Procédure devant la cour :
I. Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2015 et le 9 février 2016 sous le n° 15DA01932, la garde des Sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande du syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière présentée devant le tribunal administratif de Lille.
Elle soutient que :
- l'objectif des dispositions du b) de l'article 21 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires est de permettre à chaque liste de pourvoir tous les sièges auxquels elle peut prétendre dans tous les grades pour lesquels elle a présenté des candidats et non de lui conférer le droit d'obtenir des sièges dans tous les grades pour lesquels elle a présenté des candidats ;
- la répartition des sièges qui a été faite le 19 janvier 2015 par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille permettait de garantir les droits de chaque liste syndicale ;
- le choix initialement émis par le syndicat FO lors de la première réunion de répartition des sièges empêchait le syndicat " Union fédérale de l'administration pénitentiaire " (UFAP), dont la liste a obtenu le plus grand nombre de suffrages, d'avoir le 4ème siège auquel il avait droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière (FO), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les syndicats disposent d'un droit à obtenir un représentant dans chacun des grades pour lesquels ils ont présenté des candidats ;
- la répartition des sièges effectuée le 19 janvier 2015, si elle permettait à chacune des listes d'obtenir tous les sièges auxquels elles pouvaient prétendre, privait le syndicat FO d'un représentant dans le grade de surveillant en lui imposant de choisir deux représentants dans le grade de major ;
- les dispositions du b) de l'article 21 du décret du 28 mai 1982 lui faisaient obligation de ne pas choisir d'emblée deux sièges dans un seul grade ;
- le choix initial du syndicat FO d'un représentant dans chacun des grades, soit major, brigadier et surveillant n'empêchait pas les autres listes d'obtenir le nombre de sièges auxquels elles avaient droit dans les grades pour lesquels elles avaient présenté des candidats.
II. Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2015 et le 9 février 2016, sous le n° 15DA01933, la garde des Sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 2 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille.
Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux d'annulation et des conséquences difficilement réparables de nature à justifier le sursis à exécution du jugement attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2015, le syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière (FO), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation du jugement attaqué ;
- le ministre n'établit pas le caractère difficilement réparable des conséquences de l'exécution du jugement attaqué.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Milard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière.
1. Considérant que les deux requêtes n° 15DA01932 et n° 15DA01933 présentées par la garde des Sceaux, ministre de la justice tendent à obtenir, respectivement, l'annulation et le sursis à l'exécution d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes du b) de l'article 21 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " La liste ayant droit au plus grand nombre de sièges choisit les sièges de titulaires qu'elle souhaite se voir attribuer sous réserve de ne pas empêcher par son choix une autre liste d'obtenir le nombre de sièges auxquels elle a droit dans les grades pour lesquels elle avait présenté des candidats. Elle ne peut toutefois choisir d'emblée plus d'un siège dans chacun des grades pour lesquels elle a présenté des candidats que dans le cas où aucune liste n'a présenté de candidats pour le ou les grades considérés. / Les autres listes exercent ensuite leur choix successivement dans l'ordre décroissant du nombre de sièges auxquels elles peuvent prétendre, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves. En cas d'égalité du nombre des sièges obtenus, l'ordre des choix est déterminé par le nombre respectif de suffrages obtenu par les listes en présence. En cas d'égalité du nombre des suffrages, l'ordre des choix est déterminé par voie de tirage au sort. / Lorsque la procédure prévue ci-dessus n'a pas permis à une ou plusieurs listes de pourvoir tous les sièges auxquels elle aurait pu prétendre, ces sièges sont attribués à la liste qui, pour les grades dont les représentants restent à désigner, a obtenu le plus grand nombre de suffrages (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'ordre dans lequel chaque liste choisit les sièges auxquels elle a droit est fonction du nombre total de sièges qu'elle a obtenus ; que lorsque la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges exerce en premier ce choix, elle pourvoit tous les sièges qui lui reviennent, sous la double réserve de ne pas empêcher par son choix une autre liste d'obtenir le nombre de sièges auquel elle a droit dans les grades pour lesquels elle a présenté des candidats et de ne choisir d'emblée plus d'un siège dans un grade pour lequel elle a présenté des candidats que si les autres listes n'ont elles-mêmes présenté aucun candidat pour le grade concerné ; qu'enfin, les autres listes exercent leur choix successivement dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves ;
4. Considérant qu'à l'issue des élections qui se sont déroulées le 4 décembre 2014, pour désigner les représentants du personnel à la commission administrative paritaire interrégionale du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance des services pénitentiaires de Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie, pour lesquelles neuf sièges de représentants du personnel étaient à pourvoir, dont deux pour le grade de major pénitentiaire, deux pour le grade de premier surveillant, deux pour le grade de surveillant brigadier et trois pour le grade de surveillant, la liste " Union fédérale de l'administration pénitentiaire " (UFAP), qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages, a obtenu quatre sièges ; que la liste syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière (SNP FO), qui était la seconde liste en nombre de suffrages et qui a présenté des candidats pour l'ensemble des grades, a obtenu trois sièges ; que les listes présentées par la confédération générale du travail (CGT) et le syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS), qui étaient respectivement troisième et quatrième en nombre de suffrages et qui ont présenté des candidats dans les mêmes grades que la liste UFAP ont obtenu chacune un siège ;
5. Considérant qu'après que le syndicat UFAP eut choisi lors de la première réunion de répartition de sièges qui s'est déroulée le 16 décembre 2014, de pourvoir un siège dans chacun des trois grades pour lesquels il avait présenté des candidats, il ne pouvait, dès lors que les autres listes avaient présenté des candidats dans ces mêmes grades, choisir d'emblée de prendre le quatrième siège qui lui avait été attribué dans les grades de surveillants, de premier surveillant ou de surveillant brigadier ; qu'il appartenait alors au syndicat SNP FO, qui ne tenait d'aucune disposition du décret précité du 28 mai 1982, le droit d'obtenir un siège dans chacun des grades pour lequel sa liste avait présenté des candidats, d'opérer son choix en respectant les mêmes conditions que celles qui s'imposaient à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges ; qu'en choisissant de n'occuper qu'un seul des sièges dans le grade de major, pour lequel il était le seul à avoir présenté des candidats, le syndicat SNP FO, qui avait par ailleurs choisi de prendre un siège dans le grade de brigadier surveillant et un autre dans celui de premier surveillant, a contraint le syndicat UFAP à renoncer à pourvoir le quatrième siège auquel il avait droit à la suite des élections professionnelles afin d'éviter notamment que la liste SPS ne soit elle-même empêchée d'obtenir le siège auquel elle avait également droit dans l'un des grades pour lesquels elles avaient présenté des candidats ; qu'enfin, les dispositions du troisième alinéa du décret précité du 28 mai 1982 relatives à l'attribution éventuelle d'un siège restant à pourvoir n'ont pas pour objet de permettre qu'une organisation syndicale puisse prétendre, comme ce serait le cas en l'espèce du syndicat UFAP, à l'attribution du siège auquel elle a droit dans un grade au titre duquel elle n'a pas présenté de candidat ; que, par suite, en invitant le syndicat SNP FO, lors de la nouvelle réunion du 19 janvier 2015, à occuper deux sièges dans le grade de major, pour lequel il était le seul à avoir présenté des candidats, afin de ne pas priver les autres listes d'obtenir le nombre de sièges auxquels elles avaient droit en vertu des principes définis par le décret du 28 mai 1982, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas méconnu les dispositions précitées du b) de l'article 21 du décret précité ; que la garde des Sceaux, ministre de la justice est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé pour ce motif la répartition des sièges opérée par l'arrêté du 2 février 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lille ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
6. Considérant que, par le présent arrêt, la cour statuant sur les conclusions du recours de la garde des Sceaux, ministre de la justice tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le garde des Sceaux, ministre de la justice.
Article 2 : Le jugement n° 1502443 du 2 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 3 : La demande présentée par le syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des Sceaux, ministre de la justice, au syndicat national pénitentiaire Force-Ouvrière, à l'Union fédérale de l'administration pénitentiaire, à la Confédération générale du travail et au Syndicat pénitentiaire des surveillants.
Délibéré après l'audience publique du 1er mars 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Michel Hoffmann, président de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Muriel Milard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
Signé : M. MILARDLe président de chambre,
Signé : M. B...
Le greffier,
Signé : M.T. LEVEQUE La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Marie-Thérèse Lévèque
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Nos15DA01932,15DA01933