Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars et 29 juin 2020, le préfet de Tarn-et-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 février 2020.
Il soutient que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège médical qui a rendu l'avis du 7 décembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2020, M. C... A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que le moyen n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... lsiyeli A..., de nationalité congolaise, est entré en France le
30 mai 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " salarié " et valant premier titre de séjour valable jusqu'au 25 mai 2012. Il a obtenu le renouvellement de ce titre jusqu'au 25 mai 2013, puis a sollicité un changement de statut en qualité de commerçant. Par un arrêté du 9 décembre 2014, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et 1'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 10 mars 2015, 1'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, demande qui a été rejetée par un arrêté préfectoral du
19 octobre 2015. Il a de nouveau sollicité, le 8 juin 2017, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour valable du 2 janvier au 2 juillet 2018. Toutefois, par un arrêté du 11 février 2019, le préfet de
Tarn-et-Garonne a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Le préfet de Tarn-et-Garonne relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 février 2020 prononçant l'annulation de cet arrêté.
Sur le motif retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, l'avis est émis " au vu d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, selon l'article R. 313-23 du même code, " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".
3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a jugé que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du
7 décembre 2018 ne mentionnait pas le nom du médecin ayant établi le rapport médical et qu'aucune pièce du dossier ne permettait de s'assurer que ce médecin n'avait pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu cet avis.
4. Le préfet produit en appel un courrier du médecin coordonnateur de la zone
Sud-Ouest de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 10 avril 2018 attestant que le rapport médical a dans cette affaire été établi par le Dr Ferjani, qui n'est pas l'un des trois médecins ayant rendu l'avis dont le nom et la signature figurent sur cet avis. Par suite, le préfet de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce vice de procédure pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A... devant le tribunal administratif de Toulouse et la cour.
Sur le refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, l'avis du 7 décembre 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne que l'état de santé de M. C... A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Pour contester cette affirmation, l'intéressé produit une attestation d'un médecin psychiatre du 16 avril 2019, affirmant que " du fait de sa pathologie, il présente une vulnérabilité au stress importante " et qu'un " retour dans son pays, de par le stress généré et le risque de rupture thérapeutique (traitement et suivi), serait associé à un risque accru de décompensation psychotique à court terme. " Il produit également le " certificat médical confidentiel " adressé par le même médecin à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 6 septembre 2018, qui fait état de sa pathologie, des " difficultés d'adaptation au changement " rencontrées en France et de la " situation administrative source de stress ", et conclut qu'il existe un " risque de rechute si exposition à un stress important et/ou arrêt du traitement ". Enfin, il produit le certificat d'un médecin sexologue du 29 avril 2019, certifiant que l'intéressé " présente une pathologie nécessitant un traitement spécifique dont l'interruption présente une gravité certaine ", ainsi, en appel, qu'un article de l'OMS relatif à la schizophrénie. Ces éléments ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège des médecins aurait méconnu l'importance de la continuité du lien thérapeutique comme le prescrit le C de l'annexe II à l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions. Enfin, l'avis, qui conclut que le défaut de soin ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'avait pas à se prononcer sur la disponibilité et la qualité des soins en République démocratique du Congo. C'est, dès lors, à bon droit et sans erreur d'appréciation que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour, de M. A... en qualité d'étranger malade.
7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. C... A... fait valoir qu'il est suivi médicalement en France, qu'il y réside depuis huit ans, que son frère de nationalité française a été désigné en qualité de curateur et que sa mère est également présente sur le territoire français. Toutefois, l'intéressé, qui a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement en date des 9 décembre 2014 et 19 octobre 2015, ne fait état d'aucune intégration et n'établit pas ne pas pouvoir être traité dans son pays, où résident, à tout le moins, ses deux enfants. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré, par M. C... A..., de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 6, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que M. C... A... aurait droit au bénéfice d'un titre de séjour de plein droit.
11. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 8, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le pays de renvoi :
12. En premier lieu, la décision contestée, qui mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est suffisamment motivé.
13. En second lieu, il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Tarn-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 11 février 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. C... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du
10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 février 2020 est annulé.
Article 2 : La demande portée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C... A... tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... lsiyeli A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... F..., présidente,
Mme H..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
La rapporteure,
H...La présidente de la cour
Brigitte F...
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00838 4