Par un jugement n° 1500686 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 26 septembre 2014.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 janvier 2016, M. E...F..., représenté par Me B...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus de titre de séjour du 26 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou a défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet qui n'a pas répondu malgré une mise en demeure est réputé avoir acquiescé aux faits ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- l'avis du médecin de l'agence régional de santé du Nord-Pas-de-Calais du 10 décembre 2013 est irrégulier, le nouveau directeur régional de l'agence régionale de santé n'ayant pas renouvelé les désignations après sa nomination ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- l'administration aurait dû établir que le traitement dont il bénéficie est disponible au Maroc ;
- ce traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis du médecin de l'agence régional de santé du Nord-Pas-de-Calais du 10 décembre 2013;
- le préfet n'a pas recherché ni apprécié l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles de nature à permettre la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait dû saisir le directeur de l'agence régionale de santé pour avis ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Une mise en demeure a été adressée le 22 octobre 2015 au préfet du Nord, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, d'avoir à produire des observations en défense dans un délai de quinze jours.
M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2015 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Douai désignant Me B...A.en fonction
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- et les observations de Me B...A..., réprésentant M.F.en fonction
Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :
1. Considérant que, par un arrêté préfectoral du 19 août 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet du Nord a donné délégation à M. C...D..., adjoint au directeur de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement concomitant du secrétaire général par intérim et du directeur de l'immigration et de l'intégration, notamment, les décisions portant refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ; que le défaut de mention sur l'arrêté du 26 septembre 2014 de l'absence ou de l'empêchement du secrétaire général par intérim est sans incidence sur la régularité de la décision contestée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté ;
Sur l'irrégularité de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé :
2. Considérant que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais du 10 décembre 2013 sur lequel le préfet s'est fondé, a été émis par deux médecins désignés, conformément aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme médecins de l'agence régionale de santé chargés notamment de la délivrance des avis prévus par ces dispositions, par une décision du 25 juin 2012 du directeur de cette agence ; qu'une telle désignation, qui n'est pas une délégation de signature, produit ses effets notamment tant que les personnes concernées demeurent... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais nommé à compter du 1er octobre 2013 aurait rapporté ces désignations ; que les deux médecins désignés n'ont pas quitté leurs fonctions ; que, par suite, l'avis rendu par ceux-ci le 10 décembre 2013 n'a pas été irrégulièrement émis ;
Sur la méconnaissance de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (en fonction) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant " ; que si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, il appartient à la cour administrative d'appel, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier dont elle dispose, au vu notamment du mémoire en défense présenté par le préfet en première instance ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que l'avis du 10 décembre 2013 des médecins de l'agence régionale de santé mentionné au point 2 indique que l'état de santé de M. F...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe au Maroc, pays dont l'intéressé est originaire, un traitement approprié ; que les documents qu'il produit, et notamment plusieurs attestations de suivi et ordonnances du centre de santé mentale Trieste qui se bornent à indiquer que la poursuite des soins psychiatriques sont indispensables auprès de cette unité, ainsi qu'un rapport du conseil national des droits de l'homme du Maroc relatif à la situation de la prise en charge des maladies mentales au Maroc et un article de presse du 27 mars 2013 sur ce sujet, ne suffisent pas en raison de leur caractère très général, à remettre en cause l'avis médical du 10 décembre 2013 ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier qu'entre l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé le 11 juin 2013 et celui rendu le 10 décembre 2013 le traitement avait été modifié ; que, par suite, le préfet du Nord, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru lié par l'avis du 10 décembre 2013 précité, a pu sans entacher sa décision d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, refuser de délivrer à M. F...le titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant que la saisine du directeur général de l'agence régionale de santé, prévue par les dispositions combinées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est exigée que si le demandeur fait état de circonstances humanitaires exceptionnelles auprès de l'administration ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de sa demande de titre de séjour, que le requérant aurait fait état de circonstances humanitaires exceptionnelles au titre de sa santé ni que les éléments relatifs à sa situation médicale constitueraient en eux-mêmes des circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige est irrégulière, faute d'avoir été précédée de la consultation du directeur général de l'agence régionale de santé telle qu'aménagée par les dispositions précitées, doit être écarté ; que, pour les mêmes raisons, en n'examinant pas si la situation de M. F...répondait aux circonstances humanitaires exceptionnelles, le préfet n'a pas entaché sa décision d'insuffisance de motivation ni méconnu les dispositions précitées ;
Sur l'atteinte portée à la vie privée et familiale et l'erreur manifeste d'appréciation :
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.F..., ressortissant marocain, né le 16 novembre 1986, déclare être entré en France en juin 2012 ; qu'il est célibataire et sans enfant à charge ; qu'il est hébergé par une association d'accueil depuis le mois de janvier 2013 ; qu'il n'établit ni même n'allègue avoir des attaches personnelles et familiales en France et ne justifie d'aucune insertion professionnelle ; qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident son père, sa mère et ses frères et soeurs et dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ; que, par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée ; que, par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Sur le défaut de consultation de la commission du titre de séjour :
10. Considérant que la commission du titre de séjour prévue par les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne doit être saisie que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées à l'article L. 313-11 pour lesquels une décision de refus de titre de séjour est envisagée, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces conditions ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points précédents, M. F...ne remplissait pas les conditions pour prétendre à une carte de séjour temporaire de plein droit sur le fondement du 11° ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile; que, par suite, le préfet en omettant de saisir la commission du titre de séjour, n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être écartées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F..., au ministre de l'intérieur et à Me B...A.en fonction
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 février 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président de chambre,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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N°15DA01153 2