Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016, M. G...C...demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement contesté ;
2°) de rejeter la demande du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres tendant à ce qu'il lui soit enjoint de remettre les lieux en l'état ;
3°) d'enjoindre au Conservatoire de déclasser la parcelle AN n° 14 du domaine public.
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de M. G...C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte notarié du 5 mars 2013, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a acquis, auprès de M. B...E..., la parcelle cadastrée section AN n° 14 d'une superficie de 15 419 m² située sur la commune d'Oye-Plage (Pas-de-Calais). Cette parcelle comporte une hutte de chasse que M. C...utilise pour ses activités cynégétiques. M. C... ayant entrepris des travaux de terrassement et de remblai constatés par les gardes du littoral chargés de la surveillance du site, le Conservatoire du littoral a saisi le tribunal administratif de Lille, le 12 décembre 2014, d'une procédure en contravention de grande voirie. Par un jugement du 12 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a jugé, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'action publique et a, d'autre part, enjoint à M. C... de retirer les matériaux déposés sur le domaine public du Conservatoire du littoral et de remettre en état la parcelle cadastrée AN n° 14, afin de permettre au milieu naturel de se reconstituer et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, faute de quoi l'administration pourrait y procéder d'office aux frais de l'intéressé. M. C...relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a obligé à remettre en état cette parcelle. Par un appel incident, le Conservatoire du littoral demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé l'action publique prescrite et de condamner M. C...à une peine d'amende au titre des contraventions de cinquième classe.
Sur les conclusions d'appel incident relatives à l'action publique :
2. Pour décider de ne pas entrer en voie de condamnation, au titre de l'action publique, à l'encontre de M.C..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a considéré, au point 7 de son jugement, que l'action publique était prescrite par application des dispositions combinées des articles 7 et 9 du code de procédure pénale. Le Conservatoire du littoral, sans remettre en cause le raisonnement du premier juge, fait valoir qu'il ne disposait plus, après les échanges contradictoires, de moyen d'interrompre le délai de prescrire. Cette circonstance est sans influence sur le cours du délai de prescription. Il y a, par suite, lieu, par adoption des motifs du premier juge, de rejeter l'appel incident présenté par le Conservatoire.
Sur les conclusions d'appel principal relatives à l'action domaniale :
En ce qui concerne le vice de procédure :
3. Aux termes de l'article L. 322-10-4 du code de l'environnement : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine public relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, ou de nature à compromettre son usage, constitue une contravention de grande voirie constatée, réprimée et poursuivie par voie administrative. / Elle est constatée par les agents visés à l'article L. 322-10-1, sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents spécialement habilités. / Les personnes condamnées sont tenues de réparer ces atteintes et encourent les amendes prévues pour les contraventions de cinquième classe et les cas de récidive. (...) / Le directeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et, sur délégation, les délégués des rivages du conservatoire, ont compétence pour saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative ". Aux termes de l'article R. 322-37-1 du même code : " Lorsque le directeur du conservatoire exerce les compétences qui lui sont reconnues par l'article L. 322-10-4 pour la répression et la poursuite des contraventions de grande voirie, il notifie au préfet copie du procès-verbal de contravention dans les dix jours suivant la rédaction de celui-ci ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / Pour le domaine public défini à l'article L. 4314-1 du code des transports, l'autorité désignée à l'article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l'Etat dans le département. Pour le domaine public défini à l'article L. 4322-2 dudit code, l'autorité désignée à l'article L. 4322-13 du même code est compétente concurremment avec le représentant de l'Etat dans le département. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ".
5. D'une part, si, en vertu des dispositions du code de l'environnement citées au point 3, il incombe au directeur du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres de saisir le tribunal administratif, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le code de justice administrative au titre de la police des contraventions de grande voirie, en revanche, en l'absence de dispositions spécifiques en la matière, il appartient, en vertu des dispositions de ce code citées au point 4, au préfet territorialement compétent de notifier au contrevenant le procès-verbal de contravention dont la copie lui a été adressée préalablement par le directeur du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
6. D'autre part, le préfet, ou les autres autorités compétentes, sont tenus, dès qu'il est porté atteinte au domaine public, d'engager des poursuites à l'encontre de l'auteur de cette atteinte et ne peuvent le faire qu'en saisissant le tribunal administratif, juge de la contravention de grande voirie. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 774-2 du code de justice administrative que ce juge, dès qu'il est saisi par une autorité compétente, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. Eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d'office, lorsqu'est soulevé un moyen tiré de l'irrégularité de la notification des poursuites, si la procédure n'a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente.
7. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal, établi le 10 octobre 2014 par M. H... F..., commissionné et assermenté au titre de garde du littoral, a été notifié à M. C... non par le préfet du Pas-de-Calais mais par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Toutefois, le Conservatoire a régulièrement saisi le tribunal administratif de Lille, le signataire de cette saisine étant M. A...D..., délégué de rivages, Manche-Mer du Nord, compétent pour ce faire, par application de l'article 3.1 (Délégation de signature au profit des délégués et délégués adjoints), de la décision du 25 juillet 2014 portant délégation de signature au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Ainsi, la procédure a, en tout état de cause, été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne l'atteinte au domaine public du Conservatoire du littoral :
8. Aux termes de l'article L. 322-9 du code de l'environnement : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1. Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public. / (...) ".
9. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont le Conservatoire du littoral est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission définie à l'article L. 322-1 du même code. Ce domaine appartient dès lors au domaine public par détermination de la loi.
10. Il n'est pas sérieusement contesté que la parcelle AN n° 14, acquise depuis le 5 mars 2013 par le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, l'a été en vue d'assurer la mission de cet établissement public. Elle a d'ailleurs fait l'objet d'un classement à son domaine propre par une délibération de son conseil d'administration du 21 novembre 2013. Il appartient dès lors à son domaine public en vertu de l'article L. 322-9 du code de l'environnement. En conséquence, M. C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 2111-1 et L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui ne sont pas applicables en l'espèce, pour soutenir que cette parcelle ne remplirait pas les critères posés par ces dispositions pour appartenir au domaine public du Conservatoire du littoral. Compte tenu de cette appartenance légale au domaine public du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, il n'appartient pas à la cour de prononcer d'injonction pour que le Conservatoire prononce le déclassement de la parcelle en litige.
11. Les poursuites à l'encontre de M. C...ont été engagées au vu du procès-verbal établi le 10 octobre 2014 par M. H...F..., commissionné et assermenté au titre de garde du littoral. Il résulte de ce procès-verbal, dont les constatations y figurant font foi jusqu'à preuve du contraire, que M. C...a effectué des travaux de remblai et de terrassement sans autorisation sur une propriété du Conservatoire du littoral. M. C...n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette constatation matérielle de fait, effectuée par un agent assermenté.
12. M. C...se prévaut d'un bail à usage, conclu le 7 mai 2011 avec l'ancien propriétaire de la parcelle, d'une durée de trente ans, destiné à lui permettre de chasser. En vertu de ce bail, " l'emprunteur s'oblige expressément à n'utiliser le bien qu'à l'usage ci-dessus défini ", à savoir la chasse. Il indique également que l'intéressé " veillera en bon père de famille à la garde et à la conservation des biens prêtés ". Ainsi, ce bail ne permettait pas, en tout état de cause, à l'intéressé de réaliser les travaux constatés par l'agent assermenté pour lesquels M. C... n'avait pas reçu d'accord de la part du nouveau propriétaire. En outre, les travaux de remblai et de terrassement ainsi que les dépôts de matériaux non autorisés sur la parcelle AN n° 14 ne peuvent pas être considérés comme de simples aménagements en vue d'assurer, de manière avisée, la garde et la conservation des biens prêtés par convention du 7 mai 2011. Par ailleurs, si M. C...soutient qu'il serait bénéficiaire d'une servitude de passage sur la parcelle AN n° 14 pour l'accès à sa parcelle AN n° 40, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses dires. En tout état de cause, une telle circonstance, à la supposer même avérée, ne serait pas de nature à justifier légalement les travaux de remblai et de terrassement ainsi que le dépôt de matériaux non autorisés, constatés par l'agent assermenté.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 12 que M. C...a porté atteinte au domaine public du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres. Par voie de conséquence, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille lui a enjoint de retirer les matériaux déposés et de remettre en état la parcelle AN n° 14.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.C..., partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres sont rejetées.
Article 3 : M. C...versera au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : L'arrêt sera notifié au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et à M. G...C....
N°16DA02461 3