Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre 2016 et 6 juin 2017, la commune de Senlis, représentée par la SCP ENJEA avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.H... ;
3°) de mettre à la charge de M. H...la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a visé la note en délibéré produite le 21 juin 2016 sans en analyser le contenu qui apportait les éléments justifiant de la compétence du signataire de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté a été pris par le premier adjoint qui était compétent pour le signer ;
- le projet n'entrait pas dans le champ de l'exception prévue par UC 6 du plan local d'urbanisme permettant, par dérogation à la règle générale, de construire à l'alignement ;
- les caractéristiques de la zone et de la construction envisagée justifiaient le refus de permis au regard des dispositions de l'article UB 11 du plan local d'urbanisme;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'erreur de droit commise au regard des actes individuels antérieurs ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu de procéder à la substitution des motifs de l'arrêté par celui reposant sur les articles L. 451-1 et R. 425-18 du code de l'urbanisme dont les dispositions justifiaient le refus de permis opposé au demandeur, en l'absence d'accord exprès de l'architecte des bâtiments de France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2017, M. F...H..., représenté par Me E...G..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre à la commune de Senlis de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de permis de construire tenant compte des motifs d'annulation ;
3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête dirigés contre les motifs du jugement ne sont pas fondés ;
- le motif tiré de l'avis conforme de l'architecte des bâtiments de France dont il est demandé la substitution par la commune n'est pas fondé ;
- le refus du maire est une manière de détourner les dispositions de la loi ALUR qui a supprimé les coefficients d'occupation des sols afin de renforcer la densité du bâti.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me C...D...représentant la commune de Senlis.
Considérant ce qui suit :
1. M. F...H...est propriétaire d'un terrain de 686 m² situé au 41 rue Carnot, sur la commune de Senlis (Oise). Il a déposé, le 21 février 2014 une demande de permis de démolir une partie du mur d'enceinte de la propriété et de construire une maison d'habitation de 257 m² située à l'alignement de la rue Carnot. Par un arrêté du 25 avril 2014, le maire de la commune de Senlis a rejeté sa demande. La commune de Senlis relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, à la demande de M.H..., a annulé cet arrêté.
Sur les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif d'Amiens :
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. Le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte et a censuré les motifs de refus au regard des dispositions des articles UC 6 et UC 11 du plan local des sols. Il a enfin estimé que le maire ne pouvait se fonder sur un motif tiré de la méconnaissance des décisions antérieures.
En ce qui concerne l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté :
3. L'arrêté a été signé, le 25 avril 2014, par M. B...A..., premier adjoint au maire de la commune de Senlis. La commune de Senlis a produit l'arrêté du maire de Senlis du 8 avril 2014 portant " délégation de fonctions et de signature à M. B...A..., premier adjoint au maire " qui donne compétence à ce dernier pour signer les autorisations d'urbanisme. Par suite, la commune est fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur ce motif pour prononcer l'annulation de l'arrêté en litige.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC 6 du plan local d'urbanisme :
4. Aux termes de l'article UC 6 - Implantation par rapport aux voies et emprises publiques - du plan local d'urbanisme de la commune de Senlis : " (...) / Les constructions doivent être implantées en retrait de l'alignement : / - pour positionner la construction à édifier en continuité bâtie avec des constructions de valeur et en bon état implantées sur les terrains voisins, ou bien pour préserver un mur de valeur implanté à l'alignement qui constitue la continuité bâtie : dans ce cas, au moins un élément majeur de la façade ou du pignon de la construction projetée doit être aligné au nu de la façade de celle(s) des constructions voisines la plus proche de l'alignement. / - lorsqu'il n'existe pas de constructions sur les terrains voisins ou pour la mise en oeuvre d'un ordonnancement spécifique au quartier intéressant la totalité d'un îlot urbain ou un ensemble d'îlots, et justifié par le recalibrage de l'espace public, la préservation ou la création d'alignements plantés ou l'aménagement de continuités piétonnières et cyclables : les constructions doivent être implantées en retrait de l'alignement, de 5 mètres au moins. / (...) Une implantation différente (alignement) peut être admise lorsqu'il existe déjà des constructions de valeur et en bon état implantées à l'alignement sur des terrains voisins (continuité bâtie) (...) ".
5. La demande de permis en litige comportait, après démolition partielle d'un mur ancien, construction à la place de celui-ci d'une maison d'habitation avec une façade à l'alignement de la voie publique. Un tel projet qui ne permettait pas, en tout état de cause, de préserver un " mur de valeur implanté à l'alignement " visait à faire obstacle à la règle de retrait des constructions, posée par l'article UC 6 précité qui aurait dû conduire en l'espèce à implanter la maison derrière le mur existant. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'il ne pouvait pas être admis en l'espèce, selon les termes du dernier alinéa cité au point précédent de l'article UC 6, une implantation différente à l'alignement dès lors qu'il n'existait pas déjà des constructions de valeur et en bon état implantées à l'alignement sur des terrains voisins situés dans la continuité bâtie du projet. Par suite, la commune est fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient censurer le premier motif de l'arrêté sur le fondement d'une violation de l'article UC 6 du plan d'occupation des sols.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article UC11 :
6. Aux termes de l'article UC 11 - Aspect extérieur des constructions - du plan local d'urbanisme : " Dispositions diverses : / (...) - La volumétrie, l'aspect, les matériaux des constructions (et des aménagements qui leur sont liés) doivent assurer des continuités urbaines, ménager des transitions et liaisons avec les constructions et ensembles bâtis existants. / En conséquence, chaque construction doit présenter une qualité d'ensemble qui est donnée notamment par les matériaux, les percements, les rapports entre pleins et vides ainsi que par la prise en compte des constructions avoisinantes qu'elles soient nouvelles ou existantes. / (...) / Volumétrie, composition et matériaux des façades / La volumétrie des constructions doit être maîtrisée et en rapport avec son contexte (échelle urbaine de son quartier). Les variations de hauteur entre deux bâtiments voisins doivent faire l'objet de transitions douces (décrochements progressifs de volumes) / (...) Ouvertures et percements / (...) ".
7. Si les dispositions de l'article UC 11 ne fixent pas, par elles-mêmes, une hauteur maximale à la construction, elles permettent de contrôler la volumétrie de la construction envisagée et la cohérence d'ensemble de la construction projetée par rapport aux constructions voisines.
8. En l'espèce, le projet prévoit d'implanter la construction à l'alignement de la voie publique, après destruction partielle du mur ancien existant. Dans ce contexte et au regard de la demande de permis de construire, il ressort des pièces du dossier que l'aspect, les matériaux et les aménagements liés ne permettent pas d'assurer les continuités urbaines, ni de ménager les transitions et liaisons avec les constructions et ensembles bâtis existants notamment à proximité. En particulier, les percements donnent directement sur rue à la différence des constructions déjà existantes les plus proches qui sont protégées par des murs de clôture aveugles. Enfin, par sa volumétrie et sa hauteur, quand bien même ses caractéristiques respecteraient les autres articles UC 9, UC 10 et UC 14 du plan d'occupation des sols, le projet en cause ne prévoit pas, au regard des variations de hauteur par rapport aux bâtiments voisins, de transitions douces. Par suite, la commune est fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient censurer l'autre motif de l'arrêté sur le fondement d'une violation de l'article UC 11 du plan d'occupation des sols.
En ce qui concerne la méconnaissance de décisions administratives antérieures :
9. En relevant que " le projet ne respecte pas le certificat d'urbanisme, ni la déclaration préalable de division foncière " et qu'" il convient d'étudier un projet respectant les prescriptions données afin de ne pas porter atteinte au caractère des lieux ", le maire de la commune de Senlis doit être regardé comme s'étant borné à faire ressortir la différence entre les projets antérieurs qui avaient justifié les décisions positives prises et le projet en litige, objet du refus, afin de mieux expliquer les raisons de ce rejet. Il n'a pas, ce faisant, entendu opposer un motif de refus fondé sur une violation par le pétitionnaire des décisions antérieures dont il était le bénéficiaire. Par suite, la commune est fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient censurer ce prétendu motif tiré de la violation des décisions individuelles antérieures par le projet du pétitionnaire comme fondement de sa décision.
10. Il résulte des points précédents que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur les quatre motifs analysés ci-dessus pour annuler le refus de délivrance de l'autorisation d'urbanisme opposé par le maire de Senlis à la demande de M.H....
11. Il y a lieu, toutefois, par l'effet dévolutif de l'appel de se prononcer sur les autres moyens présentés par M. H...devant la juridiction administrative.
12. M. H...ne peut utilement critiquer la position de la commune souhaitant se conformer à l'avis de l'architecte des bâtiments de France dès lors, en tout état de cause, qu'un tel motif n'est pas au nombre de ceux qui ont justifié la décision attaquée. La circonstance que la commune a demandé, à titre subsidiaire devant la cour, une substitution de motif, est également ici sans influence sur le sort de l'arrêté attaqué.
13. Ainsi qu'il a été dit, le maire pouvait légalement refuser le permis de démolir et de construire sollicité en se fondant sur les dispositions applicables des article UC 6 et UC 11 du plan d'occupation des sols. Dès lors, M. H...n'est pas fondé à soutenir que ce refus serait une manière de détourner les dispositions de la " loi ALUR " en tant qu'elles ont modifié l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et supprimé les coefficients d'occupation des sols afin de renforcer la densité du bâti. Par suite le moyen tiré du " détournement " des dispositions de la loi ALUR doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'examiner le moyen de la commune tiré de l'irrégularité du jugement et, d'autre part, de statuer sur la demande de substitution de motifs présentée à titre subsidiaire par la commune de Senlis, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'arrêté contesté du 25 avril 2014 du maire de la commune de Senlis.
15. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. H...doivent être rejetées.
16. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. H...une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Senlis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 juin 2016 tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de M. H...et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : M. H...versera à la commune de Senlis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Senlis et à M. F...H....
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
Le rapporteur
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise et au ministre de la cohésion des territoires chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
2
N° 16DA01595