Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2018, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. E... A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
1. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ./ L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
2. M. E... A...déclare être ressortissant soudanais, être né le 1er janvier 1971 et vivre en France depuis 2015. Le 7 mars 2018, il a été interpellé par la police et n'a pas été en mesure de présenter de document d'identité ou de voyage. Il était en possession d'une attestation de demande d'asile qui n'était toutefois valable que jusqu'au 9 janvier 2018. Les services de la préfecture produisent pour la première fois en appel la fiche récapitulative du dossier de l'intéressé sur l'application " TelemOfpra " et un extrait du fichier national des étrangers qui permettent d'établir que l'intimé, dont la demande d'asile a été rejetée le 21 novembre 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 11 octobre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile et qui n'a pas déposé de demande de réexamen de sa situation, ne bénéficiait plus d'un droit au séjour au titre de l'asile à la date de l'arrêté attaqué. Dès lors, en obligeant M. E... A...à quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a retenu ce motif pour annuler son arrêté.
3. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... A...devant la juridiction administrative.
Sur le moyen commun à toutes les décisions :
4. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. M. D... B..., chef du bureau de l'éloignement, dispose d'une délégation de signature du 2 mars 2018, par arrêté régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté.
Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. La décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. M. E... A...ne peut utilement se prévaloir du principe de non-refoulement énoncé par les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel il sera renvoyé et n'a pas non plus pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 doit en tout état de cause être écarté.
7. M. E... A...qui ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 2 de ce qu'à la date de la décision contestée, il bénéficiait d'un droit au séjour sur le fondement d'une demande d'asile en cours d'instruction ou de réexamen, ne produit aucun élément de nature à établir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de ce qui précède que M. E... A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
Sur les moyens propres à la décision refusant un délai de départ volontaire :
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. E... A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
10. La décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 / (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier et notamment des propres déclarations de M. E... A...qu'il est entré irrégulièrement en France et y réside également de manière irrégulière. Il ne présente pas de document d'identité et ne justifie ni de ressources, ni d'un lieu de résidence effective. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 précité, même en l'absence de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. En outre, l'intéressé n'a fait état ni devant l'administration, ni devant la juridiction administrative d'éléments susceptibles de justifier l'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de ce qui précède que M. E... A...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'illégalité.
Sur les moyens propres à la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. E... A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
15. La décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
16. M. E... A...soutient qu'au Soudan, il a entretenu une relation avec une femme sans être marié avec elle. La famille de cette jeune femme l'aurait assassinée quand elle est tombée enceinte et aurait également menacé de mort l'intéressé. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à appuyer ses déclarations ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels il serait susceptible d'être exposé en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne justifie pas davantage être originaire d'une région où règne une situation de violence généralisée, ni en toute hypothèse, ne pas pouvoir s'installer dans une autre région en cas de retour au Soudan. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, la préfète de la Seine-Maritime n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant que M. E... A...pourrait être reconduit vers le Soudan.
Sur les moyens propres à la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et informant l'intéressé de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen :
17. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 et 13 que M. E... A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus d'un délai de départ volontaire à l'encontre de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / (...) ".
19. En l'espèce, après s'être référé aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir relevé le caractère irrégulier du séjour de M. E... A...en France, la préfète a également pris en compte l'absence de liens privées et familiaux en France, l'absence de mesure d'éloignement précédente et le fait que sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.
20. Ainsi qu'il a été dit au point 16, M. E... A...ne démontre pas les risques qu'il dit encourir en cas de retour au Soudan. Par suite, et compte tenu des éléments pris en compte au point 19, le moyen tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation sur ce point en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour de deux ans sur le territoire doit, en tout état de cause, être écarté.
21. La circonstance que M. E... A...n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du Règlement CE n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 4 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Ce moyen qui, en tout état de cause, manque en fait, doit donc être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Seine-Maritime est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 mars 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. E... A...aux fins d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande de M. E... A...devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
N°18DA00898 2