Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement,
- la 6ème chambre du tribunal administratif n'est pas prévue par l'arrêté du vice-président du Conseil d'État et a été créée de façon irrégulière ;
- le jugement est insuffisamment motivé, s'agissant de son état de santé et des documents produits pour attester de la viabilité économique de sa micro entreprise ;
S'agissant du refus de titre de séjour,
- la préfète s'est estimée liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il exerce une activité non salariée, économiquement viable, créée en juillet 2018 et dont il tire des moyens d'existence suffisants, et il bénéficiait d'un contrat de sous-traitance avec Aquitaine 33 construction bâtiments ;
- le refus de titre méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il vit en France avec son épouse et leurs deux enfants et est parfaitement intégré à la société française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, la préfète de Gironde conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures devant les premiers juges.
Par décision du 16 janvier 2020, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité turque, déclare être entré en France au cours de l'année 2011. Il a bénéficié jusqu'au 21 décembre 2017 de titres de séjour en raison de son état de santé. Il en a sollicité le renouvellement, ainsi que la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de la création d'une micro entreprise spécialisée dans les métiers du bâtiment. Par arrêté du 29 avril 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine dans le délai de 30 jours. M. A... relève appel du jugement du 9 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-8 du code de justice administrative : " L'affectation des membres dans les chambres et la composition de chacune d'elles ainsi que la répartition des affaires entre ces chambres sont décidées par le président de la juridiction ". L'article R. 221-4 du même code prévoit que : " Le nombre de chambres de chaque tribunal administratif est fixé par arrêté du vice-président du Conseil d'État ".
3. Le jugement attaqué a été rendu par une formation collégiale, dont la composition a été déterminée par le président du tribunal administratif de Bordeaux dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service conféré par les dispositions précitées de l'article R. 222-8 du code de justice administrative. Dans ces conditions et dès lors qu'il est constant que les magistrats composant cette formation de jugement ont été régulièrement nommés et affectés au tribunal administratif de Bordeaux, la circonstance que le président de cette juridiction les ait affectés à une " sixième " chambre, sans que l'existence de celle-ci soit mentionnée dans le code de justice administrative, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
4. En second lieu, le jugement attaqué, qui répond aux moyens et arguments développés dans la demande portée par M. A... devant les premiers juges, est suffisamment motivé.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et de la motivation de la décision attaquée que la préfète de la Gironde se serait estimée liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'elle aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A....
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale " (...) ".
7. M. A... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que son activité indépendante lui procurerait des moyens d'existence suffisants. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
8. En troisième lieu, aux termes de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... fait valoir que le centre de ses intérêts personnels et familiaux est en France, où résident son épouse et leurs deux enfants nés sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'a été autorisé à séjourner en France que le temps du traitement de son affection, dont il ne conteste pas qu'il est aujourd'hui guéri. Son épouse, de nationalité turque, fait, elle aussi, l'objet d'un refus de titre de séjour et rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstruise en Turquie. Enfin et même s'il a régulièrement travaillé depuis 2012, M. A..., dont l'activité d'entrepreneur ne lui procure que de faibles ressources, ne fait état d'aucune intégration sur le sol français. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par M. A... de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
10. En troisième lieu, rien ne s'oppose à ce que les deux enfants du couple suivent leurs parents dans leur pays d'origine et y soient scolarisés. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Rendu public après mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00504