Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet et 19 novembre 2020, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme C..., épouse A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 17 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C..., épouse A..., soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour,
- il méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le défaut de soin entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement en Albanie ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ses deux enfants de 9 et 4 ans sont scolarisés en France et que l'un d'eux bénéficie d'un suivi psychologique ;
- il est entaché d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la préfète de Gironde conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures devant les premiers juges.
Par décision du 29 avril 2010, Mme Mme C..., épouse A..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... C..., épouse A..., de nationalité albanaise, est entrée en France, selon ses déclarations, le 4 avril 2017, afin de solliciter le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 septembre 2017, confirmée le 8 mars 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 29 janvier 2018, elle a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé et, par arrêté du 28 octobre 2019, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C..., épouse A..., relève appel du jugement du 17 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de 1 'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".
3. L'avis du 15 janvier 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne que l'état de santé de Mme C..., épouse A..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, au vu des éléments du dossier, l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Pour contester cette affirmation, l'intéressée produit une attestation d'un médecin psychiatre du 9 mars 2010, affirmant que l'intéressée a construit en France des liens thérapeutiques, que " L'absence de perspective de soin avec ses thérapeutes peut activer une récidive de son état dépressif " et qu'un retour en Albanie pourrait provoquer " la réactivation d'un état psychique en rapport avec le souvenir traumatique ". Elle produit également un certificat d'un psychiatre du centre hospitalier Charles Perrens du 25 juin 2020, qui fait état d'un " épisode dépressif caractérisé d'intensité modérée à sévère " et affirme qu' " un retour dans son pays d'origine où les conditions nécessaires au maintien de la stabilité de son état ne pourraient peut-être pas être réunies, occasionnerait un risque important de réactivation symptomatique, de rupture thérapeutique et d'aggravation de sa pathologie ". Toutefois, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège des médecins aurait méconnu l'importance de la continuité du lien thérapeutique comme le prescrit le C de l'annexe II à l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions. Enfin, si l'appelante soutient que le traitement adapté à sa pathologie n'est pas disponible en Albanie, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. C'est, dès lors, à bon droit et sans erreur d'appréciation que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée par Mme C..., épouse A....
4. En deuxième lieu, aux termes de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme C..., épouse A..., fait valoir que son époux et ses deux enfants sont en France auprès d'elle depuis 2017, que les enfants sont scolarisés et qu'elle est prise en charge médicalement, ainsi que son jeune fils, qui bénéficie d'un suivi psychologique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France, à l'âge de 28 ans, et n'a été autorisée à y séjourner que le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 septembre 2017, confirmée le 8 mars 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait sa présence en France. Son époux, de nationalité albanaise comme elle, fait lui aussi l'objet d'un refus de titre de séjour et elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et frères et soeurs. Enfin, elle n'allègue pas que ses enfants ne pourraient être scolarisés en Albanie, et que le cadet ne pourrait y bénéficier d'un suivi psychologique. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par Mme C..., épouse A..., de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté, ainsi que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
6. En troisième lieu, rien ne s'oppose à ce que les deux enfants du couple suivent leurs parents dans leur pays d'origine et y soient scolarisés et suivis médicalement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C..., épouse A..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2020.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02352