Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 mai 2016, 14 octobre 2016 et 30 janvier 2017, la commune de Blérancourt, représentée par Me A...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, sauf en tant qu'il reconnaît la responsabilité de la communauté de communes du Val de l'Ailette à raison du versement d'une somme insuffisante au titre de l'attribution de compensation ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 26 mai 2014 ;
3°) de condamner la communauté de communes du Val de l'Ailette à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de l'Ailette le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au I de l'article 1379-0 bis sont substitués aux communes membres pour l'application des dispositions relatives à la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et pour la perception du produit de ces taxes. / (...) / IV. Il est créé entre l'établissement public de coopération intercommunale soumis aux dispositions fiscales du présent article, à l'exclusion de ceux mentionnés au 5° du I de l'article 1379-0 bis, et les communes membres une commission locale chargée d'évaluer les transferts de charges. (...) / V.-1° L'établissement public de coopération intercommunale verse à chaque commune membre une attribution de compensation. Elle ne peut être indexée. / Lorsque l'attribution de compensation est négative, l'établissement public de coopération intercommunale peut demander à la commune d'effectuer, à due concurrence, un versement à son profit. / Les attributions de compensation fixées conformément aux 2°, 4°, 5° ou, le cas échéant, au 1° bis constituent une dépense obligatoire pour l'établissement public de coopération intercommunale ou, le cas échéant, les communes membres. Le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale communique aux communes membres, avant le 15 février de chaque année, le montant prévisionnel des attributions au titre de ces reversements. / Le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale ne peut procéder à une réduction des attributions de compensation qu'après accord des conseils municipaux des communes intéressées. / (...) / 1° bis Le montant de l'attribution de compensation et les conditions de sa révision peuvent être fixés librement par le conseil communautaire statuant à l'unanimité, en tenant compte du rapport de la commission locale d'évaluation des transferts de charges. / A défaut d'accord unanime, le montant de l'attribution est fixé dans les conditions figurant aux 2°, 4° et 5° (...) ".
2. Le 1er janvier 2014, plusieurs communes, dont celle de Blérancourt, ont intégré la communauté de communes du Val de l'Ailette (CCVA), qui applique le régime de la fiscalité professionnelle unique. Par une délibération du 27 janvier 2014, adoptée à l'unanimité, le conseil communautaire de la CCVA a décidé de fixer librement le montant de l'attribution de compensation, dans le cadre prévu par les dispositions du 1° bis du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts cité au point précédent. Cette délibération a adopté les propositions formulées par la commission locale d'évaluation des transferts de charges, notamment en ce qui concerne le mode de calcul de l'attribution de compensation, qui tient compte d'une baisse future des taux communaux d'imposition des ménages afin que l'intégration des communes dans cet établissement n'entraîne pas de hausse globale de la fiscalité, et le " montant des attributions de compensation provisoire " qui, en application des dispositions du 1° du V de l'article 1609 nonies C, devait être communiqué aux communes avant le 15 février. Enfin, cette délibération a adopté un calendrier prévisionnel prévoyant notamment " le vote des attributions de compensation définitives " en juin 2014, sous réserve de la disponibilité de l'ensemble des éléments nécessaires au calcul de celles-ci, et notamment des taux d'imposition des ménages adoptés par chacun des conseils municipaux, et le versement aux communes d'un tiers provisionnel de l'attribution de compensation " provisoire " au mois de mai " après le vote des taux ".
3. Par une nouvelle délibération du 26 mai 2014, le conseil communautaire de la CCVA a décidé à l'unanimité " de verser aux communes entrantes les montants prévus par la commission locale d'évaluation des transferts de charges du 27 janvier 2014 sous réserve du calcul des montants définitifs et du vote à l'unanimité du système de dérogation au régime général " et autorisé son président à accomplir " les formalités subséquentes ". La commune de Blérancourt, estimant que cette nouvelle délibération remettait en cause le montant de l'attribution de compensation qui lui était promis en application de la délibération du 27 janvier 2014, a saisi le tribunal administratif d'Amiens afin qu'il en prononce l'annulation et condamne, en outre, la CCVA à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice subi. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens, estimant que les conclusions d'excès de pouvoir de la commune de Blérancourt étaient dès l'origine dépourvues d'objet, dès lors qu'aucune délibération du 26 mai 2014 n'avait remis en cause le montant des attributions de compensation votées le 27 janvier 2014, les a rejetées comme irrecevables. S'agissant de la demande indemnitaire de la commune de Blérancourt, le tribunal, après avoir considéré que la responsabilité de la CCVA était engagée en raison du versement incomplet du tiers provisionnel de l'attribution de compensation prévue par la délibération du 27 janvier 2014, a néanmoins rejeté les prétentions de la requérante faute de démonstration d'un préjudice direct et certain. La commune de Blérancourt relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement en tant qu'il rejette la demande de la commune dirigée contre la délibération du 26 mai 2014 :
4. En premier lieu, le tribunal administratif d'Amiens, qui, ainsi qu'il a été dit au point précédent, a rejeté comme irrecevables les conclusions d'excès de pouvoir présentées par la commune de Blérancourt, n'était ainsi pas tenu de répondre aux moyens de légalité développés par celle-ci à l'appui de ces conclusions. La commune de Blérancourt n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à son moyen tiré de ce que la délibération en litige aurait imposé abusivement le recours à un vote à l'unanimité.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 26 mai 2014 a été adoptée par le conseil communautaire de la CCVA afin de renouveler, après les élections locales et malgré un retard au regard du calendrier prévisionnel, les engagements pris par le conseil le 27 janvier 2014, dans sa composition antérieure, au sujet du versement des montants provisoires d'attribution de compensation. Il ne résulte ni des termes de cette délibération, cités au point 3, ni, en tout état de cause, de la note explicative de synthèse adressée aux membres du conseil ou du procès-verbal de la séance du 26 mai 2014, que le conseil communautaire aurait entendu remettre en cause les montants d'attribution de compensation définis par la délibération du 27 janvier 2014. Contrairement à ce que soutient la commune de Blérancourt, il résulte clairement des termes de cette dernière délibération, cités au point 2, qu'elle n'avait vocation qu'à fixer des montants provisoires d'attribution de compensation, les montants définitifs ne pouvant être arrêtés qu'au regard, notamment, des taux d'imposition des ménages adoptés par les conseils municipaux. Par ailleurs, il résulte des dispositions, citées au point 1, du 1° bis du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts que le montant de l'attribution de compensation ne peut être fixé " librement " qu'à l'unanimité des membres du conseil communautaire. Ainsi, la délibération du 26 mai 2014, en renvoyant à la définition ultérieure de montants définitifs de l'attribution de compensation et à leur adoption à l'unanimité par le conseil communautaire, ne saurait être regardée comme ayant remis en cause la délibération du 27 janvier 2014. Enfin, si la commune de Blérancourt a reçu, au mois de juin 2014, le versement d'un tiers provisionnel de l'attribution de compensation dont le montant était inférieur à celui qui était prévu, il ne se déduit pas de cette seule circonstance qu'il existerait une délibération du conseil communautaire de la CCVA remettant en cause les montants provisoires arrêtés par la délibération du 27 janvier 2014. Sur ce point, la CCVA explique d'ailleurs, sans être sérieusement contredite, que la réduction du montant de ce premier tiers provisionnel résulte uniquement de la transmission tardive, par la commune de Blérancourt, de la délibération de son conseil municipal relative aux taux d'imposition des ménages. S'il est vrai qu'à la date du titre émis par l'établissement public de coopération intercommunale, la commune de Blérancourt avait communiqué les taux qui venaient d'être votés par son conseil municipal, il est constant que cette information parvenue tardivement n'avait pas été, pour des raisons purement fortuites et matérielles, prise en compte. Au demeurant, l'appelante ne conteste pas avoir, par la suite, reçu la totalité du montant de l'attribution de compensation prévue par la délibération du 27 janvier 2014. Dès lors, il résulte de l'ensemble des circonstances de l'espèce qu'il n'a jamais existé, contrairement aux spéculations de la commune de Blérancourt, de délibération du conseil communautaire de la CCVA du 26 mai 2014 remettant en cause les termes de la délibération du 27 janvier 2014. Il en résulte que, dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en rejetant comme irrecevables ses conclusions contre une prétendue délibération, après avoir constaté qu'elles étaient dépourvues d'objet dès l'origine.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il rejette la demande indemnitaire de la commune de Blérancourt :
6. La commune de Blérancourt soutient que le versement au mois de juin 2014, par la CCVA, d'un tiers provisionnel d'attribution de compensation dont le montant était inférieur à celui résultant de la délibération du 27 janvier 2014 lui a occasionné un préjudice financier et un préjudice de réputation.
7. Toutefois, d'une part, s'il résulte de l'instruction qu'à la fin du mois de juillet 2014, la commune de Blérancourt a rencontré des difficultés de trésorerie, il n'est nullement démontré que celles-ci seraient la conséquence du versement partiel, le 12 juin 2014, du tiers provisionnel de l'attribution de compensation, ni en tout état de cause qu'elles seraient à l'origine d'un préjudice financier pour la commune. D'autre part, l'appelante n'établit pas s'être trouvée dans l'obligation d'ajourner, comme elle le prétend, plusieurs projets, tels qu'un voyage de classe ou des travaux portant sur la voirie ou la salle des fêtes, de ce fait. La commune allègue sans davantage le démontrer avoir subi une atteinte à sa réputation. Au demeurant, son maire a lui-même pris l'initiative d'exposer, dans la presse locale, le conflit qui l'opposait à la CCVA. Enfin, la commune avait, ainsi qu'il a été dit au point 5, tardé à communiquer les éléments d'information qui auraient pu éviter un versement partiel du montant qui lui était dû. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'engagement de la responsabilité de la CCVA à l'égard de la commune qui résulterait du versement d'un montant insuffisant d'attribution de compensation, dans les circonstances rappelées au point 5, celle-ci n'est pas fondée, en tout état de cause, à réclamer la condamnation de cet établissement à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Blérancourt n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes Picardie des Châteaux, venant aux droits de la communauté de communes du Val de l'Ailette (CCVA), qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Blérancourt de la somme qu'elle demande sur ce fondement.
10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Blérancourt le versement de la somme de 1 500 euros à la communauté de communes Picardie des Châteaux sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Blérancourt est rejetée.
Article 2 : La commune de Blérancourt versera la somme de 1 500 euros à la communauté de communes Picardie des Châteaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Blérancourt et à la communauté de communes Picardie des Châteaux.
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
Signé : C.-E. MINETLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne et au ministre de l'intérieur, chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA00863 2