Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande dirigées contre l'arrêté du 5 avril 2018 en tant qu'il a obligé M. F...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et qu'il a fixé le pays de destination.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1989, déclare être entré en France le 26 avril 2016. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 juillet 2017 et par la Cour nationale du droit d'asile le 25 janvier 2018. Par un arrêté du 5 avril 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 5 juillet 2018 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par la voie de l'appel incident, M. F...demande l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour.
Sur la décision de refus de séjour :
2. Par un arrêté du 19 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A...C..., à l'effet de signer les décisions de refus de titre de séjour en cas d'absence ou d'empêchement de M. D..., directeur de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.
3. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme F...n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2018 par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille :
4. Eu égard au caractère des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par l'arrêté du 19 mars 2018 visé au point 2, le préfet du Nord a donné délégation à Mme A...C..., attachée principale d'administration de l'Etat, directrice adjointe de l'immigration et de l'intégration, signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M.D..., directeur de l'immigration et de l'intégration, les décisions reprises aux articles 1, 2, 3, 5 et 11 de cet arrêté. L'article 1 liste un certain nombre de décisions parmi lesquelles se trouvent notamment les décisions refusant un titre de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français et celles fixant le pays de destination. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que M. D... n'aurait pas été absent ou empêché. Mme C...était ainsi compétente pour signer toutes les décisions contestées, en dépit des éventuelles incohérences qui entacheraient d'autres articles de l'arrêté. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
5. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...devant la juridiction administrative à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les autres moyens :
6. En vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision obligeant un ressortissant étranger à quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a pas à faire l'objet, lorsqu'elle est adossée à une décision de refus de séjour, d'une motivation distincte de celle de ce refus. La décision de refus de séjour prononcée par l'arrêté contesté du 5 avril 2018 comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose. Par suite, la décision, contenue dans le même arrêté, faisant obligation à M. F... de quitter le territoire français est, elle-même, suffisamment motivée au regard de l'exigence posée tant par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cet arrêté vise au demeurant, que par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que pour obliger M. F...à quitter le territoire français, le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation.
Sur la décision portant fixation du pays de destination :
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. M.F..., en produisant uniquement un " avis de recherche " qui aurait été établi le 29 mars 2018 par le juge d'instruction près la cour d'appel de Conakry et selon lequel il est recherché " pour incitation à la violence des militants d'un parti politique (...) à commettre les faits de trouble à l'ordre public ", n'établit pas qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des risques de traitements inhumains ou dégradants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que pour fixer le pays à destination duquel M. F...doit être renvoyé, le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 5 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui fait droit aux conclusions d'appel principal du préfet dirigées contre l'article 2 du jugement attaqué ayant annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, et qui rejette les conclusions d'appel incident de M. F...dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions d'appel incident présentées par M.F..., tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, doivent dès lors être rejetées.
Sur l'admission de l'intimé à l'aide juridictionnelle provisoire :
13. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. F...aurait formé une demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle pour la présente procédure, ce qu'il n'allègue d'ailleurs pas. Il suit de là que les conclusions, qu'il a présentées dans le mémoire en défense produit devant la cour, tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. F...au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 5 juillet 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions incidentes en appel, y compris celles tendant au prononcé d'une injonction ainsi qu'à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F..., au ministre de l'intérieur et à Me B...G....
N°18DA01673 2