Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2018, M. C...D..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire, sous astreinte de 155 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant algérien né le 10 mars 1985, s'est marié le 8 novembre 2014 avec MmeE..., ressortissante française. En sa qualité de conjoint d'une ressortissante française, il a été mis en possession d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 19 février 2015 au 18 février 2016, renouvelé jusqu'au 28 mars 2018. Il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans sur le fondement du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 15 juin 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article (...) ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " (...) Le certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Il résulte de ces stipulations que le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française, que, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français et qu'il existe une communauté de vie effective entre les époux.
3. Lors de son audition par les services de police le 3 avril 2018, MmeD..., épouse de l'appelant, a déclaré vivre avec ce dernier, ne subir aucune pression ou menace de sa part pour maintenir cette relation, et être d'ailleurs heureuse de vivre avec lui. A la question qui lui a de nouveau été posée de savoir si M. D...résidait effectivement avec elle et ce, alors que peu d'effets personnels lui appartenant avaient été trouvés dans l'appartement, Mme D...a confirmé vivre avec son mari, en reconnaissant seulement qu'il lui arrivait souvent de partir pour rendre visite à sa famille le week-end, à Paris. Si elle a également indiqué, toujours lors de cette audition, se comporter avec son mari comme " une maman qui s'occupe de lui " et n'effectuer avec lui que peu de sorties, et si M. D...a de son côté déclaré, lors de son audition par les services de police le 4 avril 2018, s'absenter parfois du domicile conjugal sans en avertir systématiquement son épouse et ne pas toujours prévenir celle-ci de ses absences au travail, ces éléments, relevant uniquement des modalités selon lesquelles M. et Mme D...ont entendu envisager leur union, ne peuvent remettre en cause le caractère effectif de la communauté de vie entre les époux. Il en va de même de la circonstance, au demeurant non établie par le préfet du Nord et fermement contestée par les deux époux, que M. D... entretiendrait, en outre, une relation affective avec une autre femme. Par ailleurs, si Mme D...a indiqué avoir déjà été mariée à deux reprises avec un ressortissant étranger et s'être alors " fait avoir pour les papiers ", et si elle se trouve en situation de grande précarité financière, ces circonstances, sur lesquelles s'est fondé le préfet du Nord pour estimer que celle-ci était une " personne fragile et vulnérable ", ne sauraient non plus, compte tenu de ses déclarations réitérées sur la résidence effective de M. D...au domicile conjugal et sur son libre choix de partager sa vie avec son mari qui d'ailleurs lui apporte une aide, notamment financière, dans la vie quotidienne, caractériser une absence de communauté de vie entre les époux. En outre, les factures d'électricité établies au nom des deux époux, et envoyées à la même adresse que celle mentionnée par M. D...dans son formulaire de demande de titre de séjour, ainsi que les nombreuses attestations précises et concordantes émanant d'amis du couple et de voisins, confirment la résidence commune de M. D... et de son épouse. Dans ces conditions et compte tenu de la communauté de vie existant entre M. D...et son épouse, ce dernier est fondé à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien en rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes d'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Il y a lieu par suite d'annuler ce jugement et ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte :
5. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet du Nord, ainsi que le demande M.D..., de procéder au réexamen de la situation de ce dernier, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du procès :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de M. D...présentée sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me B...A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 octobre 2018 du tribunal administratif de Lille ainsi que l'arrêté du 15 juin 2018 du préfet du Nord, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me B...A....
N°18DA02569 4