Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, Mme B...A..., représentée par Me D...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais d'enregistrer sa demande d'asile, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante érythréenne née en 1985, indique être entrée en France le 21 juin 2017. Elle a présenté une demande d'asile en France en août 2017. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que l'intéressée avait franchi irrégulièrement la frontière italienne le 30 août 2016 et qu'elle avait présenté une première demande d'asile aux Pays-Bas le 30 octobre 2016. Par un arrêté du 23 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a ordonné le transfert de Mme A...aux autorités italiennes et son assignation à résidence. Mme A... relève appel du jugement du 4 janvier 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 26 du même règlement : " Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale ". Le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur : " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction ".
3. Pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis.
4. Le préfet du Pas-de-Calais indique avoir sollicité, le 8 août 2017, la prise en charge de Mme A... par les autorités italiennes au titre du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013. Le silence gardé par les autorités italiennes sur cette demande aurait donné naissance, le 8 octobre 2017, à un accord tacite de leur part, alors que les autorités hollandaises avaient, quant à elles, refusé la prise en charge de l'intéressée sur leur territoire. Toutefois, alors que Mme A...conteste la réalité de la demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes, et donc l'existence d'un accord tacite de ces dernières, et malgré une mesure d'instruction diligentée par la cour, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas démontré avoir effectivement adressé, le 8 août 2017, une demande de prise en charge de Mme A... aux autorités italiennes. En l'absence de preuve de la réalité de cette démarche, l'existence, à la date de l'arrêté en litige, d'un accord tacite des autorités italiennes ne saurait davantage être tenue pour établie. Dès lors, l'appelante est fondée à soutenir qu'en l'absence d'accord de prise en charge par l'Etat requis, la décision de transfert dont elle fait l'objet a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 2.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais procède à l'enregistrement de la demande d'asile de MmeA.... En revanche, en application des dispositions citées au point précédent, il y a lieu de lui enjoindre de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me D...C..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille du 4 janvier 2018 et l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 23 novembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me D...C...au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au préfet du Pas-de-Calais, au ministre de l'intérieur et à Me D...C....
N°18DA00832 2