Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 4 septembre 2018 et 9 novembre 2018, M. E...A...C..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Seine Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité du jugement :
1. Il résulte du point 3 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen a répondu au moyen, soulevé par M. A...C..., tiré de ce que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, notamment au regard de sa vie privée et familiale. L'intéressé n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute de réponse à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté en litige :
2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...C...a sollicité, le 7 juillet 2016, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant. Cette demande étant incomplète, la préfète de la Seine-Maritime lui a adressé, le 24 octobre 2016, un courrier indiquant les pièces manquantes. M. A...C..., qui ne conteste pas avoir reçu ce courrier, a produit par la suite une partie des pièces demandées par la préfète. Celle-ci disposait, à la date de l'arrêté en litige, de l'ensemble des informations requises pour se prononcer en connaissance de cause sur la demande de titre de séjour qui lui était soumise. En particulier, si l'appelant soutient qu'il appartenait à la préfète de lui demander d'actualiser à nouveau son dossier afin de connaître son niveau d'études à la date de sa décision, il n'est pas contesté que l'administration disposait d'une attestation d'inscription en terminale au lycée Porte Océane du Havre pour l'année en cours et M. A...C...n'allègue d'ailleurs pas que sa situation avait évolué à cet égard. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est intervenu en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration cité au point 2.
4. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ni sur la décision fixant le pays de destination de son éloignement qui l'accompagne, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
5. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. M. A...C..., qui au demeurant n'apporte aucune précision au sujet des éléments qu'il aurait pu porter à la connaissance de l'administration s'il avait été invité à le faire, n'est dès lors pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que l'arrêté en litige, en tant qu'il fixe le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, est entaché d'un vice de procédure à ce titre.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision de refus de titre de séjour :
6. Il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni des autres pièces du dossier, compte tenu en particulier de ce qui a été dit au point 3, que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen complet de la demande de titre de séjour de M. A...C.... Il résulte notamment des énonciations de cet arrêté que la préfète a bien recherché si l'intéressé pouvait bénéficier d'une admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale, alors que, au demeurant, elle n'y était pas tenue, faute d'être saisie d'une demande en ce sens.
7. Aux termes de l'article 7 de la convention entre la République française et la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 : " Les nationaux de chacun des États contractants désireux de se rendre sur le territoire de l'autre État en vue d'effectuer des études doivent, pour être admis sur le territoire de cet État, être en possession, outre d'un visa de long séjour et des documents prévus à l'article 1er de la présente Convention, de justificatifs des moyens de subsistance et d'hébergement, et d'une attestation de préinscription ou d'inscription délivrée par l'établissement d'enseignement qu'ils doivent fréquenter (...) ". Aux termes de l'article 11 de la même convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux camerounais doivent posséder un titre de séjour. / (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil ".
8. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". Aux termes du I de l'article L. 313-7 du même code : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) ".
9. Pour refuser de délivrer à M. A...C...le titre de séjour prévu par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Seine-Maritime s'est fondée, dans la motivation de l'arrêté attaqué, sur l'absence de production, par l'intéressé, d'un visa de long séjour. Elle a précisé que M. A...C...ne peut pas être dispensé de cette condition dès lors qu'il est entré irrégulièrement en France et qu'il ne poursuit pas d'études supérieures. En outre, elle a ajouté que l'intéressé ne justifie pas disposer de moyens d'existence suffisants.
10. Il est constant que M. A...C...ne dispose pas d'un visa de long séjour. L'absence de production de ce visa justifie à lui seul le rejet de sa demande de titre de séjour. Si l'appelant se prévaut de la possibilité de dispense de cette condition prévue par la deuxième phrase du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il est scolarisé en France depuis l'âge de seize ans et souhaite s'orienter vers un brevet de technicien supérieur, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, l'intéressé ne poursuivait pas d'études supérieures, puisqu'il est inscrit en classe de terminale au lycée. Il ne remplissait donc pas les conditions requises pour bénéficier de la dispense dont il se prévaut. A cet égard, si la préfète de la Seine-Maritime a considéré, dans la motivation de son arrêté, que l'entrée irrégulière de M. A... C...faisait également obstacle à ce qu'il bénéficie de cette dispense de production d'un visa de long séjour, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré régulièrement sur le territoire français sous le couvert d'un visa de court séjour délivré par l'Italie, l'inexactitude matérielle de ce motif demeure, compte tenu de son caractère surabondant, sans influence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour. Au surplus, M. A...C...ne conteste pas le dernier motif de cette décision, selon lequel il ne dispose pas de moyens d'existence suffisants, qui justifie également à lui seul le refus de lui délivrer la carte de séjour temporaire prévue par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de cet article.
11. Il résulte de la motivation de l'arrêté en litige, ainsi qu'il a été dit au point 6, que la préfète de la Seine-Maritime s'est prononcée sur le droit au séjour de M. A...C...au titre de la vie privée et familiale. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France en septembre 2014, à l'âge de seize ans, avec un visa touristique, et s'y est maintenu irrégulièrement par la suite. Il est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de la présence, en France, de deux de ses tantes, d'un oncle et de plusieurs demi-frères et soeurs, il n'est pas isolé dans son pays d'origine où vivent ses parents et ses autres frères et soeurs et où il a lui-même vécu jusqu'à son arrivée en France. Il n'établit pas, ni même d'ailleurs n'allègue, qu'il existerait un obstacle à la poursuite de ses études secondaires au Cameroun. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et malgré son jeune âge à son arrivée sur le territoire français, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A...C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la préfète de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que la décision de rejet de sa demande de titre de séjour est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la légalité interne de l'obligation de quitter le territoire français :
13. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que M. A...C...n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
14. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'appelant avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.
15. Pour les raisons énoncées au point 11, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation faite à M. A...C...de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni que cette décision emporterait, pour l'intéressé, des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision fixant le pays de destination :
17. Si M. A...C...soutient que la décision de la préfète de la Seine-Maritime désignant son pays d'origine comme celui à destination duquel il est susceptible d'être reconduit en cas d'inexécution de l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien fondé. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées, de même que la demande présentée par son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....
Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime.
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N°18DA00824