Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né 1er janvier 2000, à Baghlan en Afghanistan, a été interpellé le 7 février 2018 par les services du commissariat de police de Saint-Omer sur un terrain situé route de Wisques à Longuenesse au lieudit " Chapeau de Gendarme ". Par un arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration du délai d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 février 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C....
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...). Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente (...) ". Aux termes de l'article L. 723-15 de ce code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l'Office a pris une décision définitive de clôture en application de l'article L. 723-13 ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article R. 723-15 dudit code : " Lorsque dans les cas et conditions prévues à l'article L. 723-15, la personne intéressée entend présenter une demande de réexamen, elle doit procéder à une nouvelle demande d'enregistrement auprès du préfet compétent. ". Aux termes de l'article L. 723-16 du code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile (...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant afghan, est entré en France en janvier 2018, selon ses déclarations. Il a été interpellé le 7 février 2018, en situation irrégulière. L'intéressé a indiqué avoir quitté son pays parce que sa vie était menacée en Afghanistan, que sa maison avait été attaquée et incendiée lors d'une attaque par les talibans et les autorités afghanes, et vouloir se rendre en Angleterre pour ce motif. Il a déclaré, lors de son audition par les services de police, " qu'il aimerait faire une demande d'asile en France ", sans pour autant formaliser une quelconque demande en ce sens par la suite alors que ses droits lui avaient été notifiés le 7 février 2018 à 17h30. Dès lors, M. C... ne peut pas être regardé comme ayant sollicité, au cours de son audition par les autorités de police, une demande d'asile en France. Le préfet du Pas-de-Calais est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 7 février 2018 pour ce motif.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... :
En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions en litige :
5. Il ressort de l'arrêté préfectoral n° 2017-10-151 du 18 décembre 2017, publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais n° 121 du même jour, accordant délégation de signature à M. G... D..., directeur des migrations et de l'intégration ainsi qu'aux personnes placées sous son autorité, que M. H... E..., chef du bureau du contentieux du droit des étrangers, disposait d'une délégation du préfet du Pas-de-Calais à l'effet de signer les décisions relatives aux obligations de quitter le territoire français avec ou sans délai de départ volontaire, les arrêtés fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et les décisions relatives aux interdictions de retour sur le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. La décision en litige vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
7. Il ne résulte ni de la motivation de la décision en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., célibataire, sans enfant, entré irrégulièrement et récemment en France et disposant d'une somme de 70 euros, avant de prendre la décision contestée au regard des éléments qui avaient été portés à sa connaissance.
8. Compte tenu de sa situation mentionnée au point précédent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. La décision en litige vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
12. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions et stipulations combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
13. M. C... se borne à mentionner, en des termes généraux, qu'il a été menacé par les talibans et que sa maison a été incendiée lors d'une attaque par les talibans et les autorités afghanes, sans apporter, dans la présente instance, de preuve de la réalité des risques auxquels il serait personnellement et directement exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
14. Il ne résulte ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....
15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
16. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. La décision en litige vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
18. M. C... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité une protection au titre de l'asile en France ainsi qu'il a été dit au point 3, ou la délivrance d'un titre de séjour. En outre, l'intéressé qui est entré, selon ses dires, depuis un mois en France ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais, en refusant d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire, n'a pas commis d'erreur dans son appréciation de la situation de ce dernier au regard des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des objectifs fixés par le point 2 de l'article 7 de la directive numéro 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
19. Il ne résulte ni de la motivation de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....
20. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale.
Sur la décision prononçant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
21. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français/ (...) ".
22. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
23. La décision en litige vise les textes dont il est fait application et comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
24. M C... ne fait pas valoir de circonstances humanitaires, au sens des dispositions citées au point 21, justifiant que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, rappelées au point 3, le préfet du Pas-de-Calais, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire dont fait l'objet l'intéressé, n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
25. Il ne résulte ni de la motivation de la décision en litige ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C....
26. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale.
27. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens soulevés par M. C... à l'encontre de l'arrêté du 7 février 2018 n'est fondé. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... C... et à Me F... A....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA01027