Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017, M. B..., représenté par la SELARL Eden avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, dans l'attente du réexamen de sa demande, de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire dans un délai de huit jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement :
1. M. B... soutient avoir produit à l'appui de sa demande de titre de séjour les éléments permettant d'attester de sa présence en France depuis au moins dix ans. Dans son arrêté du 30 mars 2017, le préfet de l'Eure dresse la liste détaillée par année des justificatifs produits par l'intéressé et se prononce sur leur portée. M. B..., qui n'a pas fourni à la juridiction la liste des documents produits, ne conteste pas l'inventaire ainsi établi par le préfet et ne fait pas mention de pièces que le préfet aurait omis de citer. Dès lors, en se fondant sur l'inventaire commenté du préfet dans la motivation de son arrêté, le tribunal administratif de Rouen se trouvait en possession des éléments lui permettant de statuer de manière suffisamment précise et complète sur la demande présentée par M. B.... Par suite, en ne requérant pas la communication du dossier administratif de l'intéressé, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office.
2. En estimant que M. B... n'apportait aucune preuve de l'existence de la promesse d'embauche dont il se prévalait à l'appui de sa demande de titre et qu'il n'a pas produit devant la juridiction, le tribunal administratif de Rouen n'a pas statué au-delà de ce qui lui était demandé.
Sur le refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République / (...) ".
4. M. B..., ressortissant turc né le 5 novembre 1973, déclare être entré en France le 2 janvier 2007. A l'appui de cette déclaration, il a fourni aux services préfectoraux, comme cela ressort des termes mêmes de l'arrêté ainsi qu'il a été dit au point 1, des documents attestant de sa présence en France le 18 mai 2007, le 12 octobre 2012, en janvier et février 2013, au second semestre 2014, le 31 janvier 2015, le 15 avril 2015 et à compter d'avril 2016. Ainsi, ces documents qui n'ont pas été complétés en appel ne suffisent pas à établir une présence continue et régulière sur le territoire français depuis le 2 janvier 2007. En outre, il ne justifie pas y avoir noué des attaches d'une particulière intensité. L'intégration professionnelle dont il se prévaut n'est pas démontrée par une promesse d'embauche en qualité de carreleur, qu'il ne produit au demeurant pas, et par sa pratique alléguée d'une activité professionnelle illégale. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où vivent ses enfants et son épouse. Dans ces conditions, compte tenu des conditions de son séjour en France et en dépit de sa durée, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, il n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou les stipulations de l'article 8 du de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
5. Aux termes de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur à la date de la décision : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 / (...) ".
6. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
7. Au regard des motifs analysés au point 4 et qui sont repris par M. B... à l'appui de ce nouveau moyen, ce dernier ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
9. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou justifient d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans en application de l'article L. 313-14 du même code et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ou stipulations. M. B... n'entre dans aucune des catégories d'étrangers pouvant prétendre à l'obtention d'un titre de séjour de plein droit et, ainsi qu'il a été dit au point 4, il n'établit pas sa présence régulière en France depuis plus de dix ans. Par suite, le préfet de l'Eure n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de ce vice de procédure doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
12. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. B..., doivent être écartés.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°17DA02214 2