Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, sous le n° 18BX04196, M. E..., représenté par Me Philip, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701929 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; dès lors qu'elle s'est effectivement fondée sur des éléments recueillis sur les sites internet pour établir les rehaussements, elle était tenue de lui communiquer ces renseignements ;
- contrairement aux revenus du patrimoine, les revenus d'activité ne peuvent être établis que par les services de l'Urssaf ; les rehaussements correspondants aux revenus de nature professionnelle et notamment ses recettes identifiées comme telles au titre de 2011 n'ont pas été établis par le service de recouvrement compétent ;
- l'application de la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts aux bénéfices non commerciaux réalisés au titre de l'année 2011 est manifestement disproportionnée dès lors que son activité artistique était connue de l'administration fiscale puisqu'il déclarait le salaire versé par les organismes rémunérant ses droits artistiques ;
- l'application de cette pénalité s'avère contraire au principe de non automaticité des peines et constitue une atteinte disproportionnée aux biens en violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, sous le n° 18BX04197, M. E..., représenté par Me Philip, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1604774 du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010 et 2012 et des prélèvements sociaux au titre des années 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; dès lors que l'administration s'est effectivement fondée sur des éléments recueillis sur les sites internet pour établir les rehaussements, elle était tenue de lui communiquer ces renseignements ;
- les impositions litigieuses n'ont pas été mises en recouvrement par un titre exécutoire régulier en méconnaissance de l'article 55 de la loi de finances rectificative pour 2010, modifiant les dispositions de l'article 1658 du code général des impôts, qui implique la substitution d'un avis de mise en recouvrement à l'avis d'imposition ;
- l'application de la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts aux bénéfices non commerciaux réalisés au titre de l'année 2011 est manifestement disproportionnée dès lors que son activité artistique était connue de l'administration fiscale puisqu'il déclarait le salaire versé par les organismes rémunérant ses droits artistiques ;
- l'application de cette pénalité s'avère contraire au principe de non automaticité des peines et constitue une atteinte disproportionnée aux biens en violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Par ordonnances du 28 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2019 à 12 heures dans les deux instances.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2010 à 2012 et d'une vérification de comptabilité de son activité d'auteur, compositeur, interprète, exercée sous le nom d'artiste de " Lucenzo ", portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. À la suite de ces contrôles, le service a procédé à la rectification de ses revenus au titre des années 2010 à 2012. Il relève appel des jugements du 24 octobre 2018 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, des prélèvements sociaux au titre des années 2010 et 2011 et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2011. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18BX04196 et 18BX04197 émanent d'un même contribuable et concernent des impositions procédant des mêmes opérations de contrôle fiscal. Il convient de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration fiscale, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est tenue, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. En ce qui concerne les documents ou copies de documents contenant des renseignements recueillis sur des sites Internet ou sur des serveurs de données et utilisés par l'administration pour établir un redressement, il appartient à celle-ci de les mettre à disposition du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions qui en résultent, si celui-ci lui indique avant cette mise en recouvrement, en réponse à un refus de communication fondé sur le caractère librement accessible des informations en cause, qu'il n'a pu y avoir accès.
3. Il ressort de la lecture de la proposition de rectification du 31 juillet 2014 et de la lettre du 2 octobre 2014 par laquelle l'administration a fourni à M. E... copie des documents ayant permis de motiver la reconstitution du bénéfice non commercial résultant des prestations scéniques réalisées par l'appelant en France et à l'étranger au cours des années 2011 et 2012, que le vérificateur y a annexé l'ensemble des pièces obtenues dans l'exercice du droit de communication qu'il entendait opposer à M. E... pour fonder les rectifications. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait fondée sur les informations consultées sur les sites Internet consultés et mentionnés en annexe à la proposition de rectification dont le service mentionne, à titre indicatif, la date et le lieu à défaut de toute autre information. L'administration n'était dès lors pas tenue par les dispositions précitées de lui communiquer des documents qu'elle n'entendait pas lui opposer. Ainsi le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues doit être écarté.
Sur la régularité des titres exécutoires :
En ce qui concerne les années 2010 et 2012 :
4. Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs (...) dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A (du code général des impôts) (...) L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement. ". Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. (...) ". Aux termes de l'article 1659 du même code : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, notamment des avis d'imposition édités les 7 et 10 septembre 2015, que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2015 par voie de rôles n° 301 et n° 320. M. E... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en l'absence d'avis de mise en recouvrement régulier, les dispositions précitées de l'article 1658 du code général des impôts ont été méconnues.
6. Si l'appelant soutient que les avis d'imposition ne peuvent tenir lieu de notification régulière de l'article du rôle individuel, toutefois et en tout état de cause, ce moyen, qui a trait à l'exigibilité de l'impôt et donc à son recouvrement, ne peut être utilement soulevé devant le juge de l'assiette de l'impôt.
En ce qui concerne l'année 2011 :
7. M. E... ne peut utilement soutenir que les recettes de son activité au titre de l'année 2011, dont les rehaussements effectués à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux n'ont pas été assis sur les revenus du patrimoine définis à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, auraient dues être établies par les services de l'URSSAF.
Sur la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts :
8. L'article 1728 du code général des impôts dispose : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ". En vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'activité occulte " est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".
9. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.
10. M. E... n'a déposé aucune déclaration professionnelle au titre des bénéfices non commerciaux et de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux prestations scéniques qu'il a réalisés dans des discothèques en 2011 et 2012 et n'a pas fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises. Les revenus non commerciaux liés à ces prestations réalisés dans des discothèques n'ont été révélés à l'administration que par l'examen des pièces issues de la vérification de comptabilité de la société Yanis Records et des droits de communication diligentés auprès de tiers lors des opérations de contrôle. Si l'appelant fait valoir la circonstance que les produits de ses droits d'auteur, qui relèvent de la catégorie des traitements et salaires en application des dispositions du 1 quater de l'article 93 du code général des impôts, auraient bien été déclarés, il ne peut être regardé comme établissant avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives relatives aux prestations scéniques qu'il a réalisées dans des discothèques en 2011 et 2012 et qui, elles, relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux. L'activité ainsi exercée est donc réputée occulte et c'est par suite à juste titre que le service a mis à la charge de M. E... la majoration de 80 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts.
11. Les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient l'application de taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir le moduler pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit ni la découverte d'une activité occulte, ni que le contribuable se serait abstenu de déposer sa déclaration dans les trente jours, respectivement, d'une première ou d'une seconde mise en demeure, ni même qu'il se serait abstenu de déposer sa déclaration dans les délais, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard. Les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'application qui lui a été faite de cette pénalité s'avère contraire au principe de non automaticité des peines et constitue une atteinte disproportionnée aux biens en violation des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette même convention.
12. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard ". En l'absence de quelque erreur que ce soit commise dans la procédure d'imposition, M. E... ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales pour obtenir la décharge des majorations.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX04196, 18BX04197