Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, la préfète de Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de MmeA....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante nigériane, déclaré être entrée en France irrégulièrement le 8 janvier 2012. Par un arrêté du 21 décembre 2016, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal s'est notamment fondé, pour accueillir le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et en conséquence annuler l'arrêté en litige du 12 décembre 2016, sur la circonstance que Mme A..." fait valoir que, lorsque son état de santé ne lui permet pas de s'occuper de [ses quatre enfants], ils bénéficient d'un placement provisoire auprès de l'aide sociale à l'enfance ", relevant à cet égard que cette allégation n'était pas contestée en défense. Il ressort des pièces du dossier de première instance que les documents établissant ce placement provisoire, figurant parmi les pièces-jointes de la requête introductive d'instance, ont été communiqués à la préfète de Seine-Maritime. Si ces documents ne lui ont pas été communiqués préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur la légalité du refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ".
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par MmeA..., la préfète de la Seine-Maritime a relevé que " contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis, il ressort de l'étude approfondie des circonstances propres au cas d'espèce qu'il existe une offre de soins effective au Nigeria concernant la prise en charge de l'état de santé de l'intéressée et que les médicaments liés y sont disponibles et accessibles ". La préfète de la Seine-Maritime s'est également fondée sur ce que " le passeport fourni par l'intéressée est un faux et ne permet pas de justifier de son identité et de sa nationalité ".
5. D'une part, il ressort des éléments versés au dossier et des précisions apportées dans le cadre de l'instruction de ses demandes d'asile ou de titre de séjour que l'intimée est de nationalité nigériane. Il est constant que, par un jugement correctionnel du 30 juin 2017, le tribunal de grande instance de Rouen a condamné Mme D...A...à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de détention frauduleuse et d'usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation. Cependant, il ne ressort ni des termes de ce jugement ni d'aucune autre pièce du dossier que l'intéressée ne serait pas de nationalité nigériane. Au demeurant, la préfète de la Seine-Maritime a toujours présenté l'intéressée, tant dans l'arrêté en litige, selon lequel le traitement approprié à son état de santé serait disponible au Nigeria, que dans ses écritures présentées en première instance et en appel, comme étant de nationalité nigériane. Le caractère frauduleux du passeport fourni par Mme A...à l'occasion de sa demande d'asile n'est ainsi pas de nature à remettre en cause la nationalité déclarée de façon constante par MmeA....
6. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Dans son avis du 2 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut d'une telle prise en charge pouvait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé présentaient un caractère de longue durée, supérieur à deux ans. La préfète de la Seine-Maritime ne produit aucun élément suffisamment précis et probant permettant de justifier l'existence du traitement approprié au Nigeria, pays dont l'intéressée est originaire, ainsi qu'il vient d'être dit au point 5 en dépit du caractère frauduleux du passeport qu'elle a versé.
8. Mme A...entre ainsi dans la catégorie des étrangers bénéficiant de plein de droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point 3.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté en litige du 12 décembre 2016.
Sur les frais liés au procès :
10. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que MeB..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D...A...et à Me C...B....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
N°18DA00814 2