Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2017, la SARL Nourhane, représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 12 juin 2017 ;
2°) d'annuler les titres de perception émis les 27 et 29 juillet 2016, ensemble les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 37 324 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, son recours n'était pas tardif puisque, d'une part, les courriers du directeur régional des finances publiques de la région Midi-Pyrénées ne lui ont été notifiés que le 3 octobre 2016 et, d'autre part, le délai de recours contentieux est prorogé de plein droit au premier jour ouvrable suivant le dies ad quem ;
- le procès-verbal du 29 juillet 2015 fondant les titres de recettes litigieux ne lui a pas été communiqué de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations en défense en méconnaissance des droits de la défense ;
- ce procès-verbal doit être communiqué afin de pouvoir contrôler l'exactitude matérielle des faits ;
- les titres de recettes sont insuffisamment motivés faute de se référer au procès-verbal du 29 juillet 2015 en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 ;
- les titres de recettes ne font pas mention des bases de liquidation en méconnaissance du décret du 29 décembre 1962.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me F..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de la SARL Nourhane la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Nourhane ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2018, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL Nourhane ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure civile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. H... A...,
- et les conclusions de M. Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué le 30 juillet 2015 dans le local du restaurant exploité par la SARL Nourhane sous l'enseigne " Quick Burger " situé 133 rue Henri Desbals à Toulouse, un procès-verbal d'infraction à la législation du travail pour l'emploi de deux étrangers non muni d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France a été dressé. A l'issue de la procédure administrative contradictoire prévue à l'article R. 8253-3 du code du travail, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a appliqué à la SARL Nourhane, par une décision du 22 mars 2016, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail d'un montant de 35 200 euros et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros. A la suite du rejet du recours gracieux formé par la SARL Nourhane par une décision du 20 juin 2016, deux titres de perception ont émis les 27 et 29 juillet 2016 à l'encontre de cette société. Cette dernière a alors formé une réclamation préalable contre ces deux titres par un courrier du 27 septembre 2016 adressé à la direction régionale des finances de publiques de la région Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne. Cette réclamation ayant été implicitement rejeté, la SARL Nourhane a sollicité devant le tribunal administratif de Toulouse l'annulation des deux titres de perception émis à son encontre, l'annulation des décisions implicites rejetant sa réclamation préalable pour chacun des titres de perception émis et la décharge de l'obligation de payer la somme de 37 324 euros. La SARL Nourhane relève appel de l'ordonnance du 12 juin 2017 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme irrecevable en raison de sa tardiveté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article 118 du décret n° 2012-1246 dans sa rédaction alors en vigueur : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause (...) L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° (...) A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée. " Aux termes de l'article 119 de ce décret dans sa rédaction alors en vigueur : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118. ". Enfin aux termes de l'article 642 du code de procédure civile : " Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. "
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 118 du décret que le délai au terme duquel naît une décision implicite est le délai de six mois à compter de la date de réception de la réclamation de l'intéressé, soit en l'espèce le 28 septembre 2016. Il résulte cependant de l'instruction que le courrier du 28 septembre 2016 accusant réception de la réclamation de la SARL Nourhane fait mention d'un autre délai en indiquant que le délai de six mois court à compter " de la réception de ce courrier ". Du fait de cette indication erronée, le délai n'a commencé à courir qu'à compter de cette date. En l'espèce, la SARL Nourhane soutient, sans que cela soit contesté, que le courrier accusant réception de sa réclamation, lui a été notifié le 3 octobre 2016. Par conséquent, la réclamation a été implicitement rejetée le 3 avril 2017. En application des dispositions des articles 118 et 119 du décret du 7 novembre 2012, le délai de recours expirait donc en principe le dimanche 4 juin 2017. Cependant, en application de la règle posée par l'article 642 du code de procédure civil, le délai de recours contentieux a été prorogé jusqu'au mardi 6 juin 2017, le lundi 5 juin 2017 étant un jour férié. Par conséquent, la requête de la SARL Nourhane, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 4 juin 2017, n'était pas tardive. Par suite, l'ordonnance attaquée, qui a rejeté la requête de la SARL Nourhane comme étant irrecevable, est irrégulière et doit être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SARL Nourhane devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la régularité des titres de perception émis les 27 et 29 juillet 2016 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ".
6. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
7. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation des contributions spéciale et forfaitaire et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
8. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 17 février 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé la SARL Nourhane qu'il avait été établi par procès-verbal, lors d'un contrôle effectué le 29 juillet 2015 par les services de police, qu'elle avait employé deux travailleurs démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée, qu'elle était donc susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. Ainsi, la SARL Nourhane a été mise à même de solliciter la communication du procès-verbal d'infraction, ce qu'elle n'a pas fait. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense pour défaut de communication du procès-verbal doit, en tout état de cause, être écarté.
9. En deuxième lieu, la SARL Nourhane ne peut utilement se prévaloir de la loi du 11 juillet 1979 qui a été abrogée le 1er janvier 2016 par l'article 6 de l'ordonnance du 23 octobre 2015.
10. En troisième lieu, la SARL Nourhane soutient que les titres de perceptions ne font pas mention des bases de liquidation en méconnaissance du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962. Cependant, si l'article 81 de ce décret, qui prévoyait une telle obligation, a été abrogé par le décret du 7 novembre 2012, ce même décret prévoit en son article 24 que : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) " Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
11. En l'espèce, les titres de perception contestés mentionnent respectivement qu'ils correspondent au recouvrement, d'une part de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail selon le taux fixé par l'article R. 8253-2 du code du travail à raison de l'emploi d'Abdelkader C... et d'Islam E... et, d'autre part, de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévu par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont le montant est fixé par l'article R. 626-1 de ce code et les arrêtés du 5 décembre 2006 à raison de l'emploi d'Abdelkader C.... En outre, les titres de perception font expressément référence à la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 mars 2016, précédemment adressée à la société requérante, portant mise en oeuvre des contributions spéciales et forfaitaires et exposant les motifs pour lesquels ces contributions ont été mises à la charge de la SARL Nourhane. Cette dernière a ainsi été régulièrement informée des bases et éléments de calcul des contributions mises à sa charge.
12. En dernier lieu, la SARL Nourhane se borne à soutenir que la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie. Il résulte cependant des procès-verbaux d'audition des étrangers concernés et des gérants de la société ainsi que du compte-rendu d'enquête après identification, que MM. C... et E... ont reconnu travailler au restaurant Quick Burger sans être titulaire d'une autorisation de travail sur le territoire national et pour M. C... sans être autorisé à séjourner en France. La société requérante ne produisant aucun élément permettant d'infirmer ces allégations au demeurant non sérieusement contestées, la matérialité des faits en cause doit donc, et en tout état de cause, être regardée comme établie.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Nourhane n'est pas fondée à solliciter l'annulation des titres de perception émis à son encontre les 27 et 29 juillet 2016 ainsi que, par voie de conséquence, des décisions implicites rejetant son recours gracieux. Par suite, les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Nourhane, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Nourhane la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : L'ordonnance n° 1702540 du 12 juin 2017 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la SARL Nourhane est rejeté.
Article 3 : La SARL Nourhane versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Nourhane, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera transmis à la direction régionale des finances publiques d'Occitanie et du département de Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme D... B..., présidente-assesseure,
M. H... A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.
Le rapporteur,
Paul-André A...
Le président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX02792