Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 27 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de vingt jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'entrainerait une absence de soins ; elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme E... F... a été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante guinéenne entrée régulièrement en France le 4 mars 2016, a sollicité, le 20 juin 2017, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 décembre 2018, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 juin 2019 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'article R.313-22 du CESEDA confie, dans le cadre de la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, à un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le soin d'émettre un avis au vu d'un rapport médical établi par un médecin du service médical de cet office. Les règles déontologiques communes à tout médecin, telles qu'elles résultent des articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique, sont applicables à la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article. ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
5. Par son avis du 19 avril 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les certificats médicaux produits par l'intéressée, indiquant notamment qu'elle souffre d'un trouble anxio-dépressif réactionnel à sa situation sociale précaire et à sa situation de séparation de ses enfants restés dans son pays d'origine et que son état de santé nécessite un suivi spécialisé par un psychiatre, un cardiologue et un diabétologue ainsi qu'un traitement médicamenteux ne devant pas être interrompu, ne permettent pas de remettre en cause le sens de cet avis. Par ailleurs, et dès lors qu'il n'est pas établi que le défaut de traitement médical serait de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la circonstance, à la supposer établie, que le traitement approprié ne serait pas disponible dans le pays d'origine de Mme B... est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Si Mme B... se prévaut de la présence en France de l'une de ses trois filles, celle-ci n'a pas vocation à y demeurer dès lors qu'elle a fait l'objet, le 21 décembre 2017, d'un arrêté portant remise aux autorités néerlandaises pour l'examen de sa demande d'asile et que, ne s'étant pas présentée à la convocation pour son transfert, elle est regardée comme étant en fuite. Par ailleurs, Mme B..., qui résidait en France depuis moins de trois ans à la date de la décision en litige, ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français, alors que ses deux autres filles, mineures, résident en Guinée, où l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... le préfet de la Haute-Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi, ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés au point 7 ci-dessus.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 27 décembre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Dominique Naves, président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme E... F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Sylvie F...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
No 19BX04408