Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2017, le préfet de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de MmeA....
Il soutient que Mme A...a reçu les guides du demandeur d'asile en France et dans l'Union européenne ainsi que celui sur la procédure de demande d'asile en procédure Dublin, dans une langue qu'elle comprenait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2018, Mme D...A..., représentée par Me C...B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Somme, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour afin que sa demande d'asile soit examinée en France et ce, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le motif retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens :
1. Aux termes de l'article 4 - Droit à l'information - du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) ".
2. Il ressort des pièces jointes à la requête d'appel que MmeA..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Somme le 27 septembre 2016, a bénéficié le même jour d'un entretien individuel à l'occasion duquel elle s'est vu remettre, en langue anglaise, langue qu'elle comprend, le guide du demandeur d'asile, une brochure d'information " A " relative à la détermination de l'Etat responsable et une brochure " B " concernant la " procédure Dublin " du règlement (UE) n° 604/2013 comportant les informations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a retenu la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement précité pour prononcer l'annulation de l'arrêté contesté.
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeA..., à l'encontre de l'arrêté attaqué, devant la juridiction administrative.
Sur les autres moyens :
4. L'arrêté litigieux a été signé " pour le préfet et par délégation " par M. Jean-Charles Geray, secrétaire général de la préfecture de la Somme, qui était compétent pour ce faire en vertu d'un arrêté du 2 janvier 2017, modifié par un arrêté du 5 janvier 2017, du préfet de la Somme, régulièrement publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture.
5. Aux termes de l'article 5 - Entretien individuel - du règlement précité du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
6. Il ressort du compte-rendu produit par le préfet de la Somme en appel qu'un entretien individuel répondant aux exigences de l'article 5 du règlement n° 604/2013 a eu lieu le 27 septembre 2016. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ".
8. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.
9. En se bornant à faire état d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme et d'un rapport d'Amnesty International, Mme A...n'établit pas que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile et que sa réadmission vers ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Elle ne fournit aucune précision ni aucun élément sur le séjour qu'elle a effectué en Italie avant de se rendre en France, sa durée et les difficultés qu'elle aurait rencontrées dans ce pays, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
10. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".
11. Mme A...ne soutient ni même n'allègue qu'elle aurait de la famille en France. Elle ne fait état d'aucune circonstance qui justifierait que la France examine sa demande de protection internationale alors même que son examen ne lui incombe, en principe, pas. Par suite, et au regard de ce qui a été dit au point 9, en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 visé ci-dessus, le préfet de la Somme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout de ce qui précède que le préfet de la Somme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté attaqué. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 avril 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...et ses autres conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...A...et à Me C...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA00932 2