Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il annule partiellement son arrêté du 23 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M.F....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., ressortissant algérien né en 1973, est entré en France en 2017 et a présenté une demande d'asile qui a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 septembre 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mars 2018. Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. F...a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 21 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination et a rejeté le surplus de la demande de M. F.... Le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination. M. F...demande, par voie d'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision de refus de titre de séjour.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour ;
2. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A...D..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer notamment, en cas d'absence ou d'empêchement de M.E..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions de refus de titre de séjour. Dès lors, M. F...n'est pas fondé à soutenir que cette décision a été prise par une autorité incompétente.
3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. F...n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet du Nord du 23 avril 2018, en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :
4. La délégation de signature consentie par le préfet du Nord à MmeD..., par l'arrêté du 19 mars 2018 cité au point 2, lui permet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E..., les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1er liste un certain nombre de décisions parmi lesquelles se trouvent notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. E...n'aurait pas été absent ou empêché. Mme D... était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des éventuelles incohérences qui entacheraient d'autres articles de l'arrêté. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M.F... :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
7. L'arrêté en litige, en tant qu'il fait obligation à M. F...de quitter le territoire français, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, dès lors, suffisamment motivé.
8. Il ne ressort ni de la motivation de cet arrêté, ni des autres pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. F...avant de l'obliger à quitter le territoire français. Si l'intéressé reproche au préfet de n'avoir pas mentionné, dans la motivation de sa décision, la circonstance qu'il avait sollicité le réexamen de sa demande d'asile, il n'établit, en tout état de cause, ni l'existence de cette demande de réexamen, ni avoir porté celle-ci à la connaissance du préfet.
9. L'arrêté en litige, en tant qu'il fait obligation à M. F...de quitter le territoire français, se fonde sur les dispositions citées au point 6 et sur la circonstance que sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Dès lors, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet du Nord dans le même arrêté, mais qui ne constitue pas le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, est inopérant. En tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. F...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision.
10. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
11. Le préfet du Nord produit un extrait de la base de données " Telemofpra ", relative à l'état des procédures des demandes d'asile, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ressort que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande d'asile de M. F... lui a été notifiée le 23 mars 2018. L'intéressé, qui ne fait état d'aucun élément contraire, n'est dès lors pas fondé à soutenir que le 23 avril 2018, date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, il bénéficiait du droit de se maintenir en France, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que M. F...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. F...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement est entachée d'illégalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 avril 2018, en tant qu'il fait obligation à M. F...de quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il doit être reconduit. M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le même jugement a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille du 21 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. F...dirigée contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et les conclusions qu'il présente devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F..., au ministre de l'intérieur et à Me C...G....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°18DA01669