Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2021, M. B..., représenté par Me Reix, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juin 2020 ;
2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 6 décembre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, la décision du 28 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Dordogne a refusé de délivrer une autorisation de travail ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision du 28 octobre 2019 portant refus d'autorisation de travail,
- elle est entachée d'un défaut de motivation, dès lors que les deux premiers motifs de rejet, tirés de l'irrégularité de son séjour et de la circonstance qu'il n'a pas travaillé depuis son entrée en France, ne figurent pas dans les critères énoncés à l'article R. 5221-20 du code du travail ; quant au motif tiré de l'inadéquation de sa formation au métier de coiffeur, il dispose d'une expérience professionnelle de plus de deux années dans le domaine de la coiffure et de l'esthétique et dispose de promesses d'embauche ;
- ce défaut de motivation relève un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- en lui opposant son entrée irrégulière, la circonstance qu'il n'a jamais travaillé en France et son absence de diplôme de coiffeur, le préfet a entaché sa décision d'erreurs de droit ;
S'agissant de l'arrêté du 6 décembre 2019,
- le refus de titre est illégal du fait de l'illégalité du refus d'autorisation de travail ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par une décision du 24 septembre 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité brésilienne, est entré en France, selon ses dires, le 31 octobre 2017. Le 12 septembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant d'un contrat à durée déterminée en tant que coiffeur débutant conclu avec l'EURL Famous, laquelle a déposé le même jour une demande d'autorisation de travail. Par décision du 28 octobre 2019, le préfet de la Dordogne a refusé la délivrance de l'autorisation de travail et, par arrêté du 6 décembre 2019, le préfet a refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 24 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tenant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2019 et de l'arrêté du 6 décembre 2019.
Sur la décision du 28 octobre 2019 de refus d'autorisation de travail :
2. En premier lieu, la circonstance que la décision litigieuse serait fondée sur des motifs erronés en droit est sans influence sur sa motivation et sa légalité externe. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être rejeté. De plus, il ne ressort pas de cette motivation que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (...) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".
4. Pour refuser l'autorisation de travail sollicitée par l'EURL Famous, le préfet s'est fondé sur la situation irrégulière en France de M. B... et sur la circonstance qu'il n'avait jamais travaillé depuis son entrée en France. M. B..., ainsi que le précise d'ailleurs la décision, ayant présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour, et aucune disposition ne subordonnant la délivrance de l'autorisation de travail à l'exercice antérieur d'une activité professionnelle en France, le requérant est fondé à soutenir que ces motifs ne pouvaient être retenus pour fonder la décision litigieuse.
5. Toutefois, la décision contestée est également fondée sur la circonstance que l'intéressé a une formation au métier de prothésiste ongulaire et en cocktails et jus de fruits, alors que la demande d'autorisation de travail déposée par l'EURL Famous mentionne, à la rubrique " description précise de l'emploi occupé ", l'emploi de " coiffeur ". Si le requérant soutient que le préfet ne pouvait, en application des dispositions rappelées au point 3, se borner à constater l'inadéquation de sa formation au poste proposé, sans tenir compte de son expérience professionnelle, il ressort du curriculum vitae produit devant les premiers juges qu'il a exercé les professions de prothésiste ongulaire, de gérant associé d'un restaurant de plage et d'aide à la personne, mais jamais celle de coiffeur, et que le préfet ne pouvait par suite pas faire état d'une quelconque expérience en la matière. Il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision de refus d'autorisation de travail s'il s'était fondé sur le seul motif de l'inadéquation entre le formation et l'expérience professionnelle de M. B... et les caractéristiques de l'emploi proposé.
Sur l'arrêté du 6 décembre 2019 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour et par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus d'autorisation de travail doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. M. B... fait valoir que sa mère est présente en France et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, l'intéressé, qui était âgé de 31 ans lors de son entrée en France en 2017, et qui a été selon ses propres dires séparé de sa mère depuis l'âge de deux ans, est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches au Brésil. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par M. B... de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le pays de renvoi :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, les moyens tirés, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi et par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public après dépôt au greffe le 10 mars 2022.
La rapporteure,
Frédérique A...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°21BX02268