Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 8 mars 2019, le préfet de l'Eure demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeA....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
2. Il ne résulte d'aucune des dispositions citées au point précédent, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Dès lors, la circonstance qu'en l'espèce, l'avis émis par le collège de médecins de l'Office le 25 septembre 2017 sur l'état de santé de Mme A...ne mentionne pas le nom du médecin qui avait établi le rapport médical transmis au collège ne caractérise pas, par elle-même, un vice de procédure. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et en particulier d'une attestation établie le 14 janvier 2019 par le directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Rouen, produite par le préfet de l'Eure devant la cour, que le rapport médical concernant Mme A...a été établi par un médecin qui n'est pas au nombre de ceux, siégeant au sein du collège à compétence nationale de l'Office, qui ont émis l'avis du 25 septembre 2017. Par suite, cet avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cités au point précédent, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne doit pas siéger pas au sein du collège.
3. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 et 2 que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision de rejet de la demande de titre de séjour de Mme A...et, par voie de conséquence, les autres décisions en litige. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens soulevés par MmeA... :
En ce qui concerne l'arrêté du 25 mai 2018 :
S'agissant de la légalité externe :
4. Par un arrêté du 15 mai 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Eure a donné délégation à M. E...B..., directeur des relations avec les usagers et missions supports, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions (...) en toutes matières ressortissant aux attributions de la direction des relations avec les usagers et missions supports ", dont fait partie le " bureau migration et intégration " de la préfecture, à certaines exceptions près, parmi lesquelles ne figurent pas les décisions en litige. Mme A...n'est dès lors pas fondée à soutenir que celles-ci auraient été prises par une autorité incompétente.
5. L'arrêté en litige, qui énonce, pour chacune des décisions qu'il contient, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.
S'agissant de la légalité interne des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :
6. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de MmeA..., a estimé, dans son avis du 25 septembre 2017, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. MmeA..., qui se borne à faire valoir que le préfet de l'Eure n'établit pas que le traitement médicamenteux qu'elle reçoit en France est effectivement disponible à un prix abordable au Nigéria et produit une simple attestation, ancienne et non circonstanciée, de son médecin généraliste, n'apporte, pour sa part, aucun élément probant de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur ce point. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplit les conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cité au point 1, pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour.
7. Il résulte des déclarations de Mme A...qu'elle est entrée irrégulièrement en France à l'automne 2015. Si elle se prévaut de son concubinage avec un homme de nationalité française, cette relation amoureuse, qui au demeurant n'est pas établie à la date de l'arrêté en litige, présente un caractère très récent. Par ailleurs, Mme A...n'allègue pas qu'elle serait isolée dans son pays d'origine, où vit notamment, selon les indications non contestées de l'arrêté en litige, son enfant né en 2009. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de la légalité interne de la décision d'octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours :
8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation (...) ".
9. Les dispositions citées au point précédent permettent au préfet, d'une part, d'accorder à titre exceptionnel un délai de départ volontaire supérieur à trente jours à un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, de prolonger le délai de départ volontaire accordé à un étranger lorsque les circonstances propres à son cas le justifient. Contrairement à ce que soutient MmeA..., ces dispositions ne sont nullement incompatibles avec celles du 2 de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, selon lesquelles " Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux ".
10. La circonstance que Mme A...entretient une relation amoureuse avec un homme de nationalité française, à la supposer même établie à la date de l'arrêté en litige, ne justifie pas, à elle seule, l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, dont l'appelante ne précise d'ailleurs pas la durée. Mme A...n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en limitant à trente jours le délai dont elle dispose pour quitter volontairement le territoire français, le préfet de l'Eure a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 8.
S'agissant de la légalité interne de la décision fixant le pays de destination de l'éloignement :
11. Si Mme A...soutient que l'arrêté en litige l'expose à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'apporte aucune précision ni aucun élément de preuve à l'appui de ce moyen, qui ne peut dès lors qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 11 que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet de l'Eure du 25 mai 2018 est entaché d'illégalité.
En ce qui concerne la décision de rétention du passeport de MmeA... :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 25 mai 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision de rétention de son passeport du 28 mai 2018 est entachée d'illégalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 14 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...A..., au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA00145