Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 juillet 2020 et le 29 octobre 2020 sous le n° 20BX02058, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Charente de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le tribunal a omis d'examiner les moyens tirés de l'absence de prise en compte de sa situation et des circonstances humanitaires exceptionnelles qu'elle invoque, et de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
- la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour n'a pas eu pour effet de régulariser sa situation.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle se fonde sur un avis de l'OFII insuffisamment motivé se matérialisant par des cases cochées et ne comportant aucun élément individualisé se rapportant à ses pathologies ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est placé, à tort, en situation de compétence liée ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- la décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe de dignité de la personne humaine.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle est stéréotypée et ne fait pas apparaitre les quatre critères prévus par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas rempli les obligations d'information prévues à l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le caractère exécutoire de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français postérieurement à son édiction ;
- la décision est contraire aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa situation relève d'une situation humanitaire exceptionnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, le préfet de la Charente conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir qu'à la suite d'un changement dans les circonstances de fait, il a délivré une autorisation provisoire de séjour à Mme F....
II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 juillet 2020 et le 29 octobre 2020 sous le n° 20BX02059, M. F..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le préfet de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour pendant une durée d'un an ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Charente de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Charente de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le tribunal a omis d'examiner les moyens tirés de l'absence de prise en compte de sa situation et des circonstances humanitaires exceptionnelles qu'il invoque, et de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
- la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour n'a pas eu pour effet de régulariser sa situation.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée en ce qu'elle se fonde sur un avis de l'OFII insuffisamment motivé se matérialisant par des cases cochées et ne comportant aucun élément individualisé se rapportant à ses pathologies ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est placé, à tort, en situation de compétence liée ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- la décision est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe de dignité de la personne humaine.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
-la décision est contraire aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle est stéréotypée et ne fait pas apparaitre les quatre critères prévus par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas rempli les obligations d'information prévues à l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le caractère exécutoire de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français postérieurement à son édiction ;
- la décision est contraire aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que sa situation relève d'une situation humanitaire exceptionnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, le préfet de la Charente conclut au non-lieu à statuer.
Il fait valoir qu'à la suite d'un changement dans les circonstances de fait, il a délivré une autorisation provisoire de séjour à M. F....
Par deux décisions du 3 septembre 2020, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme A... F... et M. D... F....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., née le 24 avril 1970, et, son fils, M. F..., né le 5 mai 1999, ressortissants albanais, sont entrés sur le territoire français le 27 mars 2018 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 23 mai 2018 confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 14 juillet 2018. Par des arrêtés du 1er avril 2019, le préfet de la Charente a refusé de les admettre au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. S'étant maintenus sur le territoire français, M. et Mme F..., ont déposé, le 17 septembre 2019, des demandes de titre de séjour en qualité d'étrangers malades. Par des arrêtés du 17 janvier 2020, le préfet de la Charente a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme F... et M. F... relèvent appel du jugement du 2 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes d'annulation de ces derniers arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 20BX02058 et n° 20BX02059 concernent la situation de membres d'une même famille et présentent à juger des questions semblables. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur l'étendue des litiges :
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Charente a délivré à Mme F... ainsi qu'à M. F..., le 7 juillet 2020, postérieurement à l'enregistrement des requêtes d'appel, des autorisations provisoires de séjour valables jusqu'au 6 janvier 2021. Dans la mesure où la délivrance de ces autorisations ont eu nécessairement pour effet d'abroger implicitement les décisions contestées les obligeant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois, fixant le pays de destination et leur faisant interdiction de retour sur le territoire français, les conclusions des requêtes tendant à l'annulation de ces décisions se trouvent privées d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions. En revanche, la délivrance de telles autorisations provisoires de séjour, dont les effets ne sont pas équivalents à ceux des titres initialement demandés par les appelants sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas de nature à priver d'objet les conclusions des requêtes tendant à l'annulation des décisions du 17 janvier 2020 refusant à M. et Mme F... la délivrance des titres de séjour qu'ils ont sollicités, et ne vaut pas plus abrogation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
4. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le tribunal administratif de Poitiers a statué dans ses points 7 et 25 et 8 à 11 sur les moyens développés devant lui tirés de ce que le préfet de la Charente n'aurait pas pris compte leurs situations de manière individualisée et les circonstances humanitaires exceptionnelles qu'ils invoquent, ainsi que sur l'application des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir omis d'examiner ces moyens.
Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège de médecins de l 'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office. ". Enfin, selon 1'annexe II de cet arrêté : " C. - Points particuliers concernant les pathologies les plus fréquemment concernées : a) Les troubles psychiques et les pathologies psychiatriques. Les informations suivantes doivent en principe être recueillies : description du tableau clinique, critères diagnostiques, en référence à des classifications reconnues (classification internationale des maladies : CIMJO, ou manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : DSM 5). Il est également important que soient précisés, lorsque ces éléments sont disponibles, la gravité des troubles, son suivi et les modalités de prise en charge mises en place. L'importance dans ce domaine de la continuité du lien thérapeutique (lien patient-médecin) et du besoin d'un environnement/entourage psycho social familial stable (eu égard notamment à la vulnérabilité particulière du patient) doit être soulignée. Le problème des états de stress post-traumatique (ESPT) est fréquemment soulevé, notamment pour des personnes relatant des violences, tortures, persécutions, traitements inhumains ou dégradants subis dans le pays d'origine. La réactivation d'un ESPT, notamment par le retour dans le pays d'origine, doit être évaluée au cas par cas (...) ".
6. D'abord, si les appelants reprochent au préfet de s'être prononcé sur leur état de santé au seul vu des avis du collège de médecins de l'OFII donnés sous forme de cases cochées, il est rappelé que le secret médical interdit aux médecins émettant l'avis de révéler des informations sur la pathologie d'un patient ainsi que sur la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses seraient insuffisamment motivées au seul motif que les avis émis par le collège de médecins ne comportent aucun des éléments se rapportant à la pathologie des appelants doit être écarté
7. Ensuite, si le préfet de la Charente s'est approprié les termes des avis du collège de médecins de l'OFII du 9 décembre 2019 et du 9 janvier 2020, il ressort de la motivation des décisions attaquées qu'il s'est par ailleurs fondé sur d'autres éléments pour estimer que l'état de santé de M. et Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que le voyage vers l'Albanie ne comportait pas de risque pour leur santé, et qu'il a effectué un examen de leur situation pour retenir que les intéressés ne remplissaient pas les conditions d'octroi des titres de séjour sollicités. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Charente se serait cru lié par les avis du collège des médecins de l'OFII doit être écarté.
8. Enfin, les appelants soutiennent que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la prise en charge de leurs pathologies dans leur pays d'origine.
9. Les avis du collège de médecins de l'OFII, émis le 9 décembre 2019 s'agissant de Mme F... et le 9 janvier 2020 s'agissant de M. F..., indiquent que leur état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, ces mêmes avis indiquent qu'ils pourront bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, et que leur état de santé leur permet de voyager sans risque vers leur pays d'origine.
10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F... souffrent tous deux de troubles psychiques et sont suivis régulièrement au centre hospitalier Camille Claudel depuis le mois de juillet 2018. M. F... produit, en outre, un bulletin de santé selon lequel il a été hospitalisé à compter du 10 février 2020. Ils font valoir que la continuité du lien thérapeutique, au sens du C a) de l'annexe II de l'arrêté ministériel du 5 janvier 2017, est fondamentale pour eux dès lors qu'ils sont soignés en France depuis deux ans, qu'un retour dans leur pays d'origine ne pourrait qu'aggraver leurs pathologies psychiques et que le défaut de prise en charge auquel ils seront confrontés en Albanie aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII, ils produisent en appel deux documents faisant état des dysfonctionnements du système de santé albanais et du faible nombre de lits disponibles en hôpital psychiatrique dans ce pays. Toutefois, ces documents, au demeurant très généraux et anciens, ne suffisent pas à infirmer les avis du collège de médecins de l'OFII selon lesquels ils pourront bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application qu'il a faite des dispositions de l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 11, le moyen tiré de ce que les décisions contestées portent atteinte à la dignité humaine des appelants compte tenu de leur état de santé doit être écarté. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers que les intéressés ne sont entrés sur le territoire français que depuis deux ans, qu'ils ne se prévalent d'aucune attache en France et n'apportent aucune preuve d'intégration sur ce territoire. Dès lors, le préfet de la Charente n'a pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en refusant de leur délivrer les titres de séjour sollicités. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. En troisième lieu, les appelants n'entrant pas effectivement dans le champ d'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 17 janvier 2020 portant de refus de titres de séjour. Il suit de là que les conclusions qu'ils présentent à fin d'injonction, d'astreinte et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de M. et Mme F... dirigées contre les arrêtés du préfet de la Charente du 17 janvier 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme F... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à M. D... F..., et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée pour information au préfet de la Charente.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Dominique Naves, président,
- Mme C... B..., présidente-assesseure,
- Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2020.
Le rapporteur,
Karine B...
Le président,
Dominique Naves
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°s 20BX02058, 20BX02059