Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2017, M. B...A..., représenté par la SELARL Mary et Inquimbert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois, sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part du conseil au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la décision de refus de séjour :
1. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. / (...) ". Enfin, aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
2. Si ces dispositions subordonnent la délivrance de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " au conjoint d'un français à certaines conditions, dont celle d'être en possession d'un visa de long séjour qui, au demeurant, ne peut être refusé que dans les cas prévus aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles n'impliquent pas que celui-ci fasse l'objet d'une demande expresse distincte de celle du titre de séjour sollicité auprès de l'autorité préfectorale, compétente pour procéder à cette double instruction. Dès lors qu'une demande de carte de séjour sur ce fondement vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, le préfet ne peut refuser la délivrance du titre de séjour sollicité en se fondant sur l'absence de visa de long séjour sans avoir au préalable examiné si le demandeur remplit les conditions fixées par l'article L. 211-2-1.
3. Il ressort de l'arrêté attaqué que la préfète de la Seine-Maritime ne s'est pas bornée à constater que M. A...ne présentait pas de visa long séjour l'autorisant à s'installer en France mais a également relevé qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière en France et que, dès lors, il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de séjour n'est, par suite, pas entachée d'erreur de droit.
4. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il est constant que M. A...n'a pas produit de visa de long séjour à l'appui de sa demande de titre de séjour. M. A...ne pouvait, par ailleurs, bénéficier des modalités prévues par le sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code précité dès lors qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. M. B...A..., né le 3 juillet 1974 en Tunisie, de nationalité tunisienne, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2008. Il ressort par ailleurs suffisamment des pièces du dossier qu'il s'est maintenu depuis lors sur le territoire français, en situation irrégulière. Après avoir divorcé de son épouse tunisienne le 21 avril 2014, il a épousé le 19 septembre 2015, au Havre, une ressortissante française avec laquelle il vivait depuis 2013. Il ressort cependant également des pièces du dossier que M. A...est entré en France alors qu'il était déjà âgé de 34 ans. Il a donc nécessairement développé en Tunisie des relations personnelles et amicales. Il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute famille en Tunisie, l'intéressé n'ayant fourni aucune information concernant les membres de sa famille résidant dans ce pays. M. A...n'a pas d'enfant et, hormis son épouse, est dépourvu de toute autre famille en France. Il a vécu clandestinement en France pendant de nombreuses années et n'a présenté sa première demande de titre de séjour que près de huit ans après son entrée en France. Son mariage avec une ressortissante française était relativement récent à la date de l'arrêté attaqué. En outre, au vu des pièces du dossier, rien ne fait obstacle à ce que M. A...revienne en France, en situation régulière. Par suite, et alors même qu'il entretient de bonnes relations avec les deux enfants majeurs de son épouse, issus d'une première union ainsi qu'avec une petite fille de celle-ci, compte tenu des conditions du séjour en France et en dépit de sa durée, l'arrêté préfectoral n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet s'est fondé, ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoquées par l'intéressé.
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, et alors que M. A...ne dispose ni de ressource propre ni d'une activité professionnelle, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur sa situation personnelle doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) ". Aux termes de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-8, quatrième alinéa, L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. / (...) ".
8. La commission du titre de séjour prévue par les dispositions des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit être saisie que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à l'article L. 313-11 pour lesquels une décision de refus de titre de séjour est envisagée, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces conditions. Il s'en suit que la préfète de la Seine-Maritime n'était pas tenue de soumettre le cas de M.A..., qui ne peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du même code, à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5.
12. Le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par la préfète de la Seine-Maritime dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A...doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 et 6.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. L'arrêté préfectoral contesté fixe la Tunisie, dont M. A...a la nationalité, comme pays de destination. M. A...ne fait état d'aucun risque personnel en cas de retour en Tunisie. Il n'a d'ailleurs jamais sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Le moyen tiré de l'illégalité du pays de destination doit dès lors être écarté.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'illégalité.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et à la SELARL Mary et Inquimbert.
Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller,
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
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N° 17DA01974