Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2017, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeA....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- et les observations de Me G...D..., représentant le préfet du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante gambienne, ayant présenté une demande d'asile en préfecture du Nord, a fait l'objet d'une procédure de vérification " Eurodac " qui a fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées en Italie. Par un arrêté du 18 septembre 2017, le préfet du Nord, estimant que l'Italie était l'Etat membre responsable et, après un accord tacite de ce dernier, a pris un arrêté ordonnant le transfert de Mme A...pour une prise en charge par les autorités italiennes. Le préfet du Nord relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté de transfert.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...). / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...). / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel vis à l'article 5. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture du Nord, le 24 mars 2017, s'est vu remettre le même jour deux brochures relatives au règlement Dublin III en langue française. Ces documents qu'elle a signés lorsqu'ils lui ont été remis, portent la mention qu'elle atteste comprendre le français. La fiche relatant l'entretien individuel réalisé le même jour indique que le français est au titre des " langues comprises ". Si Mme A... fait valoir devant la juridiction qu'elle ne comprend que très difficilement le français et qu'elle ne le lit pas, il ne ressort pas des pièces qu'elle l'ait mentionné lors de la remise des brochures précitées ou lors de l'entretien individuel du 24 mars 2017 et qu'elle n'aurait pas été en mesure de comprendre la procédure dont elle faisait l'objet. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 4 du règlement précité n'ont pas été méconnues. Dès lors, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu ce motif pour annuler l'arrêté attaqué.
4. Il appartient, toutefois, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant la juridiction administrative.
Sur la décision de transfert aux autorités italiennes :
5. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 12 septembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 208 du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à Mme B...F..., adjointe au directeur de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur de l'immigration et de l'intégration, notamment les décisions de transfert et d'assignation à résidence. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'immigration et de l'intégration aurait été absent, ou empêché lorsque l'arrêté contesté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / (...) ". Ni les dispositions de l'article 5 du règlement précité, ni aucune autre disposition n'imposent que l'entretien individuel soit mené par le préfet qui est l'autorité compétente pour se prononcer sur le transfert ou par une personne disposant d'une délégation de signature du préfet régulièrement publiée.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien du 24 mars 2017 s'est déroulé dans les locaux de la préfecture du Nord et qu'il n'est pas sérieusement contesté que Mme A... a été reçue lors de cet entretien par un agent de la préfecture du Nord. Aucune disposition n'impose que soit portée la mention sur le compte-rendu individuel de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En l'absence d'élément permettant d'en douter, il doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener l'entretien prévu par l'article 5 du règlement cité au point précédent et pour permettre au préfet de déterminer l'Etat responsable. Par suite, le moyen tiré de ce que l'entretien individuel aurait été conduit par une personne non habilitée en vertu du 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.
8. L'article 1er du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, modifié par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dispose que : " 1. Une requête aux fins de prise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe I. le formulaire comporte des rubriques obligatoires qui doivent être dûment remplies, les autres rubriques étant remplies en fonction des informations disponibles. Des informations complémentaires peuvent être introduites dans l'espace réservé à cet effet. / (...) ". Le paragraphe 3 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précise que la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée " à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ ou les autres éléments pertinents (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes, saisies par le préfet du Nord le 13 avril 2017, sont réputées avoir tacitement répondu favorablement à cette demande le 16 juin 2017. Il n'est pas démontré qu'elles n'auraient pas été saisies d'une demande présentée à l'aide du formulaire type prévu par la réglementation de l'Union en vue d'assurer une présentation régulière de la requête aux fins de prise en charge. Dès lors, la saisine des autorités italiennes doit être regardée comme ayant été effectuée régulièrement de telle sorte qu'elle a fait naître un accord tacite à la prise en charge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du règlement (CE) n° 1560/2003 doit être écarté.
10. L'intéressée fait valoir que la préfecture se borne à produire un numéro de la direction générale des étrangers en France dépourvu de toute mention utile permettant de relier ce numéro relevé dans la borne Eurodac à l'identité du requérant. Il ressort toutefois de l'information issue de la base Eurodac que les empreintes de Mme A..., relevées le 24 mars 2017, sont identiques à celles relevées en Italie le 6 octobre 2016 et enregistrées sous le numéro Eurodac fourni par le préfet. En outre, l'intéressée a signalé, notamment lors de son entretien individuel, être passée par l'Italie. Elle ne produit aucun élément de nature à faire douter du résultat dont la fiabilité ne saurait être remise en cause par principe. Dès lors, l'erreur de fait alléguée ne ressort pas des pièces du dossier. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel prévoit qu'un étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen en vertu d'une décision motivée de l'autorité administrative qui lui est notifiée de manière adaptée, est dépourvu des précisions qui permettent d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de transfert aux autorités italiennes est entachée d'illégalité.
Sur la décision portant assignation à résidence :
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 que Mme A... n'est pas fondée à exciper de la décision de transfert aux autorités italiennes à l'encontre de la décision de placement en rétention administrative.
13. Aux termes des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° (...) fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 / (...) ".
14. L'arrêté attaqué qui constitue une décision de transfert comporte les considérations de droit et de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressée qui en constituent le fondement. L'arrêté précise, en outre, que l'intéressée, qui est dépourvue de ressources suffisantes pour lui permettre d'organiser elle-même son départ, dispose d'un hébergement et bénéficie ainsi de garanties de représentation. Le préfet a, dans ces conditions, suffisamment motivé sa décision de l'assigner à résidence même s'il n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles il avait choisi une durée de quarante-cinq jours comme délai raisonnable pour l'organisation de ce départ.
15. L'intéressée ne produit aucun élément de nature à démontrer que le délai de quarante-cinq jours retenu par l'autorité préfectorale serait entaché d'une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant son assignation à résidence.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 18 septembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A... aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A...est rejetée.
Article 3° : Les conclusions présentées en appel par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C...A...et à Me E...H....
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.
- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°17DA02124 2