Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 janvier 2018 ;
2°) de rejeter la demande formée par Mme A...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué comportait bien l'ensemble des mentions exigées par l'article L. 212-1 du code de justice administrative, et notamment les noms et prénoms de son auteur ; c'est ainsi par pure erreur de manipulation des pièces du dossier par la requérante que l'envoi du document a été tronqué ; en réalité, l'arrêté en litige est strictement conforme aux exigences de l'art L. 212-1 ;
- s'agissant des moyens soulevés par Mme A...en première instance, il demande à la cour de bien vouloir se référer à son mémoire ne défense produit devant le tribunal.
Par une ordonnance en date du 5 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., de nationalité camerounaise, née en 1963 à Douala, est entrée irrégulièrement en France une première fois et a fait l'objet, le 16 décembre 2014, d'un arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques, portant obligation de quitter le territoire, exécutée à destination de l'Italie le 31 décembre 2014. Elle entre une seconde fois irrégulièrement en France, en avril 2015, et sollicite, le 2 février 2017, son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 29 septembre 2017, le même préfet refuse de lui délivrer un titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 18 janvier 2018, qui a annulé, sur un motif de légalité externe, son arrêté du 29 septembre 2017 et lui a enjoint de statuer à nouveau sur la demande de Mme B...A....
Sur le bien fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif a considéré que les copies de l'arrêté qui ont été produites devant lui avant la clôture de l'instruction, dès lors qu'elles ne mentionnaient ni le nom ni le prénom de son auteur, ne comportaient ainsi pas l'ensemble des mentions exigées par les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En appel, le préfet des Pyrénées-Atlantiques produit une copie de la version originale et intégrale de l'arrêté, faisant apparaître le nom et le prénom de la secrétaire générale de la préfecture, signataire de cet arrêté, en faisant valoir que la production par ses soins en première instance d'une copie incomplète relevait de la pure et simple erreur matérielle. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, pour annuler son arrêté du 29 septembre 2017, se sont fondés sur l'incompétence de son signataire en raison de l'absence des mentions requises par les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
5. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, de statuer sur les autres moyens soulevés en première instance par MmeA....
Sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne le refus de séjour :
6. En premier lieu, l'arrêté contesté porte la signature de Mme Aubert, secrétaire générale de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, qui, par arrêté préfectoral n° 64-2017-08-28-003 en date du 28 août 2017, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture n° 64-2017-056 du 28 août 2017, lui a donné délégation de signature, à l'effet de signer, notamment, tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence à cet égard du signataire de l'acte manque en fait.
7. En deuxième lieu, le refus de séjour en litige vise les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de l'intéressée, le fondement de sa demande de titre de séjour, le fait qu'elle a déjà été destinataire d'une précédente obligation de quitter le territoire français exécutée à destination de l'Italie, le fait qu'une admission exceptionnelle au séjour à titre humanitaire n'est pas justifiée dès lors que l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à ce qu'elle puisse reconstruire sa vie familiale hors de France même si elle y a créé une association religieuse, qu'elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dès lors, en particulier que, si elle déclare que deux de ses fils habiteraient en Belgique, elle n'établit pas être dépourvue de liens familiaux au Cameroun. Dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner de façon exhaustive tous les éléments de fait ayant trait à la situation personnelle de MmeA..., a suffisamment motivé, et de façon non stéréotypée, le refus de séjour qu'il lui a opposé.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
9. Au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, Mme A...fait valoir qu'elle est depuis deux ans sur le territoire français, où elle a fondé une " intense activité associative, en la forme d'une église évangélique au sein de laquelle elle exerce en tant que pasteur ", qu'elle vit grâce aux membres de cette communauté religieuse, qui subviennent à ses besoins étant sans ressources propres, que sa mère et son frère séjournent régulièrement en Italie et trois de ses enfants en Belgique, qu'une de ses filles vit avec elle à Pau où elle est étudiante et qu'elle n'a plus d'attaches au Cameroun, puisque l'ensemble de sa famille est en Europe. Cependant, ces circonstances ne sont pas de nature à constituer des considérations humanitaires ou à justifier un motif exceptionnel au sens de l'article précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en outre que Mme A...a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement mais est à nouveau entrée irrégulièrement sur le territoire français, qu'elle n'y séjourne que depuis deux ans et qu'elle a vécu près de cinquante ans dans son pays d'origine, dans lequel elle n'établit pas être dépourvue de liens familiaux. Par suite, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pu, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de MmeA..., estimer que cette situation ne relevait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, et lui refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la décision en litige n'est pas privée de base légale de ce fait.
11. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre d'un étranger à qui est opposé un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de ce refus dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A...serait entachée d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, et pour le même motif que celui exposé au point 9 du présent arrêt, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi est régulièrement motivée en droit, notamment par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par celui de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision est également suffisamment motivée en fait par la mention selon laquelle l'intéressée ne démontre pas être exposée personnellement à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. En tout état de cause, la décision attaquée mentionne que Mme A...sera éloignée " à destination du pays dont elle possède la nationalité ou à destination de tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible ". Si Mme A...prétend, au demeurant sans l'établir, être titulaire d'un droit au séjour en Italie, il lui appartient de s'en prévaloir auprès du préfet, qui n'a pas fixé son seul pays d'origine comme pays de renvoi. Dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de fait, d'insuffisance de motivation ou encore d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.
14. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, en prévoyant que Mme A... pourra être reconduite dans son pays d'origine ou dans tout autre pays dans lequel elle établirait être légalement admissible, où, comme cela vient d'être dit, il appartient à Mme A...d'établir qu'elle bénéficierait d'un droit au séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations précitées. Pour les mêmes raisons, il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressée.
15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
16. Le présent arrêt rejette la demande d'annulation de MmeA.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A...sur ces fondements.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1702253 du 18 janvier 2018 du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A.... Copie en sera transmise au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 18BX00333