Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2013, la société PES 33, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale pour vol initiée à l'encontre de M. C...A... ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1200961 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que la décision du 23 décembre 2011 par laquelle le ministre du travail a confirmé les décisions de suspension et de refus de reprise du contrat d'apprentissage de M.A....
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail a commis une appréciation inexacte matérielle des faits ;
- tant l'enquête des services de police que le procès verbal de constat dressé par Me B..., huissier de justice, le 27 septembre 2011, permettent d'établir que l'entretien du 18 septembre 2011, au cours duquel il a reconnu les faits de vol, s'est tenu sans aucune agressivité ni pression psychologique telles que prétendument invoquées par l'intéressé ;
- elle n'a commis aucune infraction à la réglementation du travail ;
- les déclarations mensongères de pressions psychologiques ou d'infraction à la durée légale du travail ne sont aucunement établies et constituent un parfait ajustement de cause pour s'exonérer d'une responsabilité pénale pour l'infraction de vol ;
- c'est à tort que le ministre et le tribunal ont considéré que la décision du 24 novembre 2011 était antérieure à la résiliation du contrat d'apprentissage puisqu'elle a saisi le conseil des prud'hommes en résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage pour vol le 28 septembre 2011 et que la Direccte a notifié la suspension puis le refus du contrat d'apprentissage à compter du 10 octobre 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2014, le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 10 juillet 2014, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2014 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par la société PES 33, a été enregistré le 14 janvier 2016, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé,
- et les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été recruté par la société PES 33 le 31 août 2010 dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Lors d'un entretien du 18 septembre 2011, le gérant de la société a reproché à M. A...des détournements de fonds et lui a proposé une rupture amiable du contrat de travail. Le 21 septembre suivant, le salarié a consulté le médecin du travail, qui, dans le cadre de la procédure de danger immédiat prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail, en une seule visite, a rendu un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise sans reclassement possible dans l'établissement. Le 29 septembre 2011, l'employeur a contesté la décision d'inaptitude du salarié devant l'inspecteur du travail. Au vu de l'avis du médecin inspecteur régional du 24 octobre suivant, l'inspecteur du travail a, le 24 novembre 2011, constaté l'inaptitude de M. A...à son poste de travail et à tout poste dans la société PES 33. Par décision du 26 septembre 2011, le directeur de l'unité territoriale de la Gironde a suspendu le contrat d'apprentissage de M. A...en application de l'article L. 6225-4 du code du travail et, par décision du 5 octobre suivant, refusé sa reprise, en application de l'article L. 6225-5 du même code. A la suite du recours de la société PES 33, le ministre, a, le 23 décembre 2011, confirmé ces deux décisions. La société relève appel du jugement du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et à l'annulation de cette décision.
Sur la demande de sursis à statuer :
2. La société PES 33 demande, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête dans l'attente de l'issue de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M.A.... Cependant, la requérante ne conteste pas les affirmations du ministre selon lesquelles un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux a été rendu le 18 décembre 2013 suite à sa plainte. N'ayant pas produit un tel jugement, elle n'est pas fondée à demander à ce qu'il soit sursis à statuer sur sa requête.
Au fond :
3. Aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage. /Cette suspension s'accompagne du maintien par l'employeur de la rémunération de l'apprenti. " Aux termes de l'article L. 6225-5 dudit code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage./Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme. " L'article R. 6225-9 de ce même code prévoit qu' : " En application de l'article L. 6225-4, l'inspecteur du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. /Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire. " Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a décidé du maintien des décisions suspendant le contrat d'apprentissage de M. A...et refusant la reprise de son exécution en contrôlant notamment le respect du principe du contradictoire, et en retenant l'existence d'infractions commises par la société PES 33 à la réglementation du travail et de pressions psychologiques exercées par son gérant sur l'intéressé, ce que la société requérante conteste.
4. Il ressort des pièces du dossier que le contrôleur du travail a rencontré M. A...le 22 septembre 2011. Le 23 septembre suivant, l'inspecteur du travail et le contrôleur du travail ont mis en demeure la société PES 33 de supprimer tout risque pour la santé de M. A...et l'ont informée de la demande de suspension du contrat d'apprentissage qu'ils présentaient auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Aquitaine et du déroulement de la procédure prévue par les dispositions précitées. Le même jour, l'inspecteur du travail et le contrôleur ont mené une enquête dans l'entreprise, et ont entendu le gérant, qui a pu présenter ses explications sur les faits reprochés. La société PES 33 a ainsi pu présenter des observations, contrairement à ce qu'elle soutient, dès le 23 septembre 2011, et les compléter ensuite par courriers des 29 septembre et 15 octobre 2011. Dans ces circonstances, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le principe du contradictoire a été respecté.
5. Aux termes de l'article L. 3121-35 du code du travail : " Au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures. En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. " Aux termes de l'article R. 3121-23 de ce code : " La dérogation à la durée maximale hebdomadaire absolue du travail prévue à l'article L. 3121-35 est accordée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Elle ne peut l'être qu'en cas de circonstance exceptionnelle entraînant temporairement un surcroît extraordinaire de travail. / La demande de dérogation est adressée par l'employeur à l'inspecteur du travail. (...) La décision précise l'ampleur de la dérogation ainsi que la durée pour laquelle elle est accordée. "
6. Il ressort des pièces du dossier que le travail de M. A...se réalisait tous les mercredis, samedis et dimanches. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, elle ne respectait pas la législation du travail dès lors que le salarié était amené à travailler, une semaine sur deux, le week-end après sa semaine de cours et, en conséquence, au-delà de la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures fixée par l'article L. 3121-35 du code du travail, l'employeur n'établissant pas avoir déposé la demande de dérogation prévue par l'article R. 3121-23 de ce même code.
7. Il ressort des pièces du dossier que le mal-être psychologique du salarié est établi par l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 21 septembre 2011, validé par la décision du 24 novembre 2011 de l'inspecteur du travail sur recours de l'employeur, confirmée par l'arrêt n°13BX03200 de ce jour.
8. De plus, en se bornant à affirmer que la démarche de M. A...auprès du médecin du travail serait une manoeuvre pour échapper à ses responsabilités dans le cadre des faits de détournement de fonds dont elle l'accuse, la société n'apporte aucun élément d'ordre médical de nature à établir que le salarié aurait été apte à son poste de travail. Elle n'établit notamment pas que l'intéressé aurait reconnu, au cours de l'entretien du 18 septembre 2011 qu'il a eu avec son employeur, avoir été l'auteur de vols répétés au sein de l'entreprise. De plus, à supposer que cet entretien se soit déroulé sans violence, le contexte conflictuel et les pressions psychologiques exercées par la société PES 33 pour pousser M. A...à démissionner sont clairement établis par les accusations portées par la société PES 33 à l'encontre de l'intéressé, la demande de rupture du contrat de travail faite à l'employé ainsi que par le dépôt de plainte à son encontre et l'action en résiliation judiciaire du contrat qu'elle a introduite devant le conseil des prud'hommes. Dans ces circonstances, la décision du ministre du travail n'est ni entachée d'une erreur de fait ni d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... était exposé à un risque sérieux d'atteinte à sa santé ou à son intégrité physique ou morale, du fait du comportement du maître de stage et des infractions à la législation du travail.
9. Enfin, si la requérante soutient que la décision sera privée de tout effet si le conseil de prud'hommes faisait droit à sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail introduite le 28 septembre 2011, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'à la date où elle a été prise, ledit contrat n'avait pas été résilié. En tout état de cause, cette juridiction a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la présente procédure.
10. Il résulte de ce qui précède que la société PES 33 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1 : La requête de la société PES 33 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société PES 33, au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à M. C...A....
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Antoine Bec, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le rapporteur,
Philippe Delvolvé
Le président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Martine Gérards
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Martine Gérards
''
''
''
''
N° 13BX03201 3