Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, sous le n° 20BX02296, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 14 avril 2020.
Il soutient que :
- sa requête a été présentée dans le délai d'appel ;
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté du 10 juillet 2019 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français aux motifs que s'il déclare avoir un enfant, né le 09/02/2016, avec une compatriote en situation régulière, il ne justifie pas suffisamment de sa communauté de vie avec cette dernière, que sa présence continue sur le territoire résulte des multiples mesures d'éloignement qu'il n'a jamais exécuté et que ses décisions ne portent pas d'atteinte manifestement grave à sa vie privée et familiale ;
- bien que l'acte de naissance de son enfant semble authentique, le caractère frauduleux de cette reconnaissance en paternité est établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête du préfet, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre des frais irrépétibles.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2020, sous le n° 20BX02297, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement susmentionné.
Il soutient que :
- sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner, outre l'annulation du jugement, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe ;
- ainsi, dans la requête d'appel n° 20BX02296, il est démontré que c'est à tort que les premiers juges ont annulé les décisions en litige ;
- dans les écritures de première instance, il a été démontré qu'aucun des autres moyens soulevés par le requérant n'étaient fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 novembre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête du préfet, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais irrépétibles.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.
Par un courrier du 20 octobre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour avoir accueilli un moyen qui n'était pas soulevé.
Des observations pour M. A... en réponse à ce moyen d'ordre public ont été enregistrées le 29 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant haïtien né le 26 janvier 1987, est entré en France en 2013, selon ses déclarations. Le 12 septembre 2018, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juillet 2019, dont M. A... a demandé l'annulation partielle, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et lui a imposé une obligation de présentation. Par un jugement du 14 avril 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 10 juillet 2019 par lesquelles le préfet de la Guadeloupe a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
2. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02296, le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 20BX02297, le préfet demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 20BX02296 :
3. Le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif, selon lequel les décisions attaquées ont méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ayant pas été soulevé devant les premiers juges, ces derniers ont, en soulevant d'office un tel moyen, qui n'était pas d'ordre public, entaché leur jugement d'irrégularité. Il s'ensuit que ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France en 2013 à l'âge de 26 ans. S'il résidait ainsi depuis plus de six ans en France à la date de l'arrêté attaqué, la durée de son séjour est liée à son maintien en situation irrégulière sur le territoire français malgré un précédent arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 10 novembre 2014. S'il soutient qu'il a gardé des liens avec l'enfant né le 9 février 2016 qu'il a eu avec une compatriote titulaire d'un titre de séjour et qu'il a reconnu, il ne produit, à l'appui de ses dires, que quelques photographies et documents justifiant du versement mensuel de la somme de 100 euros depuis juillet 2018. Séparé de la mère de son enfant, titulaire d'un titre de séjour, M. A... ne se prévaut d'aucun lien social ni d'aucun lien familial autre que cet enfant pour lequel il ne justifie pas, par la production de pièces suffisamment précises, de la réalité de sa participation à son éducation. Il ne justifie pas, par ailleurs, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Ainsi, dès lors que M. A... ne fait par ailleurs valoir aucun élément d'insertion particulier sur le territoire national, compte tenu de ses conditions d'entrée et de séjour en France et eu égard aux effets d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Guadeloupe n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... à sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et malgré la durée du séjour de l'intéressé en France, la décision rejetant sa demande de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de M. A....
8. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il peut prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à demander, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de l'ensemble des conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
Sur la requête n° 20BX02297 :
10. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe, les conclusions de la requête n° 20BX02297 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le conseil de M. A... au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX02297 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1900954 du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe.
Article 2 : Le jugement du 14 avril 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme C... D..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02296, 20BX02297