Résumé de la décision
Dans cette affaire, le préfet du Calvados a contesté un jugement du tribunal administratif de Rouen qui avait annulé sa décision de fixer l'Irak comme pays de destination de Mme A... B..., une ressortissante irakienne originaire de Kirkouk. Le préfet soutenait que la violence dans la région du Kurdistan irakien avait diminué et que Mme B... ne faisait pas état de risques personnels prouvés en cas de retour en Irak. La cour a rejeté la requête du préfet, confirmant la décision du tribunal administratif, arguant que la situation sécuritaire en Irak engendrait un risque avéré de traitement inhumain ou dégradant pour Mme B... en raison de la violence généralisée résultant du conflit armé.
Arguments pertinents
1. Sur la protection contre les traitements inhumains : La cour s'est référée à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, stipulant que "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants". Elle a souligné qu'il appartient au ressortissant de prouver qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire à cette disposition.
2. Sur la situation en Irak : La cour a mis en avant l'ampleur du conflit armé en Irak, notant que "le conflit a engendré une crise humanitaire majeure". Elle a conclu que, "dans ces circonstances", la seule présence de Mme B... en Irak pourrait l'exposer à des traitements prohibés, justifiant ainsi son droit à une protection.
3. Sur les obligations des autorités : La cour a cité les décisions précédentes de la Cour européenne des droits de l’homme qui imposent aux autorités administratives de "dissiper les doutes" sur les risques encourus par les personnes retournant dans leur pays d'origine, ce qui n'a pas été effectué de manière satisfaisante dans le cas de Mme B....
Interprétations et citations légales
1. Article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : La cour s’appuie sur cet article pour établir la nécessité d'une protection contre des traitements inhumains, arguant que le préfet a failli à sa responsabilité de prouver que le retour de Mme B... ne violerait pas cette disposition.
2. Responsabilité de la preuve : La cour rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour européenne (28 février 2008, Saadi c. Italie), "il appartient en principe au ressortissant étranger de produire les éléments susceptibles de démontrer qu'il serait exposé à un risque de traitement contraire". Ici, Mme B... a suffisamment montré qu'elle était à risque sans que le préfet n'apporte des éléments contraires.
3. Analyse de la situation en Irak : La cour utilise des informations d'organismes internationaux pour soutenir son analyse. Elle conclut que la situation en Irak, notamment à Kirkouk où réside Mme B..., constitue un "risque avéré de subir des traitements prohibés". Ceci dépasse la simple évaluation des conditions de sécurité régionales, au profit d'une évaluation globale des risques liés aux conflits en cours.
En somme, la décision met en avant la précaution nécessaire dans l’évaluation des demandes d’asile et de renvoi, notamment dans des contextes de violence généralisée.