Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2015, la préfète de la Somme demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que M. A...ne présente pas de garanties suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2015, M.A..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif a retenu à juste titre qu'il disposait de garanties de représentation suffisantes ;
- il dispose d'un domicile stable et connu, puisqu'il réside avec sa compagne depuis plus de quatre ans.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Guyau, rapporteur public.
1. Considérant que la préfète de la Somme relève appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, à la demande de M. A..., ressortissant algérien né le 9 juin 1978, annulé l'arrêté du 4 mai 2015 par lequel ce préfet a ordonné son placement en rétention administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., de nationalité algérienne né le 9 juin 1978, entré en France le 30 avril 2008, n'a effectué de démarches tendant à régulariser sa situation administrative qu'au mois d'avril 2012 ; que cette demande de titre de séjour a été rejetée par un arrêté du préfet de la Somme du 18 octobre 2013 qui a, en outre, prononcé une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à laquelle l'intéressé n'a jamais déféré en dépit du jugement rendu le 11 mars 2014 par le tribunal administratif d'Amiens puis de l'arrêt du 5 février 2015 rendu par la cour, décisions par lesquelles étaient confirmées la légalité de l'arrêté précité ; qu'étant demeuré illégalement sur le territoire national, M. A...a de nouveau sollicité son admission au séjour qui lui a été refusée par un arrêté du préfet de la Somme du 18 novembre 2014 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours que l'intéressé n'a pas davantage respecté en dépit du rejet de son recours contentieux par le tribunal administratif d'Amiens le 24 mars 2015 ; qu'il ressort en outre des déclarations de M. A...lors de son audition par un agent de police judiciaire le 4 mai 2015 suite à son interpellation, qu'il ne disposait d'aucun document de voyage en cours de validité, son passeport ayant été remis, par l'intéressé, aux autorités consulaires algériennes au cours de l'année 2013 et son permis de conduire algérien étant détenu par une tierce personne ne résidant pas avec lui ; que dans les circonstances de l'espèce et compte tenu tant de l'attitude de M. A...qui s'est volontairement soustrait aux mesures d'éloignement qui lui avaient été notifiées et dont la légalité avait été confirmée par la juridiction administrative que de l'absence totale de tout document d'identité, la préfète de la Somme a pu régulièrement estimer, qu'en dépit de la domiciliation de l'intéressé à l'adresse où il était censé entretenir un lien marital avec une ressortissante française, M. A...ne présentait pas de garantie effective de représentation, au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à éviter un risque de fuite ; que la préfète de la Somme est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'existence de garantie de représentation pour annuler l'arrêté du 4 mai 2015 plaçant M. A...en rétention administrative ;
4. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. A...devant le tribunal administratif et la cour à l'encontre de la décision de placement en rétention administrative ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, l'arrêté de la préfète de la Somme du 4 mai 2015 est suffisamment motivé ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. A...excipe de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet pour soutenir que l'arrêté en litige ordonnant son placement en rétention administrative serait privé de base légale, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les termes du paragraphe 2 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, selon lesquels les Etats membres prévoient, en cas de placement en rétention décidé par des autorités administratives, " qu'un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention ", n'impliquent pas que le recours formé contre la mesure de rétention doive présenter un caractère suspensif ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ; qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence elles-mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; que les stipulations de l'article 5, paragraphe 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions distinctes qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que M. A...soutient que son état de santé n'est pas compatible avec la mesure dont il a fait l'objet ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant a, à sa demande, été examiné le jour même de son interpellation par un médecin qui a considéré que son état de santé était compatible avec son placement en rétention ; que, dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur son état de santé ;
10. Considérant, en sixième lieu, que l'arrêté attaqué, ordonnant son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours ne porte, par lui-même, aucune atteinte au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cet arrêté des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant, en septième lieu, que M. A...est célibataire et sans enfant ; que s'il soutient vivre avec sa concubine et les enfants de celle-ci, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son maintien en rétention sur sa situation personnelle ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 mai 2015 plaçant M. A...en rétention administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1503843 du 7 mai 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie sera adressée à la préfète de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. LAVAIL DELLAPORTALe président de chambre,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N°15DA01180