Par deux jugements n° 1901138 et n° 1901140 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 20 février 2019 du préfet de l'Ariège portant rétention du passeport de M. B... G... et rejeté les demandes de MM. B... et D... G... tendant à l'annulation des arrêtés du 12 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2019, sous le n° 19BX03987, M. B... G..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901138 du 27 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 12 février 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 12 février 2019 du préfet de l'Ariège ;
3°) d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans un délai de 15 jours une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le tribunal a dénaturé le dossier en le confondant avec celui de son fils majeur, D..., évoquant une scolarisation qui ne le concerne pas ; de plus, il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et non d'un refus de titre de séjour ; c'est sa compagne, Mme A... E..., qui justifie d'un état de santé nécessitant une prise en charge sur le sol français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en fait révélant un défaut d'examen de sa situation personnelle ; il n'est pas fait état de la demande de titre santé de sa compagne et des motifs de refus qui lui ont été opposés ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au vu de l'état de santé de sa compagne atteinte d'une grave pathologie psychiatrique qui bénéficie d'une prise en charge régulière en France et qui ne pourra bénéficier d'une prise en charge et d'une offre de soins satisfaisante en Albanie ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du fait qu'il s'occupe au quotidien depuis plusieurs années de sa compagne et de ses deux enfants, D..., qui est désormais majeur et C..., qui est mineur et très éprouvé par l'état de santé de sa mère et qui bénéficie également d'un suivi psychologique ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation révélant un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'outre les discriminations dont ils ont fait l'objet en Albanie du fait de leur appartenance à la communauté rom et de la vulnérabilité de la famille ; les circonstances entourant leur départ, rendent inenvisageable un renvoi de sa compagne vers le pays d'origine compte tenu des risques suicidaires la concernant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
M. B... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2019.
II. Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2019, sous le n° 19BX03988, M. D... G..., représenté par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901140 du 27 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 du préfet de l'Ariège ;
3°) d'enjoindre à cette autorité de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans un délai de 15 jours une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le tribunal a dénaturé le dossier en le confondant avec celui de son père ; de plus, il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et non d'un refus de titre de séjour ; c'est la compagne de son père, Mme A... E..., qui justifie d'un état de santé nécessitant une prise en charge sur le sol français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en fait révélant un défaut d'examen de sa situation personnelle ; il n'est pas fait état de la demande de titre santé de la compagne de son père et des motifs de refus qui lui ont été opposés ;
- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au vu de l'état de santé de la compagne de son père, atteinte d'une grave pathologie psychiatrique, qui bénéficie d'une prise en charge régulière en France et qui ne pourra bénéficier d'une prise en charge et d'une offre de soins satisfaisante en Albanie ;
- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation révélant un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'outre les discriminations dont ils ont fait l'objet en Albanie du fait de leur appartenance à la communauté rom et de la vulnérabilité de la famille ; les circonstances entourant leur départ, rendent inenvisageable un renvoi de sa compagne vers le pays d'origine compte tenu des risques suicidaires la concernant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
M. D... G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... H... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MM. B... et D... G..., ressortissants albanais, nés respectivement en 1975 et 1998, sont entrés en France selon leurs déclarations, en compagnie de la compagne de B... G... et du jeune C... G..., le 30 septembre 2016 pour y solliciter l'asile. Leurs demandes ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 mars 2017 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 5 juin 2018. Par deux arrêtés du 12 février 2019, le préfet de l'Ariège leur a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par deux jugements du 27 mai 2019 dont MM. B... et D... G... relèvent appel chacun en ce qui le concerne, respectivement sous les n° 19BX03987 et n° 19BX03988, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes dirigées contre ces arrêtés.
2. Il y a lieu de joindre, pour qu'il y soit statué par un même arrêt, ces deux requêtes qui présentent à juger des questions semblables et relatives à la situation de membres de la même famille.
Sur la régularité des jugements :
3. Si les appelants soutiennent que le tribunal a dénaturé les faits soumis à son examen, en confondant leurs dossiers et leurs situations personnelles et en précisant qu'ils ont fait l'objet d'un refus de titre de séjour alors que, seule Mme E..., compagne de M. B... G... a fait cette demande justifiée par un état de santé nécessitant une prise en charge médicale en France, ce moyen, relatif au fond du litige, n'est pas de nature à affecter la régularité des jugements.
Sur la légalité des arrêtés du 12 février 2019 :
4. En premier lieu, les arrêtés contestés mentionnent l'ensemble des éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour en France de MM. B... et D... G.... Les arrêtés précisent qu'ils sont entrés en France avec Mme E..., compagne de M. B... G... et le jeune C.... Ils précisent qu'il n'est pas établi que leur vie de famille ne peut se poursuivre en Albanie où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et où ils repartiraient en compagnie de Mme E..., compagne et belle-mère des appelants, et de l'enfant mineur, et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Les circonstances que les arrêtés ne mentionnent pas l'état de santé de Mme E... ne suffisent pas à caractériser une insuffisance de motivation. Au demeurant, cette dernière a fait l'objet le même jour d'un arrêté portant refus du titre de séjour qu'elle sollicitait. Les arrêtés attaqués précisent également qu'ils n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine et en indiquant que ce retour s'effectuerait en Albanie, pays dont ils possèdent la nationalité, ou dans tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles. En outre, il ne ressort d'aucune autre pièce des dossiers que le préfet de l'Ariège, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments de la situation personnelle des intéressés, n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de leur situation personnelle. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si les appelants soutiennent que l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale en France et justifie qu'elle obtienne un titre de séjour et que, dès lors, ils sont en droit, au nom du respect de leur droit à une vie privée et familiale, de pouvoir rester à ses côtés et ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, il ressort toutefois des pièces des dossiers, ainsi qu'il a été rappelé dans le jugement du 27 mai 2019 concernant Mme E... n° 1901152 et l'ordonnance n° 19BX03983 du 11 mars 2020, que pour refuser à Mme E... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 7 décembre 2018 selon lequel l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les appelants indiquent que Mme E... souffre de troubles graves de la personnalité et font état de tentatives de suicide et se prévalent d'attestations de psychologues et de certificats médicaux d'un psychiatre, relatant ces troubles nécessitant un suivi psychiatrique mensuel et proscrivant une sortie du département, qui ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le collège des médecins de l'OFII quant à l'offre de soins en Albanie. Il en résulte que les appelants ne peuvent se prévaloir de ce que l'état de santé de Mme E... leur permettrait de justifier d'un droit au séjour en France. Aucun élément ne permet par ailleurs de penser que la prise en charge scolaire dont a bénéficié M. D... G... ne pourrait se poursuivre en Albanie. Enfin, les appelants, entrés en France en septembre 2016 à l'âge de 42 et 18 ans, n'ont été admis à se maintenir sur le territoire national que le temps de l'examen de leur demande d'asile, ne justifient pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité en France et leur cellule familiale peut se reconstituer dans leur pays d'origine où vivent deux filles et soeurs des appelants. Par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues. Pour les mêmes motifs, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
7. En troisième lieu, il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Si M. B... G... invoque ces stipulations à l'appui de sa demande, la seule scolarisation de ses deux fils en France ne saurait pas davantage établir la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
9. En quatrième lieu, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées des illégalités alléguées, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, les appelants ne sont pas fondés à exciper de leur illégalité à l'appui de leur contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
10. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort d'aucun élément des dossiers que MM. B... et D... G..., dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, seraient personnellement exposés à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cas de retour dans le pays dont il sont ressortissants.
11. Il résulte de tout ce qui précède que MM. B... et D... G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de MM. B... et D... G... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., à M. D... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme J..., présidente-assesseure,
Mme F... H..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
Florence H...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX03987, N° 19BX03988 6