Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2015, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 18 septembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 du préfet de l'Aisne ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2015, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par M. D...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, le préfet de l'Aisne conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dès lors que l'intéressé a quitté le territoire français.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Domingo, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.D..., ressortissant marocain né le 8 avril 1984, relève appel du jugement du 18 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2015 par lequel le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions du préfet de l'Aisne tendant au non lieu à statuer :
2. Considérant que la circonstance que le requérant ait quitté le territoire national ne rend pas sans objet les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; que, par suite, il y a lieu de statuer sur celles-ci ;
Sur les conclusions de la requête de M.D... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
4. Considérant que, si M. D...fait valoir qu'après avoir vécu en France jusqu'à l'âge de six ans, il est revenu dans ce pays en septembre 2011, que certains de ses collatéraux, dont ses parents et un frère, résident en France et qu'il attend un enfant issu de sa relation avec MmeA..., de nationalité française avec laquelle il s'est marié le 1er août 2015, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant est entré récemment sur le territoire français à l'âge de 27 ans après avoir vécu au Maroc où réside une partie de sa fratrie ; que ses parents, disposant d'un logement au Maroc, sont actuellement titulaires d'une carte de séjour portant la mention " retraité ", laquelle n'est délivrée qu'aux étrangers ayant établi leur résidence habituelle hors de France et n'autorise leur titulaire à effectuer des séjours en France qu'à la condition que chacun de ces séjours n'excèdent pas une durée maximale d'un an ; qu'il n'est dès lors pas dépourvu de toute attache familiale au Maroc, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans ; qu'enfin, la relation maritale qu'il entretient avec sa future épouse était très récente et MmeA..., mineure jusqu'au 7 juillet 2015 et bénéficiant d'un placement par l'aide sociale à l'enfance, ne voyait son futur mari que les fins de semaine et pendant les vacances scolaires ; que dans les circonstances de l'espèce, et eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de séjour en France de l'intéressé, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris ; que, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont été méconnues ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(... ) " ;
6. Considérant, d'une part que si le requérant se prévaut de la durée de son séjour en France et de ses attaches familiales dans ce pays, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour du requérant au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, d'autre part, que M. D...ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour à titre " salarié ", dès lors que la situation des ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France est exclusivement régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié, et que, dans cette mesure, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains de celles des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'enfin, et en tout état de cause, l'intéressé, qui n'était titulaire ni d'un visa long séjour, ni d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative dans les conditions prévues par l'accord précité, n'est pas fondé à soutenir qu'il était en droit de bénéficier de la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié et que le préfet aurait ainsi commis une erreur de droit en la lui refusant ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 9 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Laurent Domingo, premier conseiller.
Lu en audience publique le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : L. DOMINGOLe président de chambre,
Signé : M. E...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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N° 15DA01632