier 2015, a contesté cette décision du 28 novembre 2014 devant le tribunal administratif de Caen le 14 janvier 2015. Le
12 février 2015, un titre de perception de 12 386 euros a été émis par le directeur départemental des finances publiques (DDFIP) de la Manche à l'encontre de l'intéressé. Le 11 mars 2015,
M. C... a présenté un recours devant le tribunal administratif de Caen contre ce titre exécutoire. A la suite à l'avis de la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a, par une décision du 12 novembre 2015, annulé la décision du 28 novembre 2013 et ramené la somme mentionnée dans la décision du 28 novembre 2014 à 11 197,87 euros. Par deux ordonnances du 10 décembre 2015, le président du tribunal administratif de Caen a pris acte du désistement de M. C... des deux instances mentionnées ci-dessus. Par lettre du 11 mai 2015, la DDFIP de la Manche a appliqué une majoration de 10 % sur la somme de 12 386 euros mentionnée ci-dessus. Des échanges de courrier et de courriels sont intervenus entre M. C..., son conseil et la DDFIP de la Manche, les 18 et 21 décembre 2016 puis le 2 janvier 2017. Le
22 février 2017, M. C... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de " la décision de la DDFIP de la Manche en date du 2 janvier 2017 par laquelle celle-ci a explicitement rejeté le recours administratif préalable formulé par M. A... C... le 21 décembre 2016 à l'encontre de la décision du même jour et mettant à la charge du requérant une pénalité de retard d'un montant de 1 120 euros ". Il relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction que dans son courrier du 21 décembre 2016, le conseil de M. C... a contesté le fait que des pénalités pour retard de paiement avaient été appliquées à son client, qui, à cette date, s'était acquitté de l'intégralité de la somme de 11 197, 87 euros due au principal au titre des trop-perçus de rémunération. Dans un courriel du 2 janvier 2017, les services du DDFIP 50 ont indiqué que la majoration de 10 % qui lui avait été appliquée restait due pour un montant de " 1 200 euros " dès lors que, ainsi qu'il lui avait été dit par un courrier du 22 juillet 2015, la saisine du tribunal administratif, le 11 mars 2015, avait pour effet de suspendre la procédure du recouvrement forcé mais ne remettait pas en cause l'application de la majoration. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette réponse constitue une décision faisant grief à M. C..., qui était ainsi recevable à en contester le bien-fondé. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête pour irrecevabilité.
3. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur le bien-fondé de la décision maintenant la majoration de 10 % :
4. Aux termes du III de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 : " Donne lieu à l'application d'une majoration de 10 % tout retard dans le paiement des créances qui font l'objet d'un titre de perception que l'Etat délivre dans les conditions prévues à l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'il est habilité à recevoir. Cette majoration, perçue au profit de l'Etat, s'applique aux sommes comprises dans le titre qui n'ont pas été acquittées le 15 du deuxième mois qui suit la date d'émission du titre de perception. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : / 1° Soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité ; 2° Soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la régularité de la forme d'un acte de poursuite. / L'opposition à l'exécution et l'opposition à poursuites ont pour effet de suspendre le recouvrement de la créance. ".
5. S'il est constant que le titre de perception émis le 12 février 2015 à l'encontre de M. C... mentionnait une date limite de paiement fixée au 15 avril 2015, il résulte de l'instruction que le 11 mars 2015, M. C... a contesté, dans le délai de recours, ce titre de perception devant le tribunal administratif de Caen. Dès lors, et conformément aux dispositions précitées de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012, cette saisine a eu pour effet de suspendre le recouvrement de sa créance, et, par voie de conséquences, a eu également pour effet qu'aucun retard de paiement ne pouvait être reproché à l'intéressé à la date du 15 avril 2015. Par suite, c'est à tort que le DDFIP de la Manche a appliqué à M. C... une majoration de 10 % à raison du dépassement de cette date et a estimé qu'il restait redevable, en dépit du paiement intégral de la somme de 11 1197, 87 euros, de la somme 1 120 euros au titre de cette majoration de retard.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à solliciter la décharge de la somme de 1 120 euros qui lui est réclamée.
Sur les droits de plaidoirie :
7. La somme de 13 euros demandée par M. C... correspond à des droits de plaidoirie qui ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées à ce titre par l'intéressé en vue du remboursement de cette somme ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700310 du tribunal administratif de Caen en date du 8 février 2018 est annulé.
Article 2 : M. C... est déchargé du paiement de la somme de 1 120 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la ministre des armées et au ministre de l'action et des comptes publiques.
Une copie sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Manche.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT00840