Par une requête, enregistrée le 16 juin 2016, M. D...A...B..., représenté par la SCP Bouquet-Fayein-Bourgois-Wadier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
5°) si seules les décisions portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour et fixant le pays de destination sont annulées, d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le séjour ;
- en refusant son admission exceptionnelle au séjour, il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français ;
- il a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il a violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur d'appréciation en prononçant une interdiction de retour, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a violé les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2016, le préfet de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. A...B...ne sont pas fondés.
M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Yeznikian, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;
2. Considérant que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise s'est fondé sur l'avis émis le 4 septembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé, qui n'était pas lié par les précédents avis, selon lequel l'état de M. A... B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ;
3. Considérant que les deux certificats médicaux produits par M. A...B...établissent qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique pour lequel lui sont prescrits des médicaments psychotropes ; que, toutefois, ces certificats, qui se bornent à faire état de la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut aurait de lourdes conséquences et que les possibilités de traitement dans son pays d'origine seraient limitées, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à la disponibilité des soins en République démocratique du Congo ; que si l'association " Médecins du Monde " a fait état, par un courrier du 12 janvier 2016, de l'absence des spécialités prescrites à M. A...B...sur la liste officielle des produits pharmaceutiques autorisés en République démocratique du Congo et chez les fournisseurs habituels de l'association, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que des molécules avec des effets équivalents ne pourraient pas être prescrites à l'intéressé ; que le préfet de l'Oise confirme d'ailleurs, sur la base notamment de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé et de renseignements obtenus auprès de l'ambassade de France à Kinshasa, la disponibilité dans ce pays de soins psychiatriques et de psychotropes nécessaires à la prise en charge médicale de syndromes de stress post-traumatiques ; que, par suite, en refusant de délivrer à M. A...B...un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu ces dispositions ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;
5. Considérant que M. A...B..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 6 mai 1980, déclare être entré en France le 13 juillet 2010 avec sa fille, afin d'y solliciter l'asile politique ; qu'il y est demeuré à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 décembre 2011 et par la Cour nationale du droit d'asile le 16 mai 2012 puis a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade en 2012 renouvelé en 2013 et 2014 ; que malgré les efforts d'insertion professionnelle de M. A...B..., qui a travaillé comme intérimaire de décembre 2014 à septembre 2015 et a suivi des formations professionnelles dès 2013, l'intéressé, célibataire et sans domicile personnel, ne justifie pas avoir noué des liens d'une particulière intensité en France ; qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine où vivent ses deux autres enfants, ses frères et ses soeurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans ; qu'en outre, M. A...B...ne démontre pas que sa fille, âgée de seize ans à la date de l'arrêté attaqué, serait dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité et son investissement sportif dans un club de basket en République démocratique du Congo ; que, dans ces conditions, la situation du requérant ne fait apparaître aucun motif exceptionnel ou circonstance humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ; qu'ainsi, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Oise a rejeté l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour serait illégale ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant que, pour les raisons exposées au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;
8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 et compte tenu des conditions de séjour de M. A...B...en France et en dépit de la durée de sa présence, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. A...B..., entrée avec lui en France à l'âge de onze ans, ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans le pays dont elle a la nationalité ; qu'en outre, le requérant ne démontre pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en République démocratique du Congo ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de cet enfant ; que, par suite, le préfet de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
11. Considérant que M. A...B...ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe pas le pays à destination duquel il serait reconduit, une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité des persécutions alléguées en raison de sa maladie mentale et de justifier de l'existence de risques actuels et personnels auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine, alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant que, pour les motifs exposés aux points 5, 9, 10 et 11, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A...B...et de sa fille ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Considérant que, pour les raisons exposées au point 13, M. A...B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
15. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / ( ...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;
16. Considérant que, pour prendre à l'encontre du requérant une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de l'Oise s'est fondé sur le fait que la durée de séjour en France de M. A...B...n'est pas particulièrement importante, qu'il est dépourvu d'attaches familiales proches en France en dehors de sa fille, qu'il ne justifie pas d'une intégration notable dans la société française, qu'il ne justifie pas de liens intenses, stables, et anciens sur le territoire national, tout en mentionnant que l'intéressé n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace particulière pour l'ordre public ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que M. A...B..., qui déclare être entré sur le territoire le 13 juillet 2010, est présent en France depuis au moins la date de sa demande d'asile, à savoir le 6 septembre 2010 ; qu'il y a séjourné de manière régulière le temps de l'examen de sa demande d'asile puis sous couvert de titres de séjour renouvelés jusqu'en août 2015 ; qu'en outre, même si M. A...B...ne démontre pas avoir noué des liens d'une particulière intensité sur le territoire, il a toutefois fait preuve d'un début d'intégration professionnelle ; que, dans ces conditions et compte tenu de la durée de présence en France de l'intéressé, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de l'Oise a commis une erreur d'appréciation ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, que M. A...B...est fondé à demander l'annulation de cette décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
19. Considérant que le présent arrêt n'implique pas l'édiction des mesures d'injonction sollicitées ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A...B...aux fins d'injonction sous astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser Me C...E...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de M. A...B...portant sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : L'arrêté du préfet du 12 novembre 2015 de l'Oise est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A...B...une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Article 3 : L'Etat versera à Me C...E...la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à la contribution de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. A...B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...B..., au ministre de l'intérieur et à Me C...E....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mars 2017.
Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA01111 2