Procédures devant la cour :
I) Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, sous le n° 18BX00218, M.A..., représenté par Me Roux, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Limoges du 7 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 21 février 2017 du préfet de la Haute-Vienne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire français était fondée sur les dispositions du 1°du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'arrêté contesté vise également le 3° du I du même article ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elle a procédé d'office a une substitution de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- c'est à tort que le premier juge a rejeté comme manifestement irrecevable sa demande de première instance en raison de sa tardiveté en retenant qu'elle n'avait pas été présentée dans un délai de quinze jours alors que la décision contestée faisait mention d'un délai de recours contentieux de trente jours ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de forme dans la mesure où le préfet n'a pas saisi pour avis la commission du titre de séjour ;
- cette décision méconnaît le préambule de la Constitution de 1946, l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France avec sa compagne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité (PACS), et qu'il est né de leur union un enfant le 2 décembre 2010 ; l'installation de la famille aux Comores est impossible dès lors que sa compagne a deux enfants nés d'une précédente union qui sont de nationalité française, et dont le père est titulaire d'un droit de visite ; pour les mêmes motifs cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale dans la mesure où la décision de refus de séjour est illégale ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale dans la mesure où la décision de refus de séjour est illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 février 2017 et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que par courrier du 7 novembre 2017 il a retiré son arrêté du 21 février 2017 et qu'il a donné une suite favorable à la demande de M. A....
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2017.
II) Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2018, sous le n° 18BX00219, M.A..., représenté par Me Roux, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution de l'ordonnance du tribunal administratif de Limoges du 7 novembre 2017 ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'exécution de l'ordonnance attaquée aurait des conséquences difficilement réparables ;
- il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance du tribunal administratif de Limoges du 7 novembre 2017 et de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 février 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution et au rejet du surplus de la requête.
Il fait valoir que par courrier du 7 novembre 2017 il a retiré son arrêté du 21 février 2017 et qu'il a donné une suite favorable à la demande de M.A....
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un recours enregistré sous le numéro 18BX00218, M.A..., fait appel de l'ordonnance du 7 novembre 2017 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 février 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par un recours enregistré sous le n° 18BX00219, M. A...a demandé le sursis à exécution de cette ordonnance.
2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre la même ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 18BX00218 :
En ce qui concerne les conclusions à fin de non-lieu :
3. Si le préfet de la Haute-Vienne fait valoir que par un courrier en date du 7 novembre 2017 il a retiré son arrêté du 21 février 2017 et a décidé de délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à M.A..., et que les conclusions de M. A...dirigées contre l'arrêté du 21 février 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont devenues sans objet, il ne produit toutefois pas la copie du titre de séjour délivré à M. A...et il ne ressort pas des pièces du dossier que le titre de séjour demandé par M. A...lui a été délivré à la date du présent arrêt. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A....
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). ".
5. D'une part, aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. /L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ".
6. D'autre part, aux termes du I-bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Ces dispositions sont reprises dans des termes similaires au deuxième alinéa du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative. Selon l'article R. 776-5 de ce code : " (...) / II - Les délais de quarante-huit heures (...) et de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ". Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que le délai mentionné au I-bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait être prorogé par le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle.
7. Enfin, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire. Dès lors, les dispositions du I-bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-5 du code de justice administrative, sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées au juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.
8. Il ressort expressément des motifs de l'arrêté contesté du 21 février 2017, dont les visas mentionnent indifféremment les dispositions du 1° et du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A...se fonde sur la décision de refus de séjour intervenue concomitamment, et non sur le caractère irrégulier de son entrée sur le territoire français. En outre, il ressort également des mentions des voies et délais de recours de cet arrêté que l'intéressé disposait d'un délai de recours contentieux de trente jours à compter de sa notification, intervenue le 23 février 2017. Il suit de là que la requête de M.A..., qui a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 3 mars 2017, dans le délai de trente jours mentionné au I de l'article L. 512-1 du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était recevable. M. A...est donc fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est irrégulière, et à en demander l'annulation.
9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... au tribunal administratif de Limoges.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 21 février 2017 :
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier, que M.A..., ressortissant comorien, vit avec Mme B..., compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025, depuis la fin de l'année 2014, qu'ils ont conclu un PACS en date du 8 janvier 2016, et qu'un enfant est né de leur union le 2 décembre 2010. Il ressort également des pièces du dossier que la compagne du requérant a deux enfants nés d'une précédente union, qui sont titulaire de la nationalité française, et dont la résidence habituelle a été fixée au domicile maternel par un jugement du juge aux affaires familial en date du 18 mai 2015, par conséquent, ils ont vocation à demeurer en France auprès de leur mère titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2025. Par suite, et dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A...porte à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres moyens, que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 21 février 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que par voie de conséquence celle des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
13. Eu égard au motif de l'annulation ci-dessus prononcée, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, s'il n'y a pas déjà été procédé, de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la requête n° 18BX00219 :
14. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance deviennent sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 800 euros à Me Roux, avocat de M.A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, au titre des instances n° 18BX00218 et n° 18BX00219.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18BX00219.
Article 2 : L'ordonnance n° 1701415 du tribunal administratif de Limoges du 7 novembre 2017 ainsi que l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 février 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me Roux, avocat de M.A..., la somme de 800 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2018.
Le président-assesseur,
Gil Cornevaux
Le président,
Pierre D...Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
N°s 18BX00218, 18BX00219